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Comment les descendants des milliardaires façonnent la philanthropie

promesse de don
Dons philanthropiques. Getty Images

Les enfants et petits-enfants des milliardaires signataires du Giving Pledge (« promesse de don ») redéfinissent la philanthropie à travers des initiatives audacieuses et un engagement profond. Le groupe Next Gen de l’association caritative permet à la nouvelle génération de philanthropes de poursuivre et d’étendre l’héritage de leurs parents et grands-parents tout en adaptant leurs actions aux défis contemporains.

Un article de Kerry A. Dolan pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

Tanya Masiyiwa, 32 ans, fille du milliardaire zimbabwéen des télécommunications Strive Masiyiwa, reconnaît que c’est sa mère, Tsitsi, qui l’a poussée à assister à sa première réunion Next Gen, un rassemblement des enfants et petits-enfants des signataires du Giving Pledge. « Ma mère m’a appelée et m’a dit : « Ils organisent une conférence, tu vas y aller » », se rappelle-t-elle. En 2015, elle a pris un vol de Londres à Omaha, dans le Nebraska, pour participer à la réunion, tandis que ses deux sœurs la rejoignaient depuis New York et Rhode Island, où elles étudiaient à l’université. « Nous nous demandions toutes les trois ce que nous faisions là. Ils nous posaient des questions auxquelles nous n’avions pas encore de réponses, comme « Quel rôle allez-vous jouer dans la fondation de votre famille ? » », raconte-t-elle.

Cette expérience a amenée la fille du milliardaire à demander un poste au sein du conseil d’administration de la fondation familiale Higherlife, qui soutient l’éducation, la santé, les secours en cas de catastrophe et la préparation aux catastrophes, entre autres, au Zimbabwe et dans quatre autres pays d’Afrique. Après avoir travaillé pour l’Unicef pendant plus d’un an à partir de 2016, elle a rejoint le conseil d’administration de Higherlife. L’année dernière, elle a été nommée présidente-directrice générale de la fondation Higherlife et de Delta Philanthropies, un fonds d’investissement d’impact à but non lucratif qui soutient les mêmes causes que Higherlife.

« Mes parents nous ont dit très clairement qu’ils ne voulaient pas que l’on se souvienne d’eux pour ce qu’ils avaient fait dans le domaine de la technologie. Ils voulaient que l’on se souvienne d’eux pour avoir influencé la vie des enfants dans le pays où notre entreprise opère. Nous le savions donc depuis notre plus jeune âge. Mais je pense que le fait de participer à la Next Gen a rendu les choses beaucoup plus concrètes, notamment parce que nous étions en contact avec des personnes de tous âges », explique Mme Masiyiwa.

Depuis cette première rencontre, elle a participé à d’autres réunions du Next Gen, et a même voyagé avec un groupe de 10 membres du Next Gen au Rwanda pour une visite de 10 jours en 2019. Durant ce voyage, ils ont visité un hôpital soutenu par la Fondation Gates, spécialisé dans le traitement du cancer, ainsi qu’un village où chaque famille a reçu une vache comme source de revenus. « Le voyage au Rwanda a été incroyablement émouvant. Nous avons visité le musée du génocide et les monuments commémoratifs et nous nous sommes assis avec les gens dans leurs maisons. Dans un tel contexte, les barrières tombent et la conversation porte davantage sur le monde dans lequel nous vivons et celui que nous aspirons à créer que sur nous-mêmes », explique-t-elle.

 

Héritiers engagés : le rôle du groupe Next Gen dans la promesse de don

Le groupe Next Gen du Giving Pledge existe depuis 2014 et permet à ses membres de trouver une communauté de pairs de confiance et des ressources pour les aider à poursuivre leur philanthropie. L’adhésion est entièrement volontaire – les enfants et petits-enfants des membres du Giving Pledge n’ont pas tous choisi de participer. Certains sont encore trop jeunes, notamment les trois filles de Mark Zuckerberg et Priscilla Chan. L’identité exacte des membres du Next Gen est tenue secrète, à moins qu’ils ne choisissent individuellement de la rendre publique, comme Masiyiwa et Katherine Lorenz, petite-fille du milliardaire du gaz naturel George P. Mitchell (décédé en 2013), qui était l’un des 40 premiers signataires de la promesse de don.

Jusqu’à présent, les membres du groupe Next Gen n’ont jamais été invités à assister à la réunion annuelle du Giving Pledge. Cette année, l’événement se déroule cette semaine dans un lieu secret en Californie du Sud et réunira diverses générations, avec environ une centaine de membres du groupe Next Gen attendus. Ce rassemblement intervient à un moment crucial, car de nombreux membres de la promesse de don vieillissent ; près de 50 d’entre eux ont 80 ans ou plus. Cette réunion se tient également dans le contexte du plus grand transfert intergénérationnel de richesses de l’histoire. Au moins 22 des 242 membres du Giving Pledge sont décédés, ce qui signifie que leurs héritiers sont probablement responsables de tenir la promesse de donner au moins la moitié de leur fortune. Les donateurs s’engagent à faire des dons de leur vivant ou par testament, et la majorité semble laisser une grande partie de leurs dons après leur décès. Ces membres du Next Gen sont également invités pour une autre raison : beaucoup d’entre eux sont déjà fortement engagés dans la philanthropie familiale, bien plus qu’au moment où la promesse de don a été lancée en 2010.

