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Le paradoxe de la confidentialité de Telegram : concilier sécurité et responsabilité à l’ère du numérique

TelegramClose-up of two woman’s thumbs touching on a smartphone screen in the dark.

Une contribution de Eddy Sifflet, expert cybersécurité chez Check Point France

L’arrestation du PDG de Telegram, Pavel Dourov, pour donner suite à des allégations concernant l’utilisation de la plateforme par des groupes illégaux, illustre parfaitement les défis contemporains en matière de vie privée, de sécurité, et de responsabilité pour les entreprises technologiques du 21e siècle. Dès sa création, Telegram s’est démarqué des réseaux sociaux et autres messageries instantanées en offrant des fonctionnalités spécifiques conçues pour renforcer la confidentialité des échanges et favoriser la communication à grande échelle. Le chiffrement de bout en bout (dans les chats secrets), les comptes anonymes et la possibilité de créer des groupes pouvant compter jusqu’à 200 000 membres ont fait son succès. Mais cette popularité n’est pas sans poser d’importants défis, notamment dans le domaine de la cybersécurité.

Contrairement à de nombreuses plateformes, Telegram permet aux utilisateurs de rejoindre des groupes et de communiquer sans avoir à révéler leur numéro de téléphone. Cette fonctionnalité offre un niveau d’anonymat précieux à une époque où les empreintes numériques font l’objet d’une attention croissante. La priorité qu’elle accorde à la confidentialité s’étend à ses pratiques de chiffrement, lequel est possible de bout en bout grâce à des options de chats secrets, où seuls les destinataires prévus peuvent accéder aux messages. Le protocole MTProto utilisé par Telegram pour les chats standard permet par ailleurs de concilier vitesse et sécurité pour des utilisateurs qui privilégient à la fois performance et protection de la vie privée.

Cependant, les mêmes caractéristiques qui permettent à Telegram d’attirer les utilisateurs attachés à leur vie privée créent également des vulnérabilités qui sont exploitées par des acteurs malveillants. La possibilité de communiquer anonymement sur la plateforme, combinée à une approche plus souple en matière de modération des contenus, a fait de Telegram un point de ralliement pour ceux qui se livrent à des activités illégales. De la vente de produits illégaux à la coordination de cyberattaques, l’infrastructure de Telegram peut faciliter des activités en marge de la loi.

Alors que la protection de la vie privée est de plus en plus cruciale, comment les plateformes comme Telegram peuvent-elles garantir qu’elles ne facilitent pas involontairement des comportements criminels ? Quels rôles des gouvernements et des entreprises de cybersécurité dans la surveillance et la réglementation de ces plateformes ?

L’arrestation du PDG de Telegram, Pavel Dourov, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte contre X qui vise notamment le « refus de communiquer les informations nécessaires aux interceptions autorisées par la loi », a mis ces questions au premier plan. Cette affaire souligne le nécessaire mais difficile équilibre à trouver entre la protection de la vie privée des utilisateurs et la lutte contre les activités illégales en ligne. Telegram, comme beaucoup d’autres entreprises technologiques, doit naviguer avec précaution entre la protection de la vie privée et de la liberté d’expression des utilisateurs et le soutien à la lutte contre les activités illégales. Elle soulève également la question centrale des responsabilités des fournisseurs de plateformes dans le contrôle des contenus et des communications sur leurs réseaux.

En matière de cybersécurité, les défis auxquels Telegram est confronté sont considérables. Compte tenu de l’infrastructure distribuée de la plateforme, dispersée entre de multiples juridictions, il est difficile de la bloquer ou de la faire disparaître, même dans les pays où elle est officiellement interdite, en faisant un rempart contre la censure. A l’inverse, les autorités chargées de l’application de la loi se heurtent à des obstacles considérables lorsqu’il s’agit de surveiller et de mettre fin aux activités illégales sur la plateforme. Le serveur proxy intégré qui, en tant que passerelle intermédiaire, permet de contourner les restrictions gouvernementales complique davantage les efforts entrepris pour contrôler le flux d’informations et d’activités sur Telegram.

Autre point important : la portée du fonctionnement de Telegram. En permettant de créer des groupes pouvant compter jusqu’à 200 000 membres, Telegram contribue à la diffusion rapide d’informations. Si elle favorise l’émergence de communautés importantes et engagées, satisfaites de leur anonymat, elle facilite également la diffusion de contenus dangereux ou la coordination d’activités illégales à grande échelle par des acteurs malveillants. Compte tenu de leur taille, ces groupes sont difficiles à modérer, et l’approche relativement indulgente de Telegram en ce qui concerne les retraits de contenu reste un point de discorde pour ses détracteurs qui estiment que la plateforme ne prend pas suffisamment de mesures pour lutter contre les comportements illégaux.

Pour les entreprises de cybersécurité, cette affaire souligne l’importance de développer des solutions avancées capables de répondre à ces questions complexes. Grâce à des connaissances basées sur l’IA et des technologies de pointe, il est possible de fournir des solutions de cybersécurité complètes capables d’atténuer les risques associés aux plateformes donnant la priorité à la vie privée des utilisateurs.

Le chemin à suivre dans cette ère numérique est complexe, où la vie privée et la sécurité doivent cohabiter en harmonie. Les gouvernements et les experts en cybersécurité doivent travailler davantage ensemble pour créer un environnement qui protège à la fois les libertés individuelles et la sécurité mondiale.

Voici quelques conseils de sécurité pour les utilisateurs de Telegram :

  1. Faites appel à l’authentification à deux facteurs (2FA) : Ajouter une couche de sécurité supplémentaire à votre compte Telegram vous permet de vous protéger contre les accès non autorisés et les usurpations d’identité.
  2. Soyez prudent avec les groupes et canaux publics : Vérifiez toujours l’authenticité et le but des groupes ou des canaux publics avant de participer pour éviter d’éventuels scams ou contenus malveillants.
  3. Actualisez régulièrement votre application Telegram : Assurez-vous de disposer des derniers correctifs de sécurité et des dernières fonctionnalités en mettant régulièrement à jour votre application Telegram.
  4. Servez-vous des chats secrets pour les conversations sensibles : Les chats secrets sont chiffrés de bout en bout, et offrent une couche de confidentialité supplémentaire pour les communications sensibles.
  5. Surveillez les autorisations de l’application : Vérifiez et gérez régulièrement les autorisations dont Telegram dispose sur votre appareil pour empêcher tout accès non autorisé à vos données.

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