Les thérapies innovantes, notamment celles basées sur les vecteurs viraux, ont le potentiel de révolutionner la prise en charge et le traitement de nombreuses maladies génétiques et neurodégénératives, jusque-là incurables. Ces avancées scientifiques et technologiques permettent d’intervenir directement au niveau cellulaire de l’organe cible pour corriger des anomalies génétiques à long terme. Cependant, malgré les progrès réalisés et les premières autorisations de mise sur le marché de ces médicaments de thérapie innovante, plusieurs défis subsistent, notamment en matière de contrôle qualité, de coût et d’accessibilité.
Une contribution de Véronique Blouin, PhD, responsable du développement analytique et production de vecteurs viraux au ViVeM center, intervenante lors de la prochaine édition du salon Forum LABO (25-27 mars, Paris Porte de Versailles)
Limiter les risques et les coûts par une caractérisation plus précise des vecteurs viraux
Dans le développement des thérapies géniques, les vecteurs viraux tels que les AAV (adeno-associated virus) jouent un rôle central en servant de véhicule pour transporter le gène d’intérêt jusqu’à la cellule cible. Capables de traiter des maladies génétiques (hémophilie, dystrophie musculaire…) et neurodégénératives (maladies de surcharge lysosomales de Parkinson, de Huntington…), ces thérapies innovantes pourraient – si l’on se base sur la prévalence des maladies ciblées – être bénéfiques à plusieurs millions de patients à travers le monde, améliorant considérablement leur qualité de vie et, voire augmentant leur espérance de vie.
Mais pour garantir l’efficacité et l’innocuité de ces vecteurs viraux révolutionnaires, il est primordial d’améliorer les méthodes de caractérisation et les contrôles qualité à chaque étape de leur production et purification. Aujourd’hui, nous savons produire des vecteurs viraux à grande échelle et développer des procédés selon les bonnes pratiques de fabrication (BPF) qui soient transférables vers des plateformes de production pharmaceutique.
Toutefois, les questions de stabilité des produits, d’optimisation des procédés et de réduction des effets secondaires chez le patient doivent être mieux adressées. Pour exemple, un enjeu crucial réside dans la vérification de l’intégrité de la séquence d’ADN thérapeutique encapsidée dans ces vecteurs par la mise en place d’un séquençage. Le but étant d’améliorer l’efficacité du traitement et de diminuer les risques pour les patients.
Plus encore et malgré leur promesse, les thérapies géniques actuelles restent extrêmement coûteuses : le prix du traitement par patient peut atteindre plusieurs millions d’euros, ce qui constitue un frein majeur à leur démocratisation. Pour preuve : certains traitements n’ont pas reçu d’autorisation de mise sur le marché en France du fait de leur manque de bénéfice au regard du coût qui est prohibitif pour la Sécurité sociale. Il est donc essentiel de réduire les coûts, pour permettre l’intégration de ces thérapies dans les systèmes de santé publics et ainsi améliorer leur accès aux patients.
Pour répondre à cette problématique, l’amélioration de la qualité des vecteurs viraux est là encore essentielle. Une meilleure caractérisation analytique permettrait de diminuer les doses nécessaires à l’efficacité des traitements et ainsi de réduire les coûts de production. L’intégration de méthodes analytiques prédictives tout au long du processus de fabrication permettrait également une amélioration des rendements de production et une standardisation accrue des produits.
En outre, la transition des projets de recherche du stade préclinique jusqu’aux essais cliniques est un défi majeur. Nous devons en effet nous assurer que les nouvelles méthodes analytiques sont validées et conformes aux réglementations, notamment en garantissant la traçabilité et l’intégrité des données, ce y compris pour les techniques de séquençage de pointe, qui génèrent d’immenses quantités d’informations complexes à structurer et à valider.
Accorder les moyens de ses ambitions à la recherche publique
Si la recherche publique a historiquement été un moteur d’innovation dans le domaine des thérapies géniques et des biotechnologies, elle se heurte aujourd’hui à des défis majeurs, RH et financier. L’un des obstacles les plus frappants concerne l’acquisition d’équipements de pointe, indispensables au développement de méthodes analytiques avancées. Actuellement, entre l’identification d’une technologie innovante et son déploiement effectif dans un laboratoire académique, il peut s’écouler jusqu’à deux ans, alors que ces mêmes équipements sont adoptés en quelques mois dans le secteur privé.
Une inertie qui constitue un véritable frein à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des traitements car c’est précisément cette expertise publique qui permet d’approfondir les connaissances sur l’intégrité des séquences d’ADN thérapeutique encapsidées et d’optimiser les procédés de production. En effet, les entreprises privées, soumises à des impératifs financiers et des délais de mise sur le marché restreints, ne disposent pas toujours de la latitude nécessaire pour mener des investigations de long terme.
L’enjeu est donc double : il s’agit non seulement de permettre aux laboratoires publics de disposer des outils technologiques les plus récents, mais aussi de leur donner la capacité d’expérimenter sans la pression immédiate de la rentabilité. Face à une concurrence internationale accrue, où les biotechs et les Big Pharma investissent massivement dans ces technologies, la recherche publique doit ainsi disposer des moyens adéquats pour rester un acteur central du progrès scientifique et médical. Outre les dispositifs actuels type labellisation « intégrateur » (dans le cadre du plan de relance France 2030), une stratégie nationale plus ambitieuse couplée à un allègement des procédures d’accès aux équipements et à des investissements ciblés sur les infrastructures, est indispensable pour que la France conserve son rôle de leader dans les thérapies innovantes.
Au-delà de financements plus importants, il est également indispensable d’encourager une meilleure collaboration entre les laboratoires académiques, les entreprises biopharmaceutiques et les instances réglementaires. En effet, l’avenir des thérapies innovantes repose sur une approche globale et coordonnée : en améliorant les procédés analytiques, en facilitant l’accès aux équipements de pointe et en adaptant les cadres réglementaires aux réalités de la recherche, nous pourrons offrir à un plus grand nombre de patients l’accès à des traitements révolutionnaires, tout en garantissant leur sécurité et leur viabilité économique.
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