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Le média d’État russe RIA Novosti continue de faire de la propagande sur TikTok, malgré les mesures prises par le réseau social

RIA Novosti
Le média d'État russe RIA Novosti continue de relayer la propagande de Valdimir Poutine sur la guerre en Ukraine. | Source : Getty Images

Le média d’État russe, RIA Novosti, dont les origines remontent à la Seconde Guerre mondiale, a publié plusieurs messages de propagande sur TikTok.

 

Le média russe RIA Novosti a publié plusieurs dizaines de messages contenant des informations fausses et trompeuses sur TikTok au cours des quatre derniers jours, défiant ainsi la tentative du réseau social d’empêcher la publication de tout nouveau contenu en Russie.

Dans une vidéo publiée mercredi 9 mars, RIA Novosti a mélangé un témoignage de Victoria Nuland (responsables du Département d’État américain) au Sénat américain sur les laboratoires de recherche biologique en Ukraine avec une voix off suggérant faussement que l’Ukraine a couvert des projets de guerre biologique financés par les États-Unis, la nouvelle excuse de désinformation russe.

 

Une autre vidéo de RIA Novosti datant de mercredi montre une interview d’un homme que le média identifie comme un soldat ukrainien capturé. Ce dernier dit avoir reçu une balle lors d’un affrontement avec les forces russes, avant d’être abandonné par son unité. « Tout le monde tirait », explique-t-il en ukrainien avec un fort accent russe. « J’ai été blessé à une jambe et abandonné dans un fossé. » Une troisième vidéo suggère que la centrale nucléaire de Zaporizhzhya saisie par les troupes russes contenait une importante cache d’armes et de munitions, dans le cadre d’un projet continu visant à dépeindre l’Ukraine comme une menace de longue date pour la Russie. Les autorités occidentales n’ont publié aucune preuve de l’existence d’une installation militaire à Zaporizhzhya. Les vidéos publiées par RIA Novosti sur TikTok ont été visionnées par plusieurs milliers de personnes et ont récolté 3,4 millions de Likes.

 

L’on ignore pour quelles raisons TikTok a continué à autoriser les publications de RIA Novosti, dont le siège se situe à Moscou, alors que le réseau social a annoncé, dimanche 6 mars, interdire la publication de tout nouveau contenu en provenance de Russie, ce qui a empêché d’autres médias d’État russes, comme RT, Sputnik et NTV, de publier sur TikTok. Cette interdiction fait suite à l’adoption d’une nouvelle loi en Russie visant à réduire les informations contraires au discours officiel du président Vladimir Poutine sur l’Ukraine. À l’instar de RIA Novosti, la rédactrice en chef de RT, Margarita Simonyan, a pu continuer à publier des contenus sur TikTok. Cependant, le réseau social a réagi et l’en a interdit mardi 8 mars.

 

RIA Novosti et TikTok n’ont pas souhaité répondre aux questions de Forbes. Contacté pour un article précédent sur ce sujet, un porte-parole de TikTok a déclaré lundi 7 mars que l’interdiction « était en cours de déploiement sur l’application en Russie. »

La présence continue du média RIA Novosti sur TikTOk soulève des questions quant à l’efficacité de l’interdiction mise en place par le réseau social. Par ailleurs, cette situation met en évidence les complications et les problèmes inhérents à la modération du contenu sur un site aussi vaste que TikTok, une problématique qui a longtemps pesé sur d’autres réseaux sociaux plus anciens comme Facebook ou YouTube. TikTok a déjà dû faire face à des problèmes de contenu politique, que ce soit aux États-Unis lors de la dernière élection présidentielle ou des manifestations de juin 2020 après le décès de George Floyd. Le réseau social a également rencontré ce problème ailleurs dans le monde, notamment lors de la prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan l’été dernier. Les dirigeants de TikTok se sont inquiétés en interne de l’omniprésence de contenus politiques sur la plateforme et ont exprimé par le passé le souhait de maintenir leur réseau social dans le domaine du divertissement léger.

