Développez votre efficacité personnelle avec ces recommandations fondées sur des recherches

Une contribution de Rodger Dean Duncan pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

Vous arrive-t-il que votre esprit s’égare et que vous ayez du mal à vous concentrer sur la tâche en cours ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul. Cela nous arrive à tous, même aux esprits les plus brillants.

Aujourd’hui, on attend de nombreux travailleurs qu’ils atteignent l’efficacité propre à l’ère industrielle. Pourtant, dans un monde du travail dominé par la technologie, leurs tâches les plus importantes consistent souvent à apprendre, à générer des idées et à résoudre des problèmes complexes ; des activités qui ne peuvent être standardisées comme des produits sur une chaîne de montage.

Mithu Storoni a une compréhension approfondie de ce nouveau monde du travail. Médecin, chercheuse en neurosciences et chirurgienne ophtalmologue formée à l’Université de Cambridge, elle conseille des multinationales sur l’optimisation des performances mentales et la gestion du stress. Elle est également l’auteure du livre Hyperefficient : Optimize Your Brain to Transform the Way You Work.

Comment la définition de l’« efficacité » en 2024 a-t-elle évolué par rapport à celle d’il y a un demi-siècle ?

« Le concept d’efficacité est né à l’époque des chaînes de montage industrielles, où les profits d’une entreprise dépendaient directement de la quantité de produits assemblés par chaque employé », explique Mme Storoni. « À l’époque, pour produire davantage, il suffisait d’accélérer le rythme, de réduire les pauses et d’allonger les horaires. Aujourd’hui, le succès d’une entreprise repose beaucoup moins sur le volume de travail humain, car l’IA et l’automatisation prennent en charge le travail cognitif de routine. Au contraire, la croissance dépend de plus en plus de ce que les humains peuvent créer, résoudre et innover grâce à ces outils d’IA. La qualité de la production intellectuelle — idées, solutions, innovation — est désormais le moteur principal de la productivité. L’efficacité consiste aujourd’hui non pas à réaliser les choses, mais à les réaliser correctement. »

Selon Mme Storoni, le cerveau humain fonctionne selon trois modes — vitesse 1, vitesse 2 et vitesse 3 — et elle explique pourquoi la vitesse 2 est le mode le plus optimal pour travailler efficacement. « Lorsque vous commencez à travailler, imaginez votre cerveau comme une machine de traitement de l’information à trois vitesses (c’est une métaphore). Plus la vitesse est élevée, plus le cerveau travaille rapidement, mais cela se fait au détriment de la précision. En vitesse 2, vous atteignez une « zone idéale », où l’équilibre entre vitesse et précision est optimal. Votre cortex préfrontal est pleinement mobilisé, vous permettant de contrôler votre attention avec une grande précision. »

Cependant, la chercheuse explique que la créativité est impossible en vitesse 3. Alors, comment passer à un rythme plus favorable à la créativité lorsque l’on est bloqué en vitesse 3 ? Elle identifie trois facteurs qui permettent au cerveau de ralentir et de revenir à un état optimal : la charge mentale, la perception du temps et le sentiment d’incertitude. « Si votre cerveau se trouve face à une charge de travail considérable ou si vous avez l’impression que le monde autour de vous évolue rapidement, il va accélérer pour suivre le rythme », explique-t-elle. « De même, lorsqu’il perçoit de l’incertitude, il réagit en traitant l’information plus vite pour la réduire. » Pour revenir à une vitesse plus créative, il est donc conseillé de modérer ces trois facteurs : alléger votre charge mentale, ralentir l’environnement autour de vous, et apaiser tout sentiment de menace ou de pression, comme une échéance imminente.