Par exemple, Katherine Lorenz, âgée de 45 ans, est depuis 2011 présidente de la Cynthia and George Mitchell Foundation, créée par ses grands-parents, qui soutient notamment l’énergie propre et la conservation des terres. Elle est également à la tête du groupe Next Gen du Giving Pledge et a joué un rôle clé dans sa création. Elle raconte qu’en 2012, elle a contacté l’équipe du Giving Pledge pour lui demander si elle envisageait de mettre en place un programme pour la prochaine génération. « La réponse a été très enthousiaste », se souvient-elle. Mme Lorenz a alors passé le reste de l’année à contacter les membres de la nouvelle génération qu’elle connaissait et a organisé deux dîners pour discuter de l’idée. Le premier rassemblement Next Gen, qui a réuni 24 personnes, a eu lieu en 2014. Aujourd’hui, le groupe compte 300 membres du monde entier, âgés de 21 à 75 ans.

 

En quête d’un impact plus puissant 

En parallèle à l’engagement financier, le groupe Next Gen organise son propre rassemblement annuel et des dîners périodiques dans diverses villes. Les activités proposées sont souvent axées sur des objectifs concrets. Par exemple, lors d’une session du groupe Next Gen décrite par Mme Lorenz, chaque participant a été invité à passer un test de personnalité avant la réunion. Cette initiative visait à illustrer comment des individus aux profils divers prennent des décisions de manière très variée.

D’autres sujets ont été abordés, comme la manière d’élever des enfants avec des valeurs philanthropiques et le rôle du conjoint d’un membre du groupe Next Gen. Le groupe reste en contact par WhatsApp et par mail et est soutenu par les membres de l’équipe du Giving Pledge.

Le groupe a notamment contribué à susciter des conversations difficiles au sein d’une famille. « Je pense que les créateurs de richesse dans le monde, et pas seulement les membres de la promesse de don, hésitent à parler de leur plan avec leurs enfants et petits-enfants », explique Mme Lorenz. Cela peut être dû à diverses raisons, comme l’absence de plan, la crainte de gâcher la vie de leurs enfants ou de les rendre dépendants, ou encore la peur que les enfants ne soient pas prêts à entendre parler des projets futurs. « Je pense que l’une des contributions majeures du groupe Next Gen est de fournir le soutien et la compréhension nécessaires pour que ces conversations aient lieu. Une fois que les donateurs sont partis, il est trop tard pour les avoir », ajoute-t-elle. « Souvent, cette promesse est quelque chose que les enfants ou les petits-enfants ignoraient totalement. »

Un autre sujet de discussion est le rythme des dons caritatifs. « Notre famille continue de discuter du moment et de la manière de dépenser les fonds de la fondation. Les conversations avec d’autres familles et leur personnel dans le cadre du groupe Next Gen de la promesse de don ont certainement suscité l’intérêt de plusieurs membres de notre famille, nous incitant à approfondir le dialogue à ce sujet », déclare Mme Lorenz. « En particulier, nous avons été inspirés par Atlantic Philanthropies et son encouragement à dépenser plus rapidement pour avoir un impact plus significatif. » Chuck Feeney, le fondateur d’Atlantic Philanthropies, avait pour objectif de distribuer toute sa richesse avant de mourir – sa fondation a donc distribué tous ses actifs avant sa mort l’année dernière.

« Certains héritiers estiment que cette idée de génération et de concentration de la richesse n’est pas juste pour le monde », explique Mme Lorenz, qui ajoute que ces personnes souhaitent que l’argent soit distribué plus rapidement du vivant du donateur ou, plus généralement, que les dons soient accélérés. « Je pense qu’il s’agit d’une pression exercée par la génération suivante dans de nombreuses familles », ajoute-t-elle.

La récente décision de Melinda French Gates de quitter la Fondation Gates le 7 juin sera certainement abordée de manière informelle par les participants à la réunion. Elle a créé The Giving Pledge il y a près de 14 ans avec son mari de l’époque, Bill Gates, et leur ami Warren Buffett, et certaines personnes impliquées la considèrent comme le cœur de la promesse de don. On ne sait pas encore si elle participera à la réunion ; un porte-parole du Giving Pledge a déclaré que la politique de l’organisation était de ne pas divulguer le statut des participants, y compris celui de Bill, Melinda et de leurs trois enfants.

« En tant que cofondatrice du Giving Pledge, Melinda reste profondément attachée à cette communauté et à son impact. Sa décision de démissionner de la Fondation Bill & Melinda Gates n’y change rien. Elle compte rester engagée », a déclaré un porte-parole de Melinda Gates.

Quoi qu’il en soit, les discussions qui auront lieu cette semaine et à l’avenir au sein de ce groupe de philanthropes seront déterminantes. L’enjeu est de savoir comment, collectivement, des centaines de milliards de dollars philanthropiques seront distribués. Cela ne manquera pas d’avoir des répercussions dans le monde entier.


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