Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des foyers français suscite l’incompréhension et la colère des élus locaux alors que cet impôt constitue la principale source de revenus des collectivités locales. Le chef de l’Etat aura l’occasion de s’en expliquer, ce lundi après-midi, devant le Sénat lors de la première édition de la Conférence des territoires.
22 milliards d’euros. C’est la somme – conséquente- qui tombe en moyenne chaque année dans les caisses des collectivités locales, une fois la taxe d’habitation acquittée par les foyers français. Pourtant l’argument principal des opposants à cette réforme est davantage « symbolique » que financier comme en témoigne Gérard Larcher, président (LR) du Sénat, vent debout contre cette mesure emblématique du programme présidentielle. « On fragilise le maire qui est l’élu de proximité, le seul ayant encore la confiance des Français. La commune, c’est ce qui tient encore le pays aujourd’hui. Ce n’est donc pas une affaire financière », développe l’ancien maire de Rambouillet. La tonalité est peu ou prou similaire chez le président de l’Association des Maires de France (AMF), François Baroin, également vertement opposé à cette suppression de la taxe d’habitation, la considérant comme le lien direct entre la commune et ses habitants.
« Le président prend un risque constitutionnel en voulant supprimer cet impôt qui remet clairement en cause la liberté d’administration des communes et des intercommunalités qui ne dépendraient quasiment plus que du système de dotation de l’Etat », souligne l’ancien ministre de l’Economie. Troisième de cordée, Jean-Luc Moudenc, actuel maire (LR) de Toulouse, et président de l’Association des Maires de grandes villes, pointe, de son côté, le « trou dans la caisse » que constituerait la mise à mort de cet impôt qui pourrait, selon lui, se retourner à terme contre les populations exemptées de la taxe. « Si les Français sont exonérés de cette somme-là, il faut que l’Etat nous donne ce produit, sinon ça va se retourner contre les bénéficiaires de l’exonération », a souligné l’élu, donnant l’occasion au porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, de déminer le terrain, ce matin au micro de franceinfo.
« Impôt injuste et archaïque »
« Un tiers de la taxe habitation est déjà compensé à 100% depