MÉTAVERS | Ce mois-ci, la maison Ralph Lauren a ouvert ses toutes dernières boutiques, délaissant les métropoles comme Milan, Tokyo et New York au profit d’un nouveau lieu séduisant : le monde virtuel de Roblox, qui compte 47 millions d’utilisateurs actifs quotidiens. Ouverts 24/24 et 7/7, les magasins virtuels de la marque sont accessibles en seulement quelques clics et proposent à la vente des vestes bouffantes, des bonnets à carreaux et d’autres vêtements de ski rétro pour la saison d’hiver, le tout vendu virtuellement à moins de 5 dollars.
La maison Ralph Lauren est donc le dernier exemple en date de la manière dont l’industrie de la mode commence à s’implanter dans le métavers. Ralph Lauren, Gucci, Balenciaga et d’autres marques vendent leurs vêtements et accessoires virtuellement à des prix pourtant bien réels. Aussi insensé que cela puisse paraître, ce phénomène s’annonce comme étant la prochaine mine d’or : la banque américaine Morgan Stanley prévoit que le métavers pourrait représenter une opportunité de plus de 50 milliards de dollars pour l’industrie du luxe au cours de la prochaine décennie.
Forbes vous propose un guide rapide pour comprendre ce qu’est le métavers et pourquoi les marques de mode se précipitent pour s’y implanter.
- Le métavers : quésaco ?
Sincèrement, l’on ignore encore ce qu’est réellement le métavers. Cependant, il pourrait devenir la prochaine version d’Internet, offrant une expérience plus immersive et tridimensionnelle aux utilisateurs. Dans le métavers, chaque utilisateur possède un personnage virtuel appelé avatar. Ce dernier peut rechercher des expériences similaires à celles que vous pourriez réaliser dans le monde réel : faire du shopping, manger au restaurant ou assister à un concert. Bien qu’il ait commencé à prendre forme dans diverses plateformes de jeux en ligne, comme Roblox, le métavers reste largement théorique.
- Est-ce vraiment une idée inédite ?
Pas vraiment. De nombreuses personnes jouent à des jeux en ligne depuis des années, et les marques s’y sont mises aussi. Adidas, Armani et Calvin Klein ont expérimenté la mode numérique sur Second Life, un monde virtuel comptant environ un million de membres à son apogée en 2007. En 2012, Diesel a commencé à vendre des vêtements et des meubles sur Les Sims. En 2019, Louis Vuitton a développé des « skins » pour les joueurs de League of Legends.
- Pourquoi ce sujet revient sur le devant de la scène ?
La pandémie y est pour beaucoup. Les restrictions sanitaires ont contraint des milliers de personnes dans le monde entier à se confiner et à prendre leurs distances socialement. Ainsi, les gens ont commencé à passer beaucoup plus de temps en ligne. Selon eMarketer, la population adulte aux États-Unis a passé 7 heures 50 minutes par jour à interagir avec un appareil numérique en 2020, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2019.
Facebook a également fait la une de la presse internationale après avoir annoncé changer de nom en octobre. Désormais baptisée Meta, l’entreprise ambitionne de devenir un acteur majeur du métavers. Meta va dépenser 10 milliards de dollars en 2022 et davantage dans les années à venir pour faire de ce projet une réalité. Bill Gates a récemment prédit que des réunions de travail se dérouleront dans le métavers au cours des trois prochaines années.
Après avoir déplacé les défilés de mode en ligne durant la pandémie et avoir longuement réfléchi sur la manière de se connecter avec la clientèle virtuellement, les marques se lancent maintenant dans une course pour définir leur stratégie dans le métavers. Balenciaga est en train de créer un département métavers. Gucci, Burburry et Dolce & Gabbanavendent des produits virtuels. Nike a fait l’acquisition d’un créateur de baskets virtuelles.
- Quels sont les avantages pour les marques ?
Tout d’abord, c’est un moyen d’attirer la prochaine génération de clients, à savoir la génération Z. Cette génération est née avec les outils numériques et a déjà l’habitude de passer beaucoup de temps en ligne. « Leurs vies physique et numérique ont la même importance », explique Michaela Larosse, directrice de la stratégie créatique chez The Fabricant, une maison de mode virtuelle basée à Amsterdam.
Il s’agit également d’une nouvelle source de revenus extrêmement lucrative. Selon la banque américaine Morgan Stanley, le métavers pourrait aider les marques de luxe à accroître leur marché potentiel total de plus de 10 % d’ici 2030, ce qui représente plus de 50 milliards de revenus supplémentaires. Selon la banque américaine, les marges bénéficiaires sont encore plus intéressantes, puisque 75 % de ces revenus pourraient avoir une incidence sur le résultat d’exploitation de la société.
Avec un article virtuel, il n’est pas nécessaire d’acheter des matières premières, de dépenser de l’argent pour la main-d’œuvre, de s’embêter avec la fabrication ou d’expédier un produit dans le monde entier. Les marques disposent déjà de vastes archives de collections dans lesquelles elles peuvent puiser pour les adapter au monde virtuel. De plus, elles ne profitent pas uniquement de la première vente. Elles peuvent percevoir des redevances chaque fois qu’un article est revendu grâce à l’intégration de conditions dans un « contrat intelligent » sur la technologie blockchain, qui alimentera le métavers.
