En matière de transition énergétique, la France dispose d’atouts incontestables : un parc nucléaire décarboné important (qui a retrouvé enfin une disponibilité convenable après la crise de 2022), d’importantes ressources hydrauliques, un potentiel éolien et solaire remarquable et diversifié géographiquement.
Une contribution de Vincent Maillard, Président d’Octopus Energy France
Non seulement ces atouts sont-ils formidables, mais ils sont complémentaires. L’hydraulique et le nucléaire nous permettent de passer à moindre coût les périodes de moindre vent et sans soleil (tout comme la modulation de la demande, les véhicules électriques, les nouveaux usages, les offres dédiées des fournisseurs etc.). L’éolien et le solaire ont quant à eux pris le relais en 2022 en compensant, grâce à des revenus accrus liés à une vente à prix fort de leur énergie, la crise de la disponibilité du nucléaire qui a justement contribué à faire monter les prix.
Le bon sens voudrait que l’on mutualise les avantages de ces filières afin d’en faire bénéficier la collectivité nationale. Après tout, n’est-ce pas elle qui a pour l’essentiel financé le nucléaire historique, en tant qu’usager du monopole, ou actionnaire (via l’État) de l’entreprise publique, n’est-elle pas la propriétaire de la ressource hydraulique concédée à EDF et à la CNR, n’a-t-elle pas soutenu les énergies renouvelables ?
Mutualiser, c’est réduire les risques, et donc diminuer le coût pour la collectivité.
Mais bien loin de cet idéal, le schéma actuel crée au contraire des risques artificiellement, risques qui seront à la fin payés et supportés par les clients finaux, ménages comme industriels. Et les montants concernés sont considérables.
Ainsi, la France s’était battue à Bruxelles pour défendre un règlement permettant d’assurer à toutes les filières – y compris le nucléaire historique – un prix plancher et un prix plafond (mécanisme dit de contrat pour différence (CFD) symétrique). Ce qui était une très bonne chose à deux égards au moins : d’abord, cela actait la neutralité technologique en permettant le même soutien pour toute filière non carbonée ; ensuite, cela réduisait les risques financiers pour l’ensemble des acteurs en garantissant un prix plancher.
Las, la France, après avoir bataillé victorieusement à Bruxelles, a décidé de faire tout autre chose de retour à Paris. Et de ne pas mettre en place de prix plancher pour le nucléaire.
Mais cela a un prix, qui ne sera pas payé par Bruxelles mais bien par la collectivité nationale et nos industries en particulier. Une étude de la CRE montre que le surcoût du schéma (dit post-ARENH) retenu à Paris dépassera 2 milliards d’euros par an.
En effet, comme le souligne la CRE : “le passage d’un cadre non régulé, comme dans la demande d’EDF, au cadre de prix fixe [i.e. avec plancher et plafond] retenu par la CRE, emporte des conséquences importantes sur le niveau des risques et donc la rémunération du capital engagé, et a un fort impact sur le coût de production”. Et le même document estime ce surcoût lié à l’absence de toute régulation à environ 4,9 euros 2022 par mega watt heure. Pour une production de 370 TWh, cela représente plus de 2 milliards d’euros.
Ma conviction est claire : non seulement pourrait-on éviter ce surcoût, mais on pourrait faire mieux encore en mettant en place un schéma plus conforme à l’intérêt général.
On peut espérer qu’un gouvernement d’audace et de détermination s’empare vite de ce sujet : la France a plein d’atouts, reste à bien les utiliser !
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