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Le légendaire Largo Winch revient dans un époustouflant 23e épisode : Rencontre inspirante avec Phillipe Franck et Eric Giacometti

EVENEMENT | Largo Winch, le célèbre milliardaire, revient en librairie et c’est tant mieux . Pour la sortie du 23ème opus, la bande dessinée légendaire invite ses lecteurs à un voyage dans l’espace au cœur de la navette Asteria. Nous avons rencontré Philippe Franck et Éric Giacometti respectivement dessinateur et scénariste des aventures de Largo.


Pouvez-vous nous dire comment vous avez décidé de collaborer ensemble ? 

Philippe Franck: lorsque Jean Van Hamme m’a signifié son envie d’arrêter de scénariser la série, je me suis évidemment creusé la tête. Comme Jean a l’âge de mon père, il n’était pas exclu qu’il quitte cette terre avant moi, mais je n’avais jamais imaginé qu’un jour, il me dirait qu’il souhaitait arrêter de scénariser les aventures de Largo. J’ai donc réfléchi de manière plus sérieuse. Je connaissais Éric Giacometti depuis longtemps. Je l’ai appelé en lui disant « il faut que je te parle, est-ce qu’on peut se rencontrer ? » Nous nous sommes retrouvés dans un restaurant parisien et je lui ai annoncé mon désir de le voir prendre la suite de Jean. Évidemment l’annonce lui a fait un choc, mais l’émotion passée, il a trouvé ma proposition intéressante et c’est ainsi qu’on a démarré cette collaboration.

 

Quelle a été votre réaction à cette proposition ? Aviez-vous des a priori ?

Éric Giacometti : vous savez, c’est comme si vous demandiez à un scénariste de cinéma de reprendre un personnage de James Bond ! C’est le Graal ! Ça n’a pas été compliqué pour deux raisons. La première c’est que je connaissais Philippe.  La seconde, c’est que j’ai une double casquette. J’ai travaillé en tant que journaliste économique, donc je connaissais la matière et en plus, j’ai été romancier de thriller, donc j’avais l’habitude des narrations de fictions. Passé l’enthousiasme, je me suis replongé dans tout Largo pour les décortiquer, sur le plan professionnel cette fois-ci.

À partir de là, je me suis dit que j’allais travailler sur un monument et que ça ne serait pas si évident que ça. Mais ça s’est fait avec beaucoup de plaisir malgré la charge de travail. J’ai essayé d’écrire le Largo que j’avais envie de lire et qui n’existait pas encore.

 

 

Cette fois-ci, Largo nous emmène dans l’espace. Comment avez-vous eu cette idée alors qu’à l’époque de son écriture ni Elon Musk ni Jeff Bezos n’avaient encore envoyé des touristes dans l’espace ?

P .F : Elon Musk et Jeff Bezos avaient déjà envie d’envoyer des touristes dans l’espace, ils en parlaient dans les médias à l’époque.  Mais avant eux, il y a eu Richard Branson qui, depuis 15 ans, a pour projet d’envoyer des touristes dans l’espace avec Virgin Galactic. Pour ma part, je suivais ces actualités, mais il est vrai qu’il y a 4 ans aucun des trois n’avait pour projet, concrètement, d’envoyer des néophytes dans l’espace. Ce projet était dans l’air du temps et nous avons commencé à travailler dessus en sachant que ça allait se réaliser. Notre question était donc : est-ce qu’on va arriver trop tard et sortir l’album 1 ou 2 ans après que l’événement aura eu lieu en réalité, où trop tôt et être dans l’anticipation ? Par le plus grand des hasards, notre album est sorti pile au moment où les trois ont décidé d’envoyer leurs touristes en dehors de l’atmosphère.

 

Justement, on peut imaginer qu’il y a un vrai travail de recherche de la vie dans une navette pour pouvoir donner une image réaliste dans l’album. Comment avez-vous procédé pour vous rapprocher au plus près de la réalité ?

P.F : Ca s’est passé en deux temps. D’abord Eric a écrit l’histoire et là, ce sont les dialogues qui doivent être réalistes. Ensuite, ça a été à mon tour de dessiner ce qu’Éric avait écrit et pour ma part, j’ai pris mes renseignements auprès de l’astronaute et ingénieur Jean-François Clervoy. Il m’a coaché et conseillé dans le choix de tout ce que j’avais à dessiner, de la tenue spatiale jusqu’au dessin de la navette, mais aussi ce qui s’y passe, à quel moment ça doit se passer et comment ça doit se passer. Notamment la phase d’impesanteur qui est très précise, et qui ne peut durer que 360 secondes pour Largo et dans la navette de Richard Branson. Ça fait 6 minutes : 2 minutes de montée, 1 minute 30 d’impesanteur dans l’habitacle et une redescente de deux minutes et demie. Il y a effectivement des calculs sous-jacents pour que ce soit le plus réaliste possible dans le découpage de mes plaquettes.