La mode virtuelle est aussi intrinsèquement durable, la production d’un seul vêtement virtuel nécessitant 97 % de carbone en moins et 3300 litres d’eau en moins qu’un vêtement normal, selon la startup DressX. De plus, à la fin de la saison, il ne reste pas de stock résiduel qui doit être vendu à prix réduit, donné ou détruit.
- Pourquoi dépenser de l’argent réel pour des vêtements qui n’existent pas ?
Bonne question. Si vous passez beaucoup de temps en ligne, vous vous souciez probablement de l’apparence de votre avatar. Selon Roblox, un utilisateur sur cinq du jeu en ligne met à jour son avatar quotidiennement.
« Comme les gens passent de plus en plus de temps dans les mondes virtuels, ils portent davantage d’attention à l’apparence de leur avatar », explique Dylan Gott, responsable de l’innovation technologique mondiale chez Estee Lauder. La marque de cosmétiques pourrait bientôt proposer du maquillage pour les avatars à utiliser dans le métavers.
Il y a aussi le facteur « accessibilité ». Si peu de jeunes de 16 ans peuvent se rendre dans une boutique Balenciaga et s’emparer de la dernière collection, de nombreux jeunes sont prêts à dépenser quelques dollars pour acheter une version virtuelle qu’ils pourront montrer en ligne à leurs amis. « Cette nouvelle génération est habituée à dépenser de l’argent pour son avatar », explique Sam Windsor, cofondateur de Dimension Studio, qui a aidé Balenciaga à organiser un défilé de mode virtuel durant la pandémie.
Pour d’autres marques, il s’agit tout simplement d’une opportunité d’investissement. Si une personne achète un NFT (un jeton non fongible) et que sa valeur augmente, il peut être revendu pour réaliser un bénéfice. Par exemple, en 2019, The Fabricant a vendu une robe argentée baptisée « Iridescence » pour 54 Ether (soit environ 9500 dollars). Aujourd’hui, cette robe vaut plus de 200 000 dollars. « Il s’est avéré que c’était un très bon investissement pour l’acheteur », déclare Michaela Larosse.
- Combien coûtent ces produits ?
Certains articles de mode virtuelle sont peu coûteux. Par exemple, en septembre 2021, Balenciaga a lancé des « skins » Fortnite dont le prix s’élevait à 1000 V-Bucks (la devise utilisée dans Fortnite), soit environ 8 dollars. Ralph Lauren vend ses vêtements d’hiver sur Roblox entre 3 et 5 dollars.
D’autres articles se vendent pour des milliers, voire des millions de dollars, dépassant la valeur de tout produit physique. En août 2021, Gucci a vendu un sac Dionysos pour 350 000 Robux (la devise utilisée sur Roblox), ce qui équivaut à environ 4100 dollars, soit plus que le prix d’un vrai sac. En octobre 2021, Dolce & Gabbana a vendu aux enchères une collection de neuf articles de NFT, dont une tiare virtuelle faite de « pierres précieuses introuvables sur Terre », pour 5,7 millions de dollars.
- Où acheter des articles de mode virtuels ?
Il n’existe aucun métavers unique où acheter vos marques préférées. Des entreprises se sont lancées sur différentes plateformes de jeux en ligne existantes comme Robloc, Les Sims et Fortnite. Elles commencent également à vendre leurs produits sur de nombreuses autres plateformes de métavers, comme Zepeto, une société soutenue par Softbank et populaire en Asie.
En général, un article ne peut être porté que sur la plateforme où il a été acheté. La grande question étant de savoir si les acheteurs pourront un jour porter leurs articles de mode virtuels sur différentes plateformes.
- En quoi ce phénomène pourrait-il changer le monde de la mode ?
Les créateurs auront plus de liberté pour repousser les limites. Dans le métavers, une veste peut être en feu, être faite d’eau ou changer de couleur tout au long de la journée ou selon l’humeur de son propriétaire. « Vous pouvez oublier les lois de la physique dans le métavers », affirme Sam Windsor. « Tout ce que vous pouvez concevoir peut être livré. »
Cela peut également offrir aux marques une nouvelle manière de tester les produits en les lançant d’abord dans le monde virtuel, en recueillant des commentaires et en évaluant la demande avant de les vendre dans le monde physique. Les acheteurs qui aiment la version virtuelle pourraient cliquer sur un bouton pour commander la version physique. « Nous pensons qu’il doit y avoir une forte connexion entre le virtuel et le physique », précise Franck Le Moal, directeur de l’information chez LVMH.
Ce phénomène pourrait également ouvrir l’industrie de la mode à un plus grand nombre de créateurs de tous horizons. Par exemple, Zepeto permet à tous les utilisateurs de créer leurs propres vêtements virtuels et de les vendre sur la plateforme. The Fabricant a lancé une nouvelle initiative en septembre : n’importe qui peut concevoir des vêtements virtuels, les mettre en vente et partager les redevances.
Certes, il reste encore beaucoup à découvrir dans le métavers, et les critiques affirment qu’il ne deviendra jamais un phénomène courant. Quoi qu’il en soit, en attendant, les plus grandes marques de mode du monde entier le prennent très au sérieux et agissent rapidement. « Il s’agit d’une opportunité considérable », déclare Franck Le Moal. « C’est devenu un sujet de conversation régulier. »
Article traduit de Forbes US – Auteure : Lauren Debter
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