 

Pourtant, TikTok est devenu une plateforme populaire pour les vidéos sur la guerre en Ukraine. Par exemple, le hashtag #Ukraine a engendré 24,8 milliards de vues en quelques semaines, ce qui en fait l’une des catégories de vidéos les plus populaires de tous les temps sur le réseau social. Ces vidéos sont un mélange de contenu authentique et fictif, permettant ainsi aux deux parties du conflit de créer un récit de plus en plus difficile à déchiffrer sur la situation en Ukraine.

Cependant, RIA Novosti n’entre pas dans cette zone grise. Les chercheurs qui suivent la désinformation russe affirment que ce média diffuse le même type de théories du complot, de propagande et d’autres informations inexactes que RT et Sputnik publiaient avant que l’interdiction mise en place par TikTok ne les prive de l’application. Selon l’Institute for Strategic Dialogue, RIA Novosti est le troisième groupe d’informations du Kremlin le plus suivi sur TikTok, derrière les comptes du rédacteur en chef de RT, Margarita Simonyan (223 000 abonnés) et NTV (1,3 million d’abonnés).

 

Le média russe RIA Novosti a vu le jour sous le nom de Bureau d’information soviétique en 1940, un moyen pour les Soviétiques de diffuser des informations pendant l’invasion de la Russie par les nazis, puis durant la campagne contre l’Allemagne vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après la chute de l’Union soviétique, RIA Novosti a connu plusieurs décennies d’existence en tant qu’organisation indépendante sur le plan éditorial, tout en continuant à dépendre du gouvernement pour une partie de ses fonds.

Dans les années 1990-2000, RIA Novosti a réalisé la chronique de la renaissance chaotique de la Russie, devenant le point de chute populaire pour les journalistes russes désireux de couvrir l’actualité sur leur nouvelle nation. Katya Zabrovski faisait partie de ces journalistes. Elle était chargée de suivre les partis d’opposition qui se sont formés pendant les premières années de pouvoir de Vladimir Poutine, quand l’information circulait plus librement. « J’écrivais tout ce qu’ils disaient, tout ce qu’ils faisaient. S’il y avait des critiques, je les rapportais et je les citais directement », raconte la journaliste.

 

Tout a changé en décembre 2013, lorsqu’un Vladimir Poutine de plus en plus enhardi a dissous la salle de rédaction de RIA Novosti, dans le cadre de son projet pour accroître son pouvoir politique et restreindre l’information. « C’était un véritable drame. Pour les personnes qui avaient travaillé là-bas et se considéraient comme des journalistes, cette nouvelle a été un choc », raconte Vasily Gatov, qui travaillait alors à RIA Novosti en tant que directeur exécutif. Connaissant bien les médias moscovites et américains, comme ABC News, Vasily Gatov avait été engagé pour aider RIA Novosti à prospérer à l’ère d’Internet, en renforçant la présence du média sur Facebook et Google News et en améliorant les infographies numériques.

Jusqu’alors, RIA Novosti couvrait également les affaires internationales, mais cette couverture a été réaffectée à deux nouvelles organisations médiatiques : RT et Sputnik. Vladimir Poutine a recentré RIA Novosti sur les informations nationales, en confiant le poste de directeur à l’un de ses partisans, Dmitry Kiselyov, un animateur de télévision archi-conservateur. Dmitry Kiselyov était déjà célèbre pour son émission d’une heure durant laquelle il discutait de théories du complot sur les menaces étrangères et pour ses opinions résolument contre les homosexuels. « C’est un marchand de propagande qui ne mâche pas ses mots », déclare Vasily Gatov, qui a quitté RIA Novosti en décembre dernier. En quittant son poste, le journaliste a dit à ses collègues : « Maintenant, vous devez faire ce que le gouvernement vous dit de faire ».

 

Dmitry Kiselyov est toujours à la tête de RIA Novosti, dont le personnel est au moins partiellement composé d’une « nouvelle génération de guerriers de la guerre froide », affirme Vasily Gatov, des guerriers « qui détestent l’Amérique en particulier. »

 

Article traduit de Forbes US – Auteurs : Abram Brown, avec l’aide de Dmitri Slavinsky et Katya Soldak

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