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TikTok riposte : tout ce que vous devez savoir sur les poursuites engagées par le réseau social contre le gouvernement américain

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Logo TikTok. | Source : Getty Images

TikTok mène une guerre juridique contre le gouvernement américain à propos d’une nouvelle loi qui pourrait interdire l’application dans tout le pays d’ici janvier 2025. Voici tout ce que vous devez savoir !

Article d’Alexandra S. Levine pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

TikTok a officiellement lancé ce qui sera certainement une longue bataille juridique contre une loi ratifiée par le président américain Joe Biden en avril dernier. Cette loi pourrait rendre possible l’interdiction de l’application extrêmement populaire aux États-Unis, à moins que sa société mère ByteDance, basée en Chine, n’accepte de la vendre à un propriétaire américain.

Mardi 7 mai, TikTok a intenté une action en justice visant à contrecarrer le Protecting Americans From Foreign Adversary Controlled Applications Act (loi sur la protection des Américains contre les applications contrôlées par des groupes étrangers, NDLR). Selon cette loi, ByteDance a 270 jours pour céder son joyau sous peine de voir TikTok disparaître aux États-Unis. Dans sa plainte, TikTok qualifie la loi d’interdiction ciblée et inconstitutionnelle, malgré les assurances de Joe Biden et de la Maison-Blanche selon lesquelles l’objectif n’est pas d’interdire TikTok, mais de maintenir l’application en activité sous un nouveau propriétaire. TikTok a décrit la loi comme une violation de ses propres droits au titre du premier amendement, ainsi que des droits à la liberté d’expression de 170 millions d’Américains.

« Il y a de bonnes raisons pour lesquelles le Congrès n’a jamais adopté une telle loi », écrivent les avocats des cabinets Mayer Brown et Covington & Burling dans une plainte de 67 pages. « Le Congrès n’a jamais élaboré un régime d’expression à deux niveaux, avec un ensemble de règles pour une plateforme donnée, et un autre ensemble de règles pour toutes les autres. »

« Le Congrès doit respecter les préceptes de la Constitution, même lorsqu’il prétend se protéger contre les risques pour la sécurité nationale », précise la plainte. « Le Congrès n’a pas respecté cette obligation dans le cas présent, et la loi doit être interdite. »

La nouvelle loi est l’aboutissement d’années de craintes croissantes en matière de sécurité aux États-Unis : les autorités américaines craignent que l’application TikTok (alimentée par un algorithme opaque et extrêmement lucratif mis au point par les ingénieurs de ByteDance en Chine) surveille les Américains ou manipule le discours public. Ces craintes ont été renforcées par une série de rapports de Forbes révélant que ByteDance a utilisé TikTok pour espionner des journalistes, supprimer la discussion sur certains sujets « sensibles » sur certaines de ses plateformes et maltraiter les données des créateurs de TikTok, des annonceurs de TikTok et des célébrités, des politiciens et d’autres personnalités publiques utilisant l’application. Les médias d’État chinois ont également utilisé TikTok pour diffuser des vidéos controversées sur des personnalités politiques américaines. La plainte rejette l’ensemble de ces risques bien documentés en matière de sécurité des données et de contenu en les qualifiant de « spéculatifs et analytiquement erronés ». Selon la plainte, « le risque spéculatif de préjudice n’est tout simplement pas suffisant lorsque les valeurs du premier amendement sont en jeu ».

Les mêmes avocats qui ont empêché l’interdiction de l’application par l’ancien président américain Donald Trump en 2020 et, plus tard, sa fermeture dans le Montana, sont déjà en train de rassembler des créateurs pour qu’ils se joignent à des actions en justice afin de repousser l’interdiction de l’application.

La nouvelle pétition de TikTok ne fait qu’augmenter les enjeux de ce combat. Voici cinq éléments clés à connaître à ce sujet.

 

L’utilisation de TikTok par Joe Biden compromet les prétendues préoccupations en matière de sécurité nationale, selon TikTok

La campagne de Joe Biden a rejoint TikTok peu avant qu’il ne ratifie la loi qui pourrait l’interdire, une décision qui a laissé certains critiques et créateurs perplexes. TikTok a utilisé cet argument, ainsi que le fait que plusieurs membres du Congrès qui ont soutenu la loi sont également actifs sur TikTok, comme munitions pour montrer que les risques supposés de l’application en matière de sécurité nationale sont sans objet. « L’utilisation continue de TikTok par le président Joe Biden et les membres du Congrès sape l’affirmation selon laquelle la plateforme représente une menace réelle pour les Américains », a déclaré TikTok dans sa plainte. Contrairement à sa position antérieure sur l’application, Donald Trump envisage lui aussi de rejoindre TikTok pour atteindre des électeurs potentiels.

