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La peur de l’opinion des autres agit-elle comme un frein ?

peurLa peur de l’opinion des autres agit-elle comme un frein ? Pixabay

Ces derniers temps, nous entendons beaucoup parler du syndrome FOMO (fear of missing out), ou la « peur de rater quelque chose ». Mais une autre notion existe : FOPO (fear of other people’s opinions), « la peur de l’opinion des autres ». Le psychologue Michael Gervais, un des principaux experts de la relation entre l’esprit et les performances humaines, estime que la peur de l’opinion des autres est un dangereux frein au potentiel humain.

Un article de Rodger Dean Duncan pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

Selon Michael Gervais, le souci de savoir ce que les gens pensent de nous est devenu une obsession irrationnelle, improductive et malsaine dans notre monde moderne. Les personnes qui souffrent d’une FOPO perdent la foi et la confiance en elles-mêmes et leurs performances s’en ressentent.

Le psychologue a passé sa carrière à aider des personnes très performantes dans le monde des affaires, du sport, des arts et de la science lorsqu’elles avaient besoin d’atteindre des objectifs extraordinaires. Il compte parmi ses clients des détenteurs de records du monde, des athlètes olympiques, des artistes et des musiciens de renommée internationale, les meilleurs joueurs de tous les sports majeurs et des PDG du classement Fortune 100.

Son nouveau livre s’intitule The First Rule of Mastery : Stop Worrying About What People Think of You.

L’essentiel ? Lorsque nous accordons plus d’importance à l’opinion des autres qu’à la nôtre, nous vivons notre vie selon leurs conditions, et non selon les nôtres. La clé d’une vie performante est de rediriger notre attention du monde extérieur vers le monde intérieur. La première question qui s’impose est de savoir quel rôle joue la conscience de soi (ou l’absence de conscience de soi) dans le phénomène FOPO.

 

Les réseaux sociaux accentuent la peur de l’opinion des autres

M. Gervais reconnaît que l’attention accrue que suscitent les réseaux sociaux peut aggraver le phénomène de FOPO. « En étant constamment exposés aux moments forts de la vie des autres, les gens peuvent tomber dans le piège de la comparaison constante, rechercher une validation externe et regarder à l’extérieur d’eux-mêmes pour savoir comment ils se sentent dans leur peau », explique-t-il.

Selon lui, la première étape pour se libérer du pouvoir que les opinions des autres exercent sur nous consiste à prendre conscience de nos craintes. « Pour modifier notre relation avec le phénomène FOPO, nous devons être conscients de nos processus de pensée et de la manière dont ils influencent nos perceptions et nos comportements », explique-t-il. « Cela implique de comprendre ses préjugés, ses croyances et les modèles mentaux qui façonnent notre vision du monde. »

 

L’importance de l’identité personnelle

Selon lui, l’identité personnelle est l’un des terrains les plus fertiles pour la FOPO. « Nous avons un besoin naturel de nous définir par rapport au monde qui nous entoure, afin de donner aux autres un moyen clair de penser à nous », explique-t-il. Réduite à sa plus simple expression, l’identité renvoie à la manière dont les gens répondent à la question « Qui suis-je ? ».

Il explique que nous construisons des identités parce qu’elles nous aident à mieux comprendre notre place dans un monde social complexe.

Nous nous identifions par notre lieu de travail (« Je travaille chez Apple »), par ce que nous faisons (« Je suis joueur de football »), par une caractéristique de notre personnalité (« Je suis optimiste ») et par toute une série d’autres étiquettes. Mais la certitude qui accompagne la formule « Qui je suis » a un prix élevé si nous ne comprenons pas vraiment qui nous sommes ou si nous sommes enfermés dans une identité qui ne peut pas évoluer et se développer. Dans ce cas, une opinion qui remet en question notre vision de nous-mêmes peut être ressentie comme une menace. Dans ce cas, nous utilisons nos ressources pour protéger cette identité, ce qui peut s’avérer épuisant.

Selon le psychologue, le fait d’avoir un objectif clair joue un rôle clé dans la façon dont une personne gère la FOPO.

« Avec le syndrome FOPO, nous développons un mécanisme intégré qui nous permet de vérifier à l’extérieur de nous-mêmes si tout va bien. Nous accordons une importance démesurée à ce que quelqu’un d’autre peut ou ne peut pas penser de nous », explique-t-il.

Selon lui, l’objectif est la conviction que vous êtes en vie pour faire quelque chose. « Il s’agit d’une intention généralisée, dérivée de l’intérieur, qui est à la fois significative pour vous et conséquente pour le monde qui vous entoure. En bref, votre objectif est important pour vous. Il a une valeur intrinsèque pour vous. Il vous dépasse. Et l’objectif est orienté vers l’avenir. »

« Plutôt que de regarder à l’extérieur de soi pour voir si les autres approuvent », dit-il, « nous pouvons recâbler ce mécanisme pour nous tourner vers l’intérieur et vérifier notre objectif. Le nouveau point de référence est alors « Suis-je fidèle à mon objectif ? » et non « Suis-je apprécié ? » ».

Selon lui, l’objectif, plutôt que l’approbation, devient le filtre à travers lequel nous prenons des décisions, établissons des priorités et faisons des choix.

 

Le lien entre la FOPO et l’incidence croissante de l’épuisement professionnel sur le lieu de travail 

Selon M. Gervais, la FOPO est « une tentative exhaustive d’interpréter ce que pensent les autres afin d’éviter une évaluation négative de leur part ». Il la compare aux applications qui tournent discrètement en arrière-plan d’un ordinateur et consomment de la mémoire, de la puissance de traitement et de la batterie, ce qui finit par ralentir les performances.

« La FOPO brûle une grande partie de nos ressources internes », explique-t-il. « Contrôler la narration, gérer la perception des autres, supprimer nos propres opinions, s’excuser à l’excès, être d’accord avec les autres pour éviter de paraître désagréable, se donner beaucoup de mal pour plaire, faire de l’humour auto-dépréciatif pour minimiser nos forces et nos traits positifs, se contorsionner et se conformer, surcompenser les défauts perçus, rechercher la validation, l’augmentation du rythme cardiaque, la tension musculaire, la nervosité… Tout cela épuise notre système : La FOPO épuise notre système. Elle alimente l’épuisement professionnel. »

 

Le biais de confirmation

Selon M. Gervais, la FOPO est un processus préventif. « Dans le but d’accroître l’acceptation relationnelle et d’éviter le rejet, nous essayons d’anticiper ce que quelqu’un pense de nous. Nous ne savons pas avec certitude ce que la personne peut penser et nous remplissons les vides avec nos propres préjugés. L’esprit humain a tendance à rechercher, interpréter et mémoriser les informations d’une manière qui confirme nos croyances ou attentes existantes. »

Pourquoi de nombreuses personnes semblent-elles si vulnérables aux opinions des autres ? Selon le psychologue, nous sommes avant tout des animaux sociaux. Nous sommes câblés pour nous soucier de ce que les autres pensent de nous. La clé pour valoriser nos opinions sur nous-mêmes par rapport à ce que les autres pensent de nous est de nous connaître nous-mêmes, dit-il. « Ensuite, les opinions des autres servent simplement de boucles de rétroaction qui nous permettent de nous confronter à notre propre opinion de nous-mêmes. »

 

Que peuvent faire les parents pour aider leurs enfants à grandir en ayant confiance en eux et en luttant contre la FOPO ?

« Dès leur plus jeune âge, les enfants sont conditionnés à rechercher l’approbation », explique M. Gervais. « Ce conditionnement se poursuit à l’âge adulte, où nous recherchons l’approbation de nos patrons, de nos conjoints, de nos amis et de nos collègues. Avec le temps, nous développons un mécanisme intégré pour vérifier à l’extérieur de nous-mêmes si tout va bien. »

Selon lui, l’intégration de la pleine conscience dans la routine d’un enfant est un outil puissant pour son bien-être mental, émotionnel et physique. « Ils apprennent à se concentrer sur leurs pensées et leurs sentiments internes, plutôt que sur les jugements et les attentes externes. Cette meilleure conscience de soi encourage les enfants à valoriser leur propre expérience d’eux-mêmes. »

 


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