 

largo
Philippe Franck et Eric Giacometti à bord du vol Zéro G

 

E.G : La partie documentation dans celui-ci était quelque chose de très pointu car nous sommes dans l’espace. J’ai donc fait un état des lieux de la conquête spatiale, du business spatial, combien ça pèse et ou nous en étions à l’époque des vols suborbitaux.
Ensuite il y avait de là documentation sur la partie environnementale et cette découverte d’une mine en Indonésie où on produit de l’étain dans des conditions absolument désastreuses ; et là il fallait savoir exactement ce qui se passait sur l’île de Bangka. On se sert alors de documentaires, d’articles de livres et puis il y a la partie repérage.

Évidemment, on ne pouvait pas aller dans l’espace, en revanche, la première scène que vous voyez dans l’usine d’assemblage est totalement réaliste, car je suis allé dans l’usine de Thales Alenia space. L’un des directeurs m’a fait visiter et je lui ai demandé où dans l’usine « on pourrait assassiner quelqu’un sans se faire remarquer ». Il m’a emmené dans la chambre acoustique en m’expliquant que le bruit de cette chambre équivaut à celui de 20 Airbus. C’est comme ça que j’ai trouvé les lieux de certaines parties du livre, du coup Philippe est aussi allé visiter cette usine et il a réussi à recréer l’endroit alors qu’il n’avait pas le droit de prendre des photos.

 

Est-ce que votre magazine est lu par les milliardaires ? Oui ? Eh bien moi je dis à vos lecteurs, lisez Largo Winch, inspirez-vous. Voilà un milliardaire qui est un type bien ! Ce serait tellement bien s’il y avait des milliardaires soucieux de tout ça !

 

Cette année, certaines des œuvres Largo sont mises à l’honneur sous forme d’Art Streep. Comment se fait-il que vous ayez décidé de faire cela ?

P.F : Le merchandising autour de la série a toujours été une histoire de droit. Avec Jean Van Hamme, nous avions recruté une personne pour développer cette petite niche. Nous avions pour ambition de développer l’image plutôt que vendre des objets, souvent fabriqués en Chine et sans forcément avoir de transparence.

Quand Jean a quitté le navire, j’ai laissé tomber ce côté merchandising pendant 6 ans. Cette année, certaines des œuvres Largo sont mises à l’honneur sous forme d’Art Streep. C’est comme ça que Jean-Louis Dauger est entré dans la course pour créer quelque chose de qualitatif, car si je dois produire des objets, je veux qu’ils soient de grande qualité.

Comme le travail qu’il avait fait avec Michel Vaillant m’a séduit, je lui ai laissé carte blanche pour faire des images en très grands formats sur du plexiglas.

 

Depuis plus d’un an, Largo Winch est à l’honneur au musée de l’économie. Pouvez-vous nous en parler ?

P.F : C’est une volonté du musée de l’économie de populariser la visite de Citéco. C’est un musée d’État avec un thème moins « funny » que les musées d’art par exemple. Et quoi de mieux que de faire rentrer un personnage de bande dessinée dans le musée. 
Pour moi, c’est une reconnaissance qu’un musée national s’intéresse à l’univers de Largo pour faire venir du monde chez eux.
J’ai prêté des planches originales au musée pour les besoins de l’exposition, et ils ont fait un gros travail de présentation et de scénographie, ce qui est assez inédit dans le petit monde de la bd où les expositions se font habituellement dans des événements dédiés à la bande dessinée.

 

Éric, vous qui avez été journaliste en économie, quel regard portez-vous sur le milliardaire et chef d’entreprise qu’est Largo ?

E.G : Pour moi Largo c’est le milliardaire qu’on rêverait d’avoir dans la vraie vie simplement, il n’existe pas. Si je me réfère à votre classement Forbes –  c’est là où je puise mes sources, notamment dans celui qui classe les milliardaires -, je n’en vois aucun. Moi, j’aimerais bien voir des milliardaires qui ont les mêmes valeurs éthiques que Largo.

Est-ce que votre magazine est lu par les milliardaires ? Oui ? Eh bien moi, je dis à vos lecteurs, lisez Largo Winch, inspirez-vous. Voilà un milliardaire qui est un type bien ! Ce serait tellement bien s’il y avait des milliardaires soucieux de tout ça.

 

Qu’est-ce qu’un milliardaire ou un chef d’entreprise pourrait apprendre de Largo Winch ?

E.G : Ce qu’il faut savoir, c’est que Largo fait partie des hommes les plus riches au monde. Il a un groupe, son groupe a des valeurs éthiques, c’est-à-dire qu’après la crise des subprimes, il n’a pas licencié ses salariés alors que le chiffre d’affaires avait chuté. Il n’a pas délocalisé au moment où beaucoup l’ont fait et dans le dernier, par exemple, il se rend compte qu’un directeur d’une de ces entreprises fait n’importe quoi en matière d’environnement. Il le balance par la fenêtre. Évidemment, on ne demande pas ça à vos lecteurs, mais si déjà on avait cette espèce de valeurs couplées à la fonction de chef d’entreprise, ce serait formidable. Largo, c’est le patron qu’on rêverait d’avoir.

 

Où Largo nous fera-t-il voyager dans le prochain album ?

P.F : Le prochain Largo Winch est en route. A l’heure où vous lisez celui-ci, moi, je suis à la 12e page du prochain numéro et le scénario est déjà écrit. Sans dévoiler de gros secrets, Largo est la verticale de la navette sur Terre.

E.G : Peut-être que nous vous ramènerons en Californie et en Indonésie .

 

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