C’est notre connaissance que nous avons également délocalisée avec les usines, or la beauté et la compétitivité de la production résident justement en l’humain et son savoir-faire.
Une contribution d’Adrien Laurentin, CEO de Mercateam
Nous sommes à l’aube d’un tournant crucial pour l’industrie française. Un rapport récent commandé par le gouvernement affichait comme objectif de porter la part de l’industrie dans le PIB de 10% à 15% à l’horizon 2030*. Ce plan ambitieux, d’un coût total de 30 milliards d’euros, a été rapidement réajusté à 12%, ce qui demeure un palier encourageant pour notre économie, promettant une balance commerciale positive et une revitalisation industrielle indispensable. Toutefois, pour mener à bien cette réindustrialisation de la France, de nombreux obstacles restent encore à surmonter.
Le savoir-faire repose sur la standardisation, la technique et l’homme
Nous avons, selon moi, en France, cultivé pendant trop longtemps une image négative de l’industrie. Nous avons tous en tête les scènes de Charlie Chaplin dans Les Temps modernes et, enfants, nos parents agitaient le spectre de l’usine si nos résultats n’étaient pas bons à l’école… Cette image peu attractive, couplée à l’idée que les pays en voie de développement allaient produire nos biens à bas prix pendant que nous nous focalisions sur les services, a mené à une délocalisation massive et à l’absence de souveraineté industrielle dans laquelle nous nous trouvons actuellement et dont l’épisode du Covid a été un puissant révélateur. Si l’on ajoute à cela le fait que les travailleurs sont 25% à avoir plus de 55 ans aux États-Unis et 20% en Europe et que ces personnes vont donc partir à la retraite dans les 10 prochaines années, on se retrouve avec un secteur industriel moribond en Occident. Des années de délocalisation ne permettent évidemment pas une réindustrialisation rapide. C’est notre connaissance que nous avons également délocalisée avec les usines, or la beauté et la compétitivité de la production résident justement en l’humain et son savoir-faire. Le verre Saint-Gobain est le meilleur du monde depuis Louis XIV, car les techniques de production n’ont jamais cessé de se transmettre et d’évoluer, même chose dans le domaine du nucléaire avec EDF, ou du luxe avec LVMH. Le savoir-faire est un véritable patrimoine vivant.
Une modernisation par et avec l’humain
Il faut en effet garder à l’esprit qu’un savoir-faire, même s’il peut être consigné sur des documents ou enregistré dans des vidéos, est exécuté par des hommes. Une usine ne fonctionne pas sans l’humain, même chez Tesla, à la pointe de l’automatisation, les ouvriers ont un rôle-clé, ce sont eux qui vont faire face aux enjeux techniques et les solutionner ! Je tiens d’ailleurs à préciser à ce sujet que, malgré la modernisation des process dans les 30 prochaines années, ce sont seulement 10 à 15% des métiers de l’industrie qui vont disparaître, ce qui prouve combien les métiers en usine sont résilients. En effet, sur le terrain, ce sont 30% des métiers actuels qui vont évoluer avec l’industrie 4.0. Afin d’être compétitive, il est donc primordial pour l’industrie française d’élaborer une stratégie centrée sur la digitalisation et le savoir-faire.
Le défi de la maturité digitale pour l’Europe et la France
Le rapport du cabinet PricewaterhouseCoopers sur l’industrie 4.0** révèle que les entreprises asiatiques mènent la digitalisation industrielle avec 19% d’entre elles à la pointe de ce domaine, contre 11% pour les entreprises américaines et seulement 5% pour les européennes. Le retard de l’Europe, et plus particulièrement de la France accentue l’urgence de la transformation numérique de notre industrie dans l’objectif de représenter 12% du PIB d’ici à 6 ans. Ce contexte souligne la nécessité pour la France d’intensifier ses investissements en digitalisation pour stimuler sa réindustrialisation et maintenir sa compétitivité mondiale. Là encore, la dimension humaine est un élément-clé de la réussite, car c’est à travers l’adhésion des opérateurs à la digitalisation que l’industrie française pourra être revitalisée.
La réindustrialisation est à notre portée, mais elle nécessite un engagement ferme envers l’innovation technologique et la valorisation du savoir-faire industriel français.
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* Source : Les Échos
**Source : PricewaterhouseCoopers
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