Rechercher

Guerre en Ukraine : Une attaque de drone suicide ukrainien met le feu à une installation pétrolière russe

Ukraine
Lyssytchansk, oblast de Lougansk. | Source : Getty Images

UKRAINE | Les médias russes ont montré une vidéo d’une attaque de drone suicide contre une raffinerie de pétrole russe, laissant le site en proie aux flammes.


 

L’attaque aurait eu lieu à Novochakhtinsk, dans l’oblast de Rostov, à environ 150 km de la ligne de front en Ukraine. Les médias russes affirment que deux drones étaient impliqués, dont l’un a été abattu. La vidéo montre un drone à queue bipoutre plongeant vers la raffinerie de pétrole, suivi d’une explosion. Une deuxième vidéo montre des pompiers tentant d’éteindre un important incendie sur le site de l’explosion.

La vidéo semble avoir été tournée par des travailleurs du secteur pétrolier. Ces derniers ont remarqué le drone (le bruit aigu du moteur est clairement audible sur la bande sonore) et se demandent s’il pourrait être ukrainien avant que le drone s’écrase sur un bâtiment de la raffinerie et explose.

 

Certains experts ont suggéré que le drone pourrait être un Bayraktar TB2, mais cela semble peu probable. Les images semblent plutôt indiquer qu’il s’agirait d’un petit drone PD-1/PD-2 fabriqué par la société UKRSPECSYSTEMS à Kiev. Le PD-1 (abréviation de People’s Drone 1) a vu le jour grâce au crowdfunding en 2014, lorsque les forces armées ukrainiennes cherchaient à développer de nouveaux drones au début du conflit avec la Russie au sujet de la Crimée. Avec le soutien de la population, un groupe de passionnés de drones et d’ingénieurs a construit un engin qui peut voler plus de cinq heures à une vitesse de croisière d’environ 88 km/h.

Les dernières versions du PD-1 sont plus poussées et peuvent transporter une charge utile maximale de 19 kg. Toutefois, si le drone est spécifiquement configuré pour une mission sans retour, il peut transporter une charge utile plus importante pendant une durée plus courte.

Normalement, les drones sont pilotés par un opérateur à l’aide d’une télécommande. Cependant, les drones PD sont capables de voler de manière autonome et sont conçus pour s’autopiloter si le contact avec l’opérateur est perdu. La radiocommande est généralement le facteur limitant la distance à laquelle un drone peut être contrôlé, ce qui explique pourquoi les drones les plus avancés, tels que les MQ-9 Reapers américains, disposent de systèmes de communications par satellite leur offrant une portée mondiale, alors que le Bayraktar TB2 est généralement limité à une portée de moins de 300 km. Dans ce cas, le drone peut avoir été préprogrammé avec les coordonnées GPS de la cible qui peut être facilement localisée en utilisant des services comme Google Earth. Par ailleurs, les drones PD disposent d’une navigation inertielle qui, contrairement au GPS, ne peut être brouillée.

Le PD-2 coûterait environ 300 000 dollars. En sacrifier un lors d’une telle attaque semble une stratégie judicieuse aux vues du montant des dommages qu’il semble avoir causés. Ajoutez à cela l’inestimable valeur de la propagande. En outre, il est également moins cher qu’un missile de croisière.

L’attaque rappelle fortement les frappes de drones suicide menées par les forces houthies contre des installations pétrolières en Arabie saoudite, dont l’une a mis hors service l’installation de traitement du pétrole d’Abqaïq pendant plusieurs jours en 2019 et a eu des répercussions sur le prix mondial du pétrole.

Des attaques plus récentes des forces houthies ont mis le feu à des réservoirs de stockage de pétrole à Djeddah et touché une raffinerie à l’extérieur de Riyad. Comme l’Ukraine, les Houthis fabriquent leurs propres drones.

Ce type de frappe est connu sous le nom de « bringing the detonator » (littéralement, portant le détonateur) : il n’est pas nécessaire d’avoir une charge explosive importante, il suffit de posséder un détonateur pour déclencher les explosifs ou les matériaux inflammables déjà présents sur le site de l’attaque. Les Ukrainiens ont appris cette leçon à leurs dépens en 2017, lorsque les forces spéciales russes ont largué des grenades thermites depuis des quadrirotors, détruisant plusieurs dépôts de munitions.

À nouveau, cette attaque contre une raffinerie de pétrole russe soulève des questions quant à l’efficacité des défenses aériennes russes. Le drone, qui vole lentement, n’a aucune capacité de camouflage et aucune défense électronique pour confondre les radars : il aurait dû être facilement détectable et traçable. Il aurait donc dû constituer une cible facile pour les missiles sol-air russes. En cas d’échec, tout ce qui aurait franchi la frontière aurait dû être intercepté par les chasseurs russes. S’ils n’opèrent pas beaucoup au-dessus de l’Ukraine ceux-ci peuvent voler librement au-dessus du sol russe. Le drone aurait dû être une cible facile pour les missiles air-air ou les tirs de canon. Il est possible que les Russes aient réellement abattu un drone suicide, mais rien ne le prouve.

Certains experts ont laissé entendre que les défenses aériennes russes pourraient détruire les drones d’attaque américains Gray Eagle que la Maison-Blanche envisage d’envoyer en Ukraine. Cependant, le succès de cette attaque montre qu’une fois de plus, les capacités des défenses aériennes russes sont largement surestimées.

Cette frappe soulève également des questions sur la suite des évènements. La Russie sera-t-elle contrainte de réorganiser ses défenses aériennes pour mieux protéger les sites vulnérables sur son territoire ? L’Ukraine, qui avait déjà frappé des plateformes pétrolières en mer Noire (l’on ignore si des missiles ou des drones étaient impliqués) pourrait maintenant frapper également des installations vulnérables.

L’on ignore la portée, le nombre et la charge utile des drones dont dispose l’Ukraine. Cependant, le succès de cette attaque signifie certainement qu’il y en aura d’autres à venir.

Mise à jour du 23 juin : Des images améliorées tirées de la vidéo de l’attaque, ainsi que des photos de fragments d’épave en provenance de Russie, amènent de nombreux experts à conclure que le drone impliqué n’était pas un modèle PD, mais plutôt un modèle similaire avec une configuration de queue différente. Bien qu’il soit impossible d’en être certain, il existe une forte ressemblance avec certains drones commerciaux de fabrication chinoise tels que le Mugin-5 Pro ou le Skyeye.

 

Ils sont encore moins chers que les modèles PD (environ 10 000 dollars pour le drone ci-dessus) et possèdent des performances similaires, mais ils n’ont pas de système électronique de qualité militaire.

Il existe quelques arguments contre cette théorie. L’Ukraine possède une industrie de drones qui produit la majeure partie des grands drones en service militairement (Furia, Leleka-1000, UJ-22, Specator, Punisher et autres). Contrairement aux Houthis, les Ukrainiens ont jusqu’à présent montré peu d’intérêt pour l’utilisation de modèles chinoise, sauf pour les petits quadrirotors.

Des analyses plus approfondies sont encore attendues, mais il est certainement possible que l’Ukraine ait développé des drones d’attaque à longue portée, des missiles de croisière et des munitions d’attaque basés sur des drones commerciaux bon marché en provenance de Chine ou d’ailleurs.

 

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : David Hambling

<<< À lire également : Échec ou succès ? Tout savoir sur les drones suicide Switchblade envoyés en Ukraine >>>

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC