On a toujours pensé qu’ils étaient perdus – les 270 soldats allemands piégés dans un tunnel d’environ 300 mètres, dont les entrées ont été scellées par des bombes de l’infanterie française en mai 1917. Pendant les six jours suivants, comme le rapporte HistoryNet, l’oxygène s’est raréfié et les hommes qui ne sont pas morts ont demandé à d’autres de les tuer.
Selon la BBC, trois hommes ont été sauvés et l’un d’eux, Karl Fisser, a laissé un récit de ce qui s’était passé à l’intérieur du tunnel de Winterberg. « Tout le monde demandait de l’eau, mais c’était en vain. La Mort se moquait de sa récolte et la Mort montait la garde sur la barricade, pour que personne ne puisse s’échapper. Certains réclamaient des secours, d’autres de l’eau. Un camarade gisait par terre à côté de moi et croassait d’une voix cassante pour que quelqu’un charge son pistolet pour lui ».
Ces corps ont été récemment découverts, comme le rapporte la BBC, après qu’un père et son fils, Alain et Pierre Malinowski, ont trouvé l’une des entrées après une recherche minutieuse.
Le tunnel se trouve sous le front du Chemin des Dames, autrefois une région rurale idyllique de la France, utilisée par les filles du roi Louis XV au 18ème siècle pour voyager entre la vallée de l’Ailette au nord et la vallée de l’Aisne au sud. La route s’étend d’est en ouest et mesure près de 30 km de long.
Pendant la Première Guerre mondiale, en 1914, les Alliés ont poursuivi les Allemands en retraite à travers le Chemin des Dames après la première bataille de la Marne. Les troupes allemandes se sont retranchées sur les hauteurs du nord et ont conservé leur position pendant deux ans. Le 14 mai 1917, après avoir subi 120 000 pertes dans les combats, les Français ont été contraints de partir, mais pas avant d’avoir fermé les deux côtés du tunnel, piégeant les soldats à l’intérieur.
Alain Malinowski, qui travaillait dans le métro parisien, a commencé à éplucher les cartes des archives militaires du château de Vincennes dans les années 1990 pour trouver l’emplacement de l’entrée. Après avoir trouvé une carte contemporaine, il a passé au peigne fin la forêt actuelle en mesurant l’endroit. Alain Malinowski a déclaré au Monde : « Je l’ai senti. Je savais que j’étais proche. Je savais que le tunnel était là, quelque part sous mes pieds ».
Cependant, après avoir alerté les autorités, aucune mesure n’a été prise, et ce n’est que lorsque le fils d’Alain (Pierre, un ancien soldat) a loué un bulldozer et a commencé à creuser dans la terre que le duo s’est rendu compte qu’ils étaient au bon endroit – son équipe a trouvé des bonbonnes de gaz, des rails pour transporter des munitions, des fusils et les restes de deux soldats. Comme les autorités françaises ne réagissaient toujours pas, Alain Malinowski a rapporté la nouvelle au journal Le Monde.
Comme les soldats n’étaient pas français, le gouvernement français n’avait jamais décidé d’ouvrir le tunnel et si certaines réactions ont été positives de la part d’historiens et d’archéologues, d’autres pensent que cela oblige le gouvernement à protéger le site des pilleurs. Des voix s’élèvent pour dire que cela déshonore les morts. D’aucuns pensent également que davantage de personnes pourraient être encouragées à entreprendre des découvertes similaires, mais pour des raisons plus mercantiles.
L’histoire du tunnel n’est pas rare dans cette région de France. Jean-Pierre Laparra est le maire d’un petit village, qui compte exactement zéro habitant. Le village de Fleury-devant-Douaumont, situé à 90 minutes en voiture de Reims (128 km), a été complètement anéanti entre le 23 juin et le 18 août 1916, lorsque les bombes ont rasé les maisons et tué 80 000 soldats.
En se promenant à travers les cratères dans les bois avoisinants, Jean-Pierre Laparra a toujours la même tâche que n’importe quel autre maire français (bien qu’il soit élu par les représentants régionaux plutôt que par les électeurs locaux) : veiller à l’histoire du village que ses ancêtres ont contribué à construire et la préserver. Les visiteurs d’aujourd’hui pourraient s’étonner du nombre d’obus non explosés qui se trouvent encore sous leurs pieds ou à l’idée de marcher au-dessus des restes de 10 000 hommes qui ont perdu la vie en s’abritant parmi les arbres.
Pour le tunnel de Winterberg, la question du devenir des restes des soldats reste posée. Les corps doivent-ils être remontés et enterrés dans un cimetière militaire allemand ? Faut-il procéder à une fouille archéologique complète ? Faut-il créer un musée, quelque chose pour commémorer les vies perdues ?
Des efforts sont en cours pour retrouver les restes afin d’identifier les soldats. Ce régiment (le 11ème) recrutait des hommes dans la région de Baden, dans les Alpes souabes – neuf hommes ont été identifiés à ce jour.
Pour Pierre Malinowski, il est du devoir de chacun de rendre hommage à ces hommes – il n’a pas permis qu’ils soient photographiés et rien n’a quitté le site. Selon lui, « il s’agissait de fermiers, de coiffeurs, d’employés de banque qui sont venus volontairement pour combattre cette guerre, et qui sont ensuite morts d’une manière que nous ne pouvons pas commencer à comprendre ».
Article traduit de Forbes US – Auteure : Alex Ledsom
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