Dans le tourbillon des transformations technologiques que nous vivons, l’intelligence artificielle (IA) s’impose comme un levier incontournable pour les entreprises, repoussant sans cesse les frontières de ce que nous pensions possible. Mais plus l’IA s’intègre dans notre quotidien personnel et professionnel, plus aigue devient le besoin de concilier cette révolution technologique tout à la fois avec la souveraineté, la maîtrise des outils et la préservation de nos compétences humaines.
Une contribution de Nicolas Sebbah, Managing Director Data & IA chez Niji
Aujourd’hui, les entreprises arrivent à un tournant. Après l’expérimentation des premiers cas d’usage et la réalisation des premiers PoC (Proof of Concept), l’année 2025 se profile comme celle des déploiements à grande échelle de solutions basées sur l’IA, notamment sur l’intelligence artificielle générative (IAGen). Les LLM (Large Language Models), qui en constituent le moteur, ont démontré leurs capacités à analyser, structurer, rechercher et générer du contenu sous des formes variées (texte, vidéo, image, son). Au-delà d’analyser d’immenses volumes de données ou de produire du contenu, ils sont maintenant utilisés pour automatiser et restructurer des processus. Ce développement accéléré rencontre cependant des obstacles qui vont au-delà de la simple mise en œuvre technologique, soulevant des défis, tant humains que techniques.
L’IA s’affirme comme un outil efficace pour assister l’homme, l’épauler… en d’autres termes l’augmenter dans ses capacités. Mais là où se pose la question de la souveraineté technologique, c’est dans la maîtrise de cette relation homme-machine. L’automatisation croissante de certaines fonctions pose des interrogations profondes sur la place de l’humain, sur la conservation de son pouvoir décisionnel face à des algorithmes dont l’opacité et la rapidité d’exécution peuvent facilement éclipser son jugement. Les risques d’une dépendance excessive sont réels : hallucinations des IA, dérapages éthiques, perte progressive des savoir-faire ou encore impact environnemental non maîtrisé des déploiements à grande échelle.
Quel contrôle gardons-nous sur cette « augmentation » ?
Le rôle de l’humain ne se résume pas à déclencher mécaniquement des algorithmes : c’est lui qui a conçu les mécanismes ces modèles, il lui revient d’en maîtriser le fonctionnement pour les exploiter au mieux, en anticipant leurs dérives. Pour que ce savoir-faire ne soit pas monopolisé par un tout petit nombre, nous avons besoin d’acquérir massivement des compétences nouvelles : savoir analyser et déconstruire les systèmes d’IA pour en saisir les failles, savoir déterminer les moments et les contextes où des mécanismes de contrôle doivent intervenir, savoir décomposer et recomposer autrement nos processus pour que, quand l’IA intervient sur chaque étape, la cohérence globale du système reste assurée.
Ce sont des défis pour les Labs IA et IA Factories que constituent les entreprises : aller au-delà de l’adoption d’IA cas d’usage par cas d’usage ; conserver la vue d’ensemble de l’architecture intellectuelle et fonctionnelle de l’entreprise ; tracer l’impact de l’IA des fondations aux applications.
Il en va de la performance des organisations, mais aussi de leur responsabilité. Dans ce cadre, l’entrée en vigueur en août 2024 de l’AI Act a marqué une étape majeure. Cette réglementation européenne exige de cartographier les risques associés aux systèmes d’intelligence artificielle, et de bâtir les mécanismes de gouvernance et de contrôle qui en garantiront un usage éthique et responsable. Ainsi, loin de nous laisser submerger par la vague de fond de l’IA, garderons-nous le contrôle de ses effets, de son impact social, éthique et environnemental.
Comment cette maîtrise se concrétise-t-elle ?
Pour s’assurer que l’IA soit utilisée à bon escient, il ne suffit pas d’une vigilance formelle. Nous devons faire appel à l’agilité de nos équipes et à leur capacité à maintenir une réflexion active sur l’évolution des technologies. Chaque système IA doit être pensé dans sa capacité à se transformer, à évoluer avec les besoins changeants des métiers, tout en respectant un cadre éthique et environnemental. L’intégration de mécanismes de gouvernance, de monitoring et de remédiation doit être systématique, et préventive, pour anticiper les possibles dérives.
L’intelligence artificielle, en ouvrant des horizons nouveaux, nous pousse à redéfinir nos compétences, notre autonomie et notre place dans un monde de plus en plus tracé, connu et actionné par des machines. Il nous appartient de rester maîtres de cette évolution, en devenant – non pas nous aussi de plus en plus artificiels – mais bien des « humains augmentés » : cela nous demande, non d’abdiquer, mais au contraire de travailler et développer notre conscience du monde, pour assumer pleinement nos responsabilités individuelles et collectives.
Questionner le rôle de l’intelligence artificielle dans nos vies personnelles et professionnelles demande à chacun d’entre nous une curiosité sans cesse renouvelée, une agilité mentale et une vitalité éthique. Plus encore, nous devrons être capables d’assumer les dilemmes inhérents à l’IA, en intégrant les dimensions humaines dans chaque décision stratégique. Il ne s’agit pas simplement d’une question de technologie, mais bien d’une question de société.
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