EMMANUEL MACRON | Les résultats des élections européennes sont tombés. Le centre a « tenu bon », les écologistes ont perdu plusieurs sièges au profit de l’extrême droite qui a gagné quelques sièges. En Italie, Giorgia Meloni confirme son ascension. En France, Emmanuel Macron a subi un véritable revers, mais la décision du président français de dissoudre l’Assemblée nationale vient mettre encore plus en péril l’équilibre du pays. En Allemagne, Olaf Scholtz a également subi un revers, mais le chancelier allemand n’a pas suivi l’exemple risqué d’Emmanuel Macron.
Article de Mike O’Sullivan pour Forbes US – traduit par Flora Lucas
À l’échelle du Parlement européen, le « centre » semble se maintenir (le PPE s’en sort bien) et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sera très probablement réélue. Ces résultats favorables sont également le fruit de la bonne campagne de Donald Tusk en Pologne et du parti de Friedrich Merz en Allemagne.
Emmanuel Macron convoque les élections législatives en France
Cependant, en France, les résultats des élections européennes ont provoqué un énorme chamboulement. Le Rassemblement national (RN) est arrivé en tête avec plus de 30 % des voix (un résultat conforme aux sondages) lors des meilleures élections de son histoire. Face à ces résultats, Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée nationale et convoqué des élections législatives pour les 30 juin et 7 juillets prochains.
Bien que cette décision ait été prétendument préparée il y a quelques mois, il s’agit là d’une erreur stratégique, qui fait écho à la décision prise récemment par Rishi Sunak au Royaume-Uni, par exemple. Le vote pour le RN est bien ancré, Emmanuel Macron est personnellement impopulaire auprès d’une grande partie de l’opinion publique et il existe un véritable risque que la tentative du président français de construire une coalition contre l’extrême droite (comme en Roumanie et au Portugal) échoue dans la mesure où un vote important pour le RN persiste et qu’une grande coalition (PS, LR et En Marche) est très difficile à rassembler. Une telle coalition devrait probablement adopter une position plus dure sur l’immigration, par exemple, ce qui sera très difficile à mettre en œuvre. Elle ne disposera pas non plus d’une marge de manœuvre budgétaire (la dette française a récemment été revue à la baisse). C’est aussi la fin de l’expérience « Attal ».
Plusieurs experts s’attendaient à ce qu’Emmanuel Macron réagisse à une telle « défaite » en faisant pencher son gouvernement plus à droite, comme c’est généralement le cas en Europe. Au lieu de cela, il a décidé de parier sur des élections, en espérant que, comme par le passé, chaque fois que la France a été contrainte de choisir entre l’extrême droite et le centre, elle a opté pour le centre. Cette fois-ci pourrait être différente.
Emmanuel Macron peut compter sur le fait que le RN n’est pas prêt à se battre pour une élection (il en va de même pour les autres partis) et que les législatives aboutiront sur un patchwork de partis sur lequel il pourra gouverner. Il s’agit là d’un énorme pari. Dans les jours à venir, il y aura plusieurs pactes électoraux entre certains partis afin de maximiser les sièges détenus par les partis qui formeront la nouvelle coalition potentielle.
Si la tournure des évènements ne va pas dans le sens d’Emmanuel Macron, l’incertitude politique et économique en France augmentera, et le dirigeant français, le moteur efficace de l’élan politique en Europe, deviendra un président boiteux. La perspective d’un gouvernement RN (dirigé par Jordan Bardella ?) est extrêmement difficile pour Emmanuel Macron, et il est surprenant qu’il ait ouvert la porte à cette éventualité, surtout avant les Jeux olympiques. Il existe un risque réel que ce résultat et la perspective d’un gouvernement RN stimulent le risque dans l’euro-système.
Dans L’Accord du Peuple (éditions Calmann-Levy), Pierre-Charles Pradier et Mark O’Sullivan (auteur de cet article, NDLR) remarquent que l’élite française doit impliquer davantage le « peuple » dans la politique, et Emmanuel Macron a mis la France au défi. C’est une démarche très risquée et il y aura une énorme mobilisation politique à venir, avec de nombreuses complexités logistiques (vacances scolaires, sélection des candidats).
Un pari risqué, alors que l’équilibre des forces politiques au Parlement européen est quasiment inchangé
Ailleurs en Europe, les résultats sont généralement conformes aux attentes et confortent l’idée que le « centre tiendra ». Le PPE reste le plus grand parti et le « centre » (S&D, PPE et RE) aura près de 400 sièges, ce qui, si l’on tient compte de certains partis et députés qui ne voteront pas pour Ursula von der Leyen, donne l’impression que le passage du prochain exécutif de la Commission européenne ne sera pas perturbé.
Plus précisément, en Pologne, les partis pro-UE ont fait mieux que prévu, au Portugal, le parti Chega n’a pas atteint le niveau de voix qu’il avait obtenu lors des récentes élections, et en Irlande, le parti Sinn Fein a fait beaucoup moins bien que prévu. La coalition d’Olaf Scholz est encore plus fragilisée, ce qui n’est peut-être pas une mauvaise chose si cela accélère l’avènement d’une élection. L’AfD a progressé, mais beaucoup moins que ne le laissaient présager les récents sondages.
Pour résumer, la politique européenne évolue vers la droite et le Parlement européen sera plus actif sur les questions de droite. L’initiative « stratégique » en Europe ne sera guère perturbée (si ce n’est que son principal intellectuel, Emmnauel Macron, est affaibli) en ce qui concerne la politique sur l’Ukraine, l’IA/les services numériques et l’infrastructure. L’accent sera certainement moins mis sur la réglementation verte, mais peut-être pas sur l’investissement vert. Le nouveau domaine de débat sera la défense, avec la perspective que l’Europe ait un commissaire à la Défense et un nouveau commissaire aux Affaires étrangères plus énergique.
Sur le plan économique, l’UE est aux portes d’un cycle de baisse des taux dans la zone euro et l’activité économique reprend tout juste après des niveaux plus faibles. La décision d’Emmanuel Macron ajoute un certain risque aux actifs en euros et signifie qu’il y a une grande incertitude sur la politique économique française.
Le feuilleton va se poursuivre.
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