Dans un échange marquant il y a quelques années, Katy McFee a discuté avec son PDG de l’importance d’accroître la représentation féminine au sein de l’équipe de direction. La réponse de ce dernier a été sans équivoque : seuls les meilleurs candidats devraient être sélectionnés, sans aucune distinction de sexe ou d’origine.
Un article de Katy McFee pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
Cet échange a suscité chez Katy McFee une réflexion profonde : pourquoi les femmes ne semblaient-elles jamais être considérées comme les meilleurs candidats ?
Il s’est avéré que l’idéologie de son PDG était enracinée dans la culture de la Silicon Valley, où règne la croyance que les talents les plus brillants réussissent indépendamment de toute considération politique, ethnique ou de genre. Cependant, derrière ce vernis de méritocratie se cache une réalité plus complexe. L’idée de recruter et de promouvoir sur la base du mérite est attrayante en théorie. Cependant, en pratique, elle s’avère être un mythe.
De nombreux articles ont remis en question cette idée, notamment dans la Silicon Valley où de nombreuses entreprises se proclament méritocratiques. En réalité, les privilèges et les préjugés influencent les décisions de recrutement et de promotion, et les femmes et les personnes de couleur sont laissées pour compte.
Cela s’explique en partie par le fait que les décisions de recrutement reposent souvent sur des évaluations subjectives, telles que l’intuition des recruteurs ou l’adéquation à la culture de l’entreprise.
Le mythe de la méritocratie
Dans son livre Femmes invisibles, la militante et journaliste britannique Caroline Criado-Perez aborde le mythe de la méritocratie et les préjugés auxquels les femmes sont confrontées en matière d’embauche et de promotion professionnelle. Sous le couvert de la méritocratie, les hommes blancs favorisent souvent leurs homologues masculins.
Selon Mme Criado-Perez, « les hommes (les femmes n’ont pas montré ce biais) qui se croient objectifs dans les décisions d’embauche sont plus susceptibles d’embaucher un candidat masculin qu’une candidate décrite de la même manière. Et dans les organisations qui sont explicitement présentées comme méritocratiques, les managers favorisent les employés masculins par rapport aux employées féminines tout aussi qualifiées ».
Au fil des dix dernières années, Caroline Criado-Perez et divers auteurs se sont penchés sur le mythe de la méritocratie. Cette remise en question de l’idée selon laquelle les entreprises ou les universités fonctionnent véritablement sur un principe de mérite pur et égalitaire n’est pas une nouveauté. Ce qui interpelle, c’est la ténacité avec laquelle de nombreux individus continuent à adhérer à cette conception, malgré les preuves contraires.
Pour en avoir la preuve concrète, il suffit d’observer la réaction lorsque l’on suggère à un PDG ou à un responsable du recrutement de délibérément choisir un candidat issu de la diversité pour le prochain poste à pourvoir.
Dans ses réflexions sur le fossé de leadership entre hommes et femmes, Katy McFee évoque parfois cette recommandation en matière de recrutement : optez pour le candidat issu de la diversité, même s’il se trouve en troisième position sur votre liste derrière deux autres candidats non diversifiés (ceci est particulièrement crucial si l’équipe manque de diversité). Elle ne suggère pas de privilégier un candidat moins qualifié, mais souligne que le classement est souvent influencé par des préjugés subjectifs plutôt que par les compétences réelles du candidat.
Chaque fois qu’elle donne ce conseil, un certain nombre de personnes réagissent vivement. Ils sont consternés qu’elle recommande de ne pas embaucher leur premier choix, car ils veulent s’assurer qu’ils obtiennent le meilleur candidat. Après tout, les candidats doivent être embauchés sur la base de leur mérite.
À chaque fois qu’elle donne ce conseil, elle fait face à de fortes réactions de la part de nombreuses personnes. Ils sont indignés par l’idée de ne pas choisir leur premier choix, et insistent sur l’importance d’embaucher le meilleur candidat, sur la base de leur mérite.
Ces exemples illustrent de manière frappante la nocivité du mythe de la méritocratie. Non seulement il est extrêmement difficile, voire impossible, de reconnaître nos propres préjugés, mais en prétendant baser nos décisions de recrutement sur le mérite seul, nous nous retrouvons dans une impasse pour mettre en place des initiatives efficaces en faveur d’une plus grande diversité au sein de la direction et dans l’ensemble de l’entreprise.
De nombreuses études ont montré que l’instauration de l’égalité des chances passe par la mise en œuvre de systèmes et de processus qui détectent nos préjugés et réduisent la subjectivité. Il est temps de renoncer au mythe de la méritocratie et de faire confiance à ces systèmes plutôt qu’à nos jugements subjectifs.
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