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Budget de la Sécurité sociale : le fossé se creuse entre public et privé en matière de prévention

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Budget de la Sécurité Sociale : le fossé se creuse entre public et privé en matière de prévention

Après le vote du budget de la Sécurité sociale, un sentiment de frustration prédomine. Si les actions de prévention se poursuivent, le texte ne dégage pas de réelles solutions pour assurer la pérennité de notre système de santé. Surtout, il ferme la porte à une coopération avec les organismes de protection sociale (OCAM), alors que tout semblait indiquer le contraire il y a peu. Un revirement déplorable au moment où le besoin de synergie n’a jamais été aussi fort pour construire un système plus préventif et moins dépensier.

Une contribution de Camille Mosse, Directrice du département Technique et Offre de Mercer France

 

Un budget dans la continuité des bonnes actions de prévention

 


Soyons clairs, la loi de financement de la Sécurité sociale 2025 n’est pas celle qui sauvera notre système de santé. Si le budget augmente de 3,4% au lieu des 2,8% prévus, et nous saluons cette décision, tous les postes de la santé ne vont pas bénéficier du même traitement. Le texte traduisant davantage la politique du sparadrap qu’une vraie volonté de transformation. Si l’hôpital fait certainement figure de priorité pour l’exécutif, l’identité préventive de la Sécu s’affirme un peu plus, bien que la progression soit lente.

Au rang des nouveautés, la prévention dentaire des jeunes de 3 à 24 ans prendra désormais la forme d’une visite annuelle contre une visite tous les trois ans auparavant. On notera également la mise en place d’une campagne de vaccination contre les méningocoques dans les collèges et établissements accueillant des adolescents en situation de handicap ainsi que la prise en charge des consultations gynécologiques et en santé sexuelle pour les femmes en situation de handicap résidant dans un établissement médico-social.

Malgré la difficulté à concevoir un texte équitable, il y a tout de même une vraie volonté d’innover pour mieux valoriser la prévention et conserver la qualité de notre système. Rappelons que seulement 9% des dépenses de santé sont à la charge des ménages, faisant de notre offre de soins une des plus complètes au monde. Nous devons entretenir ce modèle tout en contenant les dépenses de santé dans la durée.

 

Pas de prévention efficace sans les OCAM

 

Si les intentions de la Sécurité sociale en matière de prévention sont louables, la capacité à toucher l’ensemble des Français afin qu’ils adhèrent véritablement à ces initiatives est un défi de taille. Les pouvoirs publics doivent l’admettre, la Sécurité sociale seule ne pourra appliquer efficacement sa politique de prévention. Ses messages n’en seront que plus forts s’ils sont relayés et amplifiés via des acteurs comme les OCAM qui doivent intervenir en relais et en complément du public sur les enjeux de prévention majeurs. Surtout, cela permettra une individualisation correspondant au besoin de l’assuré.

Seulement, la théorie s’oppose à une réalité parfois brutale. Le budget 2025 de la Sécurité sociale traduit en fin de compte un éloignement encore plus marqué avec les OCAM. Il n’est donc plus question d’une coopération naissante mais bien d’un rétropédalage radical, tant au niveau de l’action préventive que de la lutte contre la fraude. Sans oublier que le gouvernement veut faire porter aux OCAM le manque à gagner causé par l’absence de la hausse du ticket modérateur dans le PLFSS.

Pourquoi s’acharner sur les OCAM alors que la pérennité de notre système de santé ne peut se contenter de la seule action de la Sécurité sociale ? Il est utile de rappeler que les OCAM ont la capacité d’orchestrer et de suivre les actions de prévention auprès de leurs adhérents en passant par le biais des entreprises, des branches d’activité, voire à un niveau territorial pour ne citer que quelques exemples. Un avantage indéniable dont le gouvernement ne profite pas. En fin de compte, augmenter le budget ne suffira pas s’il n’est pas utilisé et redistribué intelligemment aux acteurs compétents.

 

Dépenses de santé : la nécessaire responsabilisation des Français

 

Pour l’heure, les initiatives existantes ne sont que peu utilisées par la population, soit du fait des biais cognitifs qui nous poussent à ne pas nous confronter aux diagnostics, soit par méconnaissance des dispositifs existants. Ce manque d’acculturation lié aux moyens de prévention est ainsi directement corrélé au besoin de responsabiliser les Français face à leurs dépenses de santé. Au-delà des propositions faites par l’Assurance Maladie pour réduire le gaspillage (pansements, médicaments, matériel médical), la population française n’est, en fin de compte, pas sensibilisée aux enjeux liés à la surconsommation dans le secteur de la santé. À titre d’exemple, 65% des Français [1] renouvellent leur paire de lunettes « automatiquement » au bout de 2 ans, alors même que leur vision ne s’est pas dégradée.

[1] Étude Mercer (2024)

 

Pour que la santé ne devienne pas un luxe, nous devons amplifier notre politique de sensibilisation et là encore les OCAM ont un rôle à jouer. Nous ne pourrons maintenir un système de soins efficient et dans des conditions financières soutenables, que si nous allons au-delà du dogme vieillissant opposant le public au privé. Il en va de la survie de notre modèle de protection sociale et de l’accès équitable aux soins pour tous.

 


À lire également : EN BREF | Ce que contient le budget de la Sécurité sociale, approuvé définitivement par le Sénat

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