Pour mettre fin au blocus russe en mer Noire, l’Ukraine pourrait s’inspirer des tactiques sudistes durant la guerre de Sécession.
Durant la guerre de Sécession, les rebelles sudistes ont utilisé toutes sortes de subterfuges pour tenter de mettre fin à un blocus naval strict et de menacer les navires de l’Union en mer. Aujourd’hui, le gouvernement ukrainien peut employer des tactiques identiques pour mettre la pression et, potentiellement, couler ou mettre hors d’état de nuire les navires russes en mer Noire.
En augmentant les pertes pour la force de blocus et la marine russes, l’Ukraine a la possibilité de briser le blocus en mer Noire, une première étape vers l’acheminement des céréales et des engrais dont le monde a tant besoin. La Russie dispose d’une vingtaine de navires militaires en mer Noire, et seule une poignée d’entre eux sont nécessaires pour faire respecter un blocus. Pour la Russie, l’attrition en mer est vraiment une stratégie importante.
L’emploi militaire de navires civils est une tactique éprouvée. Durant la guerre de Sécession, la marine confédérée a souvent utilisé des tours de passe-passe pour s’armer en mer. Le célèbre navire de commerce sudiste, le CSS Florida, a été construit en Angleterre sous la forme d’un navire marchant baptisé Oreto. Après avoir quitté l’Angleterre, le navire changea rapidement de nom et, grâce à plusieurs transbordements en mer, se convertit en un navire de commerce armé avant d’entrer dans la marine confédérée.
Des tactiques similaires pourraient fonctionner aujourd’hui, ouvrant la voie à un effort plus important pour libérer la mer Noire. Ironiquement, les diplomates ukrainiens pourraient même trouver la construction d’une marine improvisée encore plus facile que dans les années 1860. Actuellement, les navires utilitaires et les cargos peuvent être achetés et vendus en un claquement de doigts, leur propriété finale étant cachée dans un nid de sociétés-écrans. Les systèmes antinavires et les systèmes antiaériens de base sont bien plus pratiques que les lourds canons durant la guerre civile américaine. En outre, en mer, ces systèmes peuvent passer d’un navire à l’autre sans trop de difficulté.
Les remorqueurs, les bateaux de pêche et même les barges peuvent être facilement modifiés pour dissimuler toutes sortes d’armements improvisés, conférant à presque toutes les plateformes la capacité d’effrayer, de mettre la pression et même de couler les navires russes, presque partout dans le monde. Les pays qui ont le plus à perdre avec la guerre de la Russie contre le grenier du monde devraient s’empresser de glisser discrètement aux volontaires ukrainiens les moyens flottants nécessaires pour désamorcer la présence maritime de la Russie.
À terme, aucun bateau de pêche, pétrolier ou chalutier de renseignement russe ne devrait naviguer en mer sans une certaine inquiétude.
Peu de choses sont nécessaires. Quelques missiles antinavires de base ou des drones suicide lancés depuis un semblant de bateau de travail peuvent sérieusement compliquer la vie de n’importe quel croiseur de classe Slava. La Russie aurait bien du mal à réagir lorsque ses forces disparaîtraient dans le trafic maritime voisin ou se saborderaient elles-mêmes, l’équipage disparaissant sur le littoral de la mer Noire, en Méditerranée, dans la Manche ou ailleurs dans le monde.
Ce type de conflit pourrait même avoir lieu en mer Noire. La Turquie consacre peu d’efforts à la fouille des navires civils qui passent par le Bosphore et les Dardanelles. De plus, la contrebande régionale en mer Noire est une entreprise déjà très active. Ainsi, il devrait être relativement aisé pour un opérateur compétent financé par l’Ukraine de cacher même un gros missile antinavire conventionnel à un inspecteur turc peu zélé. Comme les gros missiles antinavires conventionnels pèsent environ un tiers du poids d’un pick-up Ford F-150, les contrebandiers talentueux pourront démontrer leurs compétences en matière de dissimulation, de sortie d’un missile et de tire sur un navire russe.
L’armée russe serait probablement prise au dépourvu.
Les missiles antinavires peuvent être embarqués sur n’importe quel type de bateau
Alors que les alliés de l’Ukraine se préparent à lui offrir des missiles antinavires, la menace qui pèse sur la flotte russe en mer Noire est réelle.
Le Naval Strike Missile (NSM, missile d’attaque navale), par exemple, ne pèse que 400 kg environ. Pour une utilisation unique, le missile ne nécessite pas de système de lancement sophistiqué. Étant donné que le missile peut rechercher et identifier indépendamment diverses cibles à plus de 200 km, la plateforme de tir a besoin de peu de renseignements pour devenir une véritable menace pour un ennemi non préparé. Si l’on dissimule des NSM à bord de quelques bateaux circulant tranquillement dans la mer Noire et qu’on les équipe d’un lanceur à montage rapide et à usage unique de type Ikea, la Russie sera soudain confrontée à de véritables problèmes de sécurité.
L’Ukraine n’a même pas besoin de faire passer une arme par les eaux turques. Il peut suffire d’envoyer un ou deux bateaux « clandestins » contrôlés par l’Ukraine en mer Noire. Un petit navire ou une plateforme sans pilote, sortant furtivement des eaux ukrainiennes ou d’ailleurs, peut facilement transférer quelques drones Switchblade capables d’accomplir une mission en mer Noire.
De plus, avec un peu d’aide en matière de renseignement et de ciblage, les combattants russes et les autres avant-postes maritimes en mer Noire pourraient passer une très mauvaise journée.
Avec un peu de créativité et d’ingéniosité, les Ukrainiens peuvent mener une guerre en mer beaucoup plus vaste et complexe, en coulant la flotte russe en mer Noire. Pour la Russie, un échec de missions est une véritable catastrophe. Une frappe sur les docks navals russes de Sébastopol au mauvais moment pourrait être très coûteuse.
L’attaque réussie contre le croiseur russe Moskva montre que l’Ukraine n’est pas un acteur passif dans le domaine maritime. La simple perspective que le pays envisage de telles stratégies suffirait à faire monter la pression des marins russes. Cela pourrait même suffire à forcer Vladimir Poutine à relâcher son assaut illégal sur l’approvisionnement alimentaire mondial.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Craig Hooper
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