OPINION | Le président de la République vient de présenter sa réforme de la haute fonction publique, qui comprend le remplacement de l’Ecole nationale d’administration par un nouvel établissement, l’Institut du service public. Mais il est sans doute passé à côté de l’essentiel : le doctorat !
Une formation pour appréhender de nouveaux enjeux
La France compte suffisamment de grandes écoles et d’universités pour accéder à la fonction publique, ce qui nous manque ce sont des hauts fonctionnaires capables d’appréhender les nouveaux enjeux d’une société de plus en plus complexe avec l’ouverture d’esprit suffisante pour remettre en cause ce qu’ils ont appris. On a besoin de personnes capables de déchiffrer les informations par elles-mêmes et d’aller plus loin que ce qui était fait par le passé. Il ne s’agit plus de reproduire des schémas déjà établis avec une « nouvelle » formule de l’ENA mais d’en créer de nouveaux. Ce modèle c’est celui de la recherche universitaire. Une des grandes plus-values d’un doctorat, parfois peu visible en France mais bien réelle partout dans le monde, est justement l’appréhension des difficultés et la recherche incessante d’aller au-delà du statu quo. Et c’est justement cela dont notre pays a le plus besoin !
Encourager les fonctionnaires à faire un doctorat
Tout en garantissant sa qualité, le doctorat pourrait ainsi être adapté sur le modèle de la thèse CIFRE (en entreprise) avec un parcours de recherche dans une université et une affectation aménagée. La thèse serait alors réalisée en alternance dans une administration et dans un laboratoire de recherche. Une proportion significative de fonctionnaires pourrait ainsi être encouragée à préparer des doctorats de recherche (Ph.D) pour accéder ensuite aux plus hautes fonctions publiques, qu’ils soient en sciences sociales, économie, gestion ou sciences politiques, ou dans des disciplines scientifiques, au cœur des problématiques des politiques publiques d’avenir (numérique, santé publique, énergie, climat, etc.) afin de prendre de la distance, de confronter leur expérience professionnelle à des besoins nouveaux et d’apporter aux administrations de nouvelles méthodes, organisations ou perspectives. Le dispositif permettrait aux fonctionnaires-doctorants de réaliser leurs thèses dans de bonnes conditions matérielles sans enfermer les esprits dans un concours. Cet effort permettrait de développer progressivement une culture de la recherche au sein de l’administration et accroître ses compétences.
Trop peu de fonctionnaires comprennent la recherche
La France est une des rares démocraties à ne pas faire confiance à son système universitaire. Alors que le doctorat est perçu comme une formation d’élite dans le monde entier, les docteurs français ont encore beaucoup de difficultés à convaincre en France de leur incroyable valeur ajoutée. Notre pays compte ainsi très peu de scientifiques parmi ses hauts fonctionnaires à la différence de nos voisins (ceci est d’ailleurs aussi valable pour les entreprises privées). Cette faible valorisation est inquiétante dans la mesure où les organisations sont plus que jamais aux prises avec des questions ou des savoirs technologiques et scientifiques pointus. La science est en effet au cœur de la quasi-totalité des politiques publiques du XXIème siècle : l’impact du réchauffement climatique, l’impact des phytosanitaires sur la santé humaine, le mix énergétique, les migrations de populations, l’acceptabilité des transformations sociétales…
Encourager l’expérimentation
Non seulement le doctorat valorise des compétences scientifiques spécifiques à un domaine de recherche mais il récompense aussi des compétences en communication, des compétences relationnelles, des compétences de management, de direction d’équipe, de gestion de projet, d’adaptation et d’innovation. Plutôt que de vouloir ré-inventer la pouponnière des clones de la haute fonction publique, il serait préférable d’intégrer des profils « expérimentés » comme peuvent l’être les docteurs qui ont réalisé leur thèse sur un sujet précis et acquis un certain nombre de compétences par le biais de leurs recherches.
À l’instar des grands pays développés, le doctorat doit trouver sa place en France que ce soit dans la formation de la haute fonction publique, comme des dirigeants de grandes entreprises. Trop souvent s’opposent en effet une haute administration, connaissant généralement mal l’université qu’elle a peu fréquentée, et un monde universitaire parfois peu enclin à s’aligner sur les « meilleures pratiques » internationales. C’est pourtant la seule façon de redonner ses lettres de noblesse à l’université française qui donne pourtant le plus de place à l’égalité des chances et à la diffusion des savoirs.
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