Pour être partenaire officiel de Paris 2024, certaines entreprises ont dépensé des sommes colossales. Si elles n’attendent pas forcément de retour sur investissement commercial, les retombées en termes d’image sont importantes. Les olympiades représentent, en effet, le terrain idéal pour une démonstration au grand public de l’étendue de leurs savoir-faire.
Un article issu du numéro 27 – été 2024, de Forbes France
Sous les ovations de 150 000 personnes et les arabesques de la patrouille de France, la flamme olympique débarque à Marseille. Sur le Vieux-Port, ce 8 mai 2024, le nageur champion olympique Florent Manaudou descend du légendaire trois-mâts le Belem, avec dans ses mains la torche des Jeux. Une torche qu’il a extirpée d’une grande malle luxueuse, frappée des lettres « L » et « V », iconiques de Louis Vuitton.
Il est rare de voir ainsi une marque de luxe accompagner le plus grand événement sportif de la planète. Il se trouve que LVMH, tout comme 63 autres groupes, est sponsor officiel du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojo) de Paris 2024. Si on ajoute les partenaires mondiaux, liés au Comité international olympique (CIO), l’événement totalise 78 sponsors. Une manne importante pour l’organisation de Paris 2024 : le budget du Cojo a grimpé, selon les dernières estimations, à 4,4 milliards d’euros. Les contributions des sponsors représentent 1,250 milliard d’euros, soit plus du quart des dépenses.
Pour faire partie de la fête et pouvoir associer son nom à Paris 2024, les marques ont dépensé gros. Et plus le niveau de partenariat est élevé, plus la marque aura de latitude pour utiliser l’image des JO dans sa communication… Selon les experts, LVMH, partenaire « premium », aurait déboursé aux alentours de 150 millions d’euros. Selon une étude du cabinet Circle Strategy, le ticket d’entrée moyen des partenaires premium (plus haut niveau de partenariat avec le Cojo) s’établit à 90 millions d’euros ; il est de 33 millions pour les partenaires officiels (niveau intermédiaire) et de 4 millions pour les supporteurs officiels (plus bas niveau).
Marketing plus que commercial
Évidemment, associer le nom de son groupe aux Jeux olympiques, c’est se donner la chance de toucher un public à la dimension colossale. Les JO réunissent en général plus de 3 milliards de téléspectateurs. L’audience attendue pour Paris pourrait dépasser les 4 milliards ! Des « reach » qui peuvent avoir un impact commercial non marginal pour les sponsors. Selon Circle Strategy, Toyota a vu sa part de marché mondiale augmenter de 53 % grâce à son partenariat avec les Jeux de Tokyo en 2021. D’autant qu’être partenaire, c’est aussi s’assurer une hégémonie marketing sur son secteur pour les JO : par exemple, LVMH ne peut pas associer sa marque Hublot aux JO, puisque l’horloger Omega est déjà partenaire du CIO, et chronométreur officiel des épreuves.
Toutefois, les partenaires interrogés par Forbes semblent peu convaincus de l’intérêt commercial de sponsoriser les JO. L’enjeu est ailleurs, comme nous l’explique Bénédicte Bohbot, directrice marketing chez Bridgestone, partenaire mondial des Jeux : « On n’attend pas forcément de retombées économiques. Nous travaillons plutôt sur l’affinité à notre marque. Avec des études internes, nous avons démontré qu’il y a des impacts très positifs sur la perception de la marque à s’associer aux Jeux. » Selon Circle Strategy, 71 % des Français ont une image très positive des JO 2024. Et neuf Français sur dix pensent qu’il est pertinent pour une marque de s’associer à l’événement.
Nul ne s’y trompe : une marque française qui veut compter dans le paysage économico- médiatique ne peut faire l’impasse sur les Jeux. « C’est un événement unique, un gage de visibilité, une façon pour nous de faire rayonner la marque Saint-Gobain, assure Laurence Pernot, directrice de la communication du groupe industriel. C’est un projet fort en valeurs, de solidarité, de respect, de dépassement de soi, de performances. » Virginie Sainte-Rose, directrice de la communication du partenariat avec Paris 2024 chez Decathlon, abonde en ce sens : « C’est une aventure formidable, naturelle, qui résonne avec nos valeurs : l’équité entre les hommes et les femmes, la place des bénévoles, des valeurs qui changent le paradigme des Jeux. » Car les marques veulent se raccrocher aux valeurs, non seulement de l’olympisme, mais aussi de Paris 2024. Alors que cette édition se positionne comme celle de la « durabilité » et du respect de l’environnement, Bridgestone en profite pour réaffirmer son objectif d’être neutre en carbone d’ici 2050, quand Saint-Gobain, de son côté, veut faire étalage de ses innovations dans le secteur de la construction durable.
Savoir-faire
Car pour ses partenaires, les JO de Paris apparaissent comme un grand « showroom » en mondovision. Les marques veulent faire de la Ville Lumière un terrain d’exposition de leurs savoir-faire. Pour LVMH, il s’agit de faire rentrer le luxe sur tous les terrains de sport. La maison Chaumet a designé les médailles, Berlutti a conçu les tenues des athlètes pour la cérémonie d’ouverture : « Nous avons voulu concevoir ce partenariat comme quelque chose de créatif. Nous ne voulions pas seulement distribuer du champagne dans les espaces VIP et coller nos logos partout, nous explique LVMH. Nous intervenons sur des temps très forts et très symboliques des Jeux. Nous donnons un supplément d’âme aux Jeux. Nous sommes le plus grand groupe français et nous participons au plus grand événement sportif organisé en France. »
Si LVMH n’a guère besoin d’asseoir sa notoriété internationale auprès du grand public, ce n’est pas le cas de tous les partenaires. Comme par exemple Decathlon, partenaire officiel. La marque, qui vient de dévoiler un nouveau site ainsi qu’une nouvelle identité visuelle, souhaite faire montre de sa capacité d’innovation et de son intégration à l’économie nationale. Decathlon va notamment équiper les 45 000 bénévoles des Jeux. Un tour de force industriel, puisque le Cojo a demandé à ce que ces équipements soient à 30 % made in France. Decathlon assure être monté à 50 %. On parle ici de près de 250 000 maillots et autant de paires de chaussettes. Pas facile dans un pays dont l’appareil industriel n’est pas taillé pour de si gros volumes.
Decathlon veut aussi soigner son image d’équipementier… sportif. « Nous sommes une marque connue en surface, mais pas assez en coulisses, relève Virginie Sainte-Rose. Nous sommes connus en tant que retailer, mais pas comme concepteur. Alors que nous sommes comme le Google du sport. Ici, il y a un fourmillement, une quête d’innovation permanente, qui cherche à décortiquer la pratique sportive pour mieux aider à la performance. » Les produits sont développés en étroite collaboration avec des sportifs professionnels : le capitaine de la « Team Decathlon » étant le « génie français » du judo, Teddy Riner.
Pour une marque « BtoB » comme Saint- Gobain, l’enjeu est aussi d’étaler son savoir-faire aux yeux du monde. Le groupe industriel a fourni 60 000 mètres carrés de cloisons modulables pour la construction du village olympique, qui seront ensuite offertes au département de la Seine- Saint-Denis pour créer de nouveaux bâtiments, notamment des logements pour les étudiants – des équipements qui ont été achetés par la Société de livraison des équipements olympiques et paralympiques (Solideo). Saint-Gobain a aussi fait étalage de ses innovations, installant un skate-park sur l’esplanade de la Défense, entièrement imprimé en 3D dans son usine d’Eindhoven, aux Pays-Bas.
Transfert de valeurs
L’enjeu existe aussi côté ressources humaines. S’adosser aux Jeux, cela permet de souder les équipes. Selon Circle Strategy, 84 % des collaborateurs des marques qui sponsorisent les Jeux sont fiers de leur entreprise. Laurence Pernot, directrice de Saint-Gobain, ne dit pas autre chose : « Les JO sont un événement qui nous rassemble et qui nous ressemble. » Comme les autres partenaires, le groupe industriel a développé divers happenings autour des JO pour souder ses équipes, autour du foot, de la course, et du skate notamment.
Évidemment, le marketing est chose réciproque. Si les marques ont tout à gagner à s’adosser à un des plus grands événements sportifs du monde, il est certain que les JO de Paris ont aussi une image à soigner. Et s’associer à, par exemple, une marque comme LVMH, est un marqueur de l’identité spécifique de ces olympiades : elles sont organisées dans un grand pays de culture, de mode, d’élégance et d’exigence. « La réputation d’un événement comme les Jeux olympiques et paralympiques se mesure également au prestige de ses partenaires, analyse Jean- Philippe Danglade, enseignant-chercheur en marketing à Kedge, pour le site The Conversation. Il est indéniable que l’engagement du numéro un mondial du luxe, qui plus est sur une édition olympique sur son territoire, valorise la marque olympique en général et la marque Paris 2024 en particulier. Dans ce cas précis, le sponsoring opère bien un transfert réciproque de valeurs. »
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