Une fois la deuxième vitesse enclenchée, explique-t-elle, la créativité s’épanouit davantage lorsque l’attention n’est pas fixée sur un objectif précis et peut divaguer librement. « Vous avez ainsi plus de chances d’atteindre un état mental favorable à la créativité en marchant plutôt qu’en restant assis devant votre écran d’ordinateur. »

À ce stade, vous vous demandez peut-être : « Comment peut-on déterminer le rythme qui convient le mieux à sa personnalité pour trouver des environnements propices à son épanouissement ? »

Chaque personne réagit différemment à la stimulation et à l’incertitude, explique Mme Storoni. « Certaines ont besoin de l’excitation d’un défi ou de l’adrénaline de l’imprévu pour atteindre un état mental optimal, tandis que d’autres prospèrent dans des environnements plus calmes et stables. Pour situer votre propre sensibilité, réfléchissez au type de lieu où vous donnez le meilleur de vous-même et demandez-vous si la perspective de compétitions et de délais fréquents améliore ou diminue vos performances. »

Selon elle, dans le domaine du travail intellectuel, le « flow » est un véritable superpouvoir. Mais qu’est-ce que le « flow » précisément, et comment peut-on le maîtriser pour atteindre une efficacité maximale ?

« Le « flow » est un état mental subjectif dans lequel vous êtes tellement absorbé par une tâche que vous perdez la notion du temps, et le travail semble soudain plus facile, même lorsque la qualité produite reste optimale », explique Mme Storoni. « Cet état s’apparente à un « superpouvoir », car maintenir une concentration prolongée est normalement épuisant, mais lorsqu’on est dans le « flow », cette fatigue disparaît et l’esprit se retrouve mentalement revitalisé. Certains chercheurs pensent que le travail semble sans effort dans cet état parce qu’il optimise l’énergie mentale. Entrer dans un état de fluidité pendant le travail permet ainsi de rester dans une disposition mentale optimale, sans effort excessif. »

Quels défis et opportunités l’ère numérique apporte-t-elle à la capacité d’apprentissage des individus ?

« L’ère numérique transforme profondément le paysage du travail », affirme-t-elle. « Avec l’arrivée de l’IA et de l’automatisation en milieu professionnel, les travailleurs doivent acquérir de nouvelles compétences et endosser des rôles inédits. Les systèmes d’IA évoluent à une vitesse fulgurante, et pour rester à jour, les travailleurs doivent s’engager dans un apprentissage continu. » Elle souligne que le principal défi de cet environnement professionnel en constante évolution réside dans la nécessité, pour les employés, d’apprendre directement sur le terrain, plutôt que de compter sur un apprentissage formel. « Cela requiert un certain degré de maîtrise de soi et de flexibilité. La sensation de progresser dans l’acquisition d’une nouvelle compétence ou dans la résolution d’un problème génère un plaisir profond et nourrit une motivation intrinsèque. Le paysage numérique, en perpétuel changement, offre donc d’innombrables opportunités pour apprendre et renforcer cette motivation. »

Quel conseil Mithu Storoni donne-t-elle aux personnes qui peinent à gérer l’urgence, les délais et leur concentration, au travail comme ailleurs ?

Si l’urgence et les délais sont source d’anxiété pour vous, essayez de travailler en parallèle sur une tâche qui vous procure un sentiment de contrôle, conseille-t-elle. « Cela peut être quelque chose de simple, comme ranger votre bureau ou organiser un dossier. Si vous avez des difficultés de concentration en général, ajustez différents aspects de votre environnement lorsque cela est possible. Par exemple, écoutez du bruit blanc pour masquer les distractions du bureau, ou faites un petit jogging pour recentrer votre esprit si vous avez du mal à rester concentré. »

Elle recommande également quelques astuces pour surmonter un blocage mental : « Quittez votre bureau et allez faire une petite promenade. En détournant votre attention de la tâche immédiate et en la laissant divaguer, vous augmentez vos chances de prendre du recul, de découvrir de nouvelles perspectives auparavant inaccessibles et donc d’améliorer votre efficacité. La marche est l’un des meilleurs moyens pour y parvenir. »