 

Le désinvestissement est un non-sens, selon TikTok

« La “cession qualifiée” exigée par la loi pour permettre à TikTok de continuer à opérer aux États-Unis n’est tout simplement pas possible : ni commercialement, ni technologiquement, ni légalement », a déclaré TikTok dans sa plainte. C’est « illusoire au point de ne pas être une alternative du tout. »

Certains experts, ainsi que des personnes ayant travaillé chez TikTok ou en étroite collaboration avec la plateforme, partagent ce point de vue et affirment qu’il sera pratiquement impossible de séparer TikTok de ByteDance. Les rapports de Forbes ont également montré à maintes reprises à quel point les deux entreprises sont imbriquées, ce que TikTok a souligné à plusieurs reprises dans sa plainte. « Il n’y a aucun moyen de retirer la partie américaine de TikTok et de la vendre à quelqu’un », a déclaré Glenn Gerstell, ancien conseiller général de la National Security Agency (NSA), à Forbes le mois dernier. Le gouvernement chinois a également déclaré qu’il ne céderait pas l’ingrédient secret de TikTok : le moteur de recommandation. « Personne n’achètera un TikTok aux États-Unis sans l’algorithme », a déclaré Glenn Gerstell. « C’est précisément ce qui fait la valeur de TikTok qui n’est pas à vendre. »

 

Les entreprises américaines de réseaux sociaux présentent les mêmes risques, selon TikTok

TikTok affirme que ses rivaux, y compris les sociétés mères de YouTube et d’Instagram, présentent les mêmes problèmes que le gouvernement américain prétend avoir trouvés avec la plateforme chinoise. La loi « ignore les nombreuses façons dont d’autres entreprises, tant étrangères que nationales, peuvent présenter les mêmes risques pour la sécurité des données et la promotion de la désinformation », indique la plainte. Elle « ne tient pas compte du fait qu’une grande partie des données collectées par TikTok ne sont pas différentes des données régulièrement collectées par d’autres applications et sources dans le monde en ligne d’aujourd’hui, y compris par des entreprises américaines telles que Google, Snap et Meta. Il n’y a aucune raison pour que les préoccupations relatives à la vie privée et au contenu favorisent une interdiction des plateformes [ByteDance] sans interdictions similaires sur d’autres plateformes ».

 

La loi vise toutes les applications de ByteDance, et pas seulement TikTok, et tous les contenus, et pas seulement les mauvais, affirme TikTok

ByteDance possède un grand nombre d’applications, dont CapCut et Lemon8, largement utilisées par les Américains, qui seraient les victimes collatérales d’une interdiction visant TikTok, bien qu’elles fassent l’objet d’un examen relativement limité. La loi est « trop inclusive parce qu’elle s’applique à d’autres applications appartenant à ByteDance Ltd. dont le Congrès n’a pas démontré, et ne pourrait pas prouver, qu’elles posent les risques que la loi cherche apparemment à traiter », a déclaré la plateforme dans sa plainte.

De même, la plupart des contenus qui seraient perdus en cas de fermeture de TikTok ne posent en fait aucun problème. « Le gouvernement n’a jamais prétendu que l’ensemble, ou même la plupart, du contenu de TikTok (ou de toute autre application appartenant à ByteDance) représentait de la désinformation, de la mésinformation ou de la propagande », peut-on lire dans la plainte. « Pourtant, la loi interdit tout discours sur les applications appartenant à ByteDance, à tout moment, en tout lieu et de toute manière. Il s’agit là d’une portée excessive. »

 

Selon TikTok, il existe de meilleurs moyens d’y parvenir

TikTok a fait valoir qu’il existe des « moyens moins restrictifs et plus adaptés » pour atteindre le même objectif d’éliminer les problèmes de sécurité nationale entourant l’application, l’un d’entre eux était de conclure un accord avec le Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis. Les gouvernements Trump et Biden, par l’intermédiaire du Comité, avaient négocié un tel accord avec TikTok depuis 2019, mais ont mis fin à ces discussions en août 2022 alors qu’ils approchaient de la ligne d’arrivée, selon la plainte. La proposition de travail aurait donné au gouvernement américain la possibilité de fermer TikTok si l’application ne se conformait pas au contrat, ce que la société a décrit comme une approche moins sévère et tout aussi productive du même problème. « Si une alternative moins restrictive sert l’objectif du gouvernement, le législateur doit utiliser cette alternative », indique la plainte. « Les termes de ce paquet négocié sont bien moins restrictifs qu’une interdiction pure et simple. »

En outre, le Congrès aurait pu adopter une loi nationale sur la protection de la vie privée ou une législation similaire au règlement sur les services numériques de l’Union européenne, indique le réseau social dans sa plainte. Les législateurs auraient pu « mettre en place un certain nombre de réglementations sectorielles visant à résoudre les problèmes de sécurité des données et d’intégrité du contenu » ou « promulguer une loi sur la protection des données régissant les transferts de données sensibles des Américains vers des pays étrangers ». Cependant, « le Congrès n’a retenu aucune de ces solutions ».

 


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