Les 24 et 25 décembre 2022 s’est produit sur le territoire France, une grève inédite dans l’histoire de la démocratie française.
A l’occasion des fêtes de Noël dernier, un collectif de cheminots, constitué principalement de contrôleurs avec pas moins de 3500 contrôleurs anonymes sur Facebook sur 10000 contrôleurs environ, a fait grève sans accord avec les syndicats, c’est-à-dire en contournant le droit qui impose un préavis de 5 jours déposé par un syndicat, et l’obligation pour les grévistes de se déclarer 48 heures avant la grève afin de pouvoir s’adapter. On a certes pourtant connu une grève en 1986 contournant les syndicats et il s’agissait déjà des cheminots de la SNCF, menée par des coordinations d’entrepôts de manutentionnaires, grève partie elle aussi, de la base, le mouvement des gilets jaunes ayant aussi échappé en grande partie aux syndicats. Cependant, à l’Ere du numérique, cette grève a quelque chose d’inédit.
Depuis 70 ans, pas une année sans grève. Retour sur les récents mouvements sociaux
Bien que la SNCF maintienne son offre de service minimum, cette année à Noël, plus de 200 000 français sur 800 000 ont été impactés par des suppressions de trains. En France, depuis 70 ans, pas une année ne s’est déroulée sans grève. Les mouvements sociaux de mars à juin 2018, relatifs à la SNCF et à la RATP, toujours avec les syndicats ont été les plus coûteux pour l’économie française. Ces événements ont d’ailleurs fait l’objet de calculs économiques pour l’évaluation des impacts sur le PIB d’une grève aussi longue : environ 900 millions pour le SNCF, 300 millions pour la RATP en coûts directs auquel il faut ajouter le même montant pour tous les coûts indirects sur l’économie soit au total 0,15% du PIB en moins sur le trimestre concerné. Egalement en décembre 2019, où 27 jours de grève « dans les règles de l’art » avaient encore paralysé l’économie française. Les cheminots avaient par ailleurs, refusé la trêve pour le réveillon. Nous pouvons citer l’année 1995, sous l’ère Juppé, où cette fois-ci la grève s’orientait contre la réforme des retraites et dans les règles, syndicats et préavis.
En période de Noël dans l’histoire des grèves, il était plus fréquent d’assister à des menaces de grèves plutôt qu’a des grèves réelles. Les syndicats ayant souvent, comme ce fût le cas en 2021 et en 1995, levé leur préavis face à un gouvernement flexible et les trains roulaient à nouveau et surtout, à temps.
Pourquoi cette grève apparaît comme « inédite »? Nos deux raisons.
Tout d’abord la grève reste un droit de privilégiés : 90% des grèves viennent du secteur public alors que 90% de notre tissu économique est privé. Par ailleurs, plus les entreprises sont petites moins les salariés font grève. De crise sociale en crise sociale, notre pays reste un cas d’école en Europe. Même en Russie, on fait moins grève. Pire cette session depuis 4 ans ne cesse de s’intensifier avec des revendications catégorielles. Il devient de plus en plus difficile de réussir dans ce pays sans avoir à faire à des revendications catégorielles. Du droit à la grève, organisée et légale dans le sens de faire progresser un intérêt général (1995), les grèves en France sont de moins en moins représentatives et soutenues par les français eux même. Du droit à la grève nous sommes passés à la grève du droit.
Un échec de la social-démocratie ?
Il devient impossible de faire progresser le corps social par le travail sans revendications d’égalité impossibles à mettre en place car incompatible avec la nature humaine. Au final, nous sommes dans une certaine forme d’échec du progrès de tous, compatible avec les différences de chacun. Tout est défiance. Pourquoi lui, pourquoi pas moi. La moindre minorité à pignon sur rue puisque peut parvenir à bloquer le pays par des réseaux sociaux.
La conclusion qui nous paraît claire est que nous entrons dans une nouvelle ère. Exit les canaux habituels, la grève se joue aujourd’hui au travers du numérique et dans le cas présent, au travers de Facebook. Dans ce monde nouveau, une nouvelle page du capitalisme, particulièrement virulent et individualiste, parviendrait-Il, petit à petit, à affaiblir les réussites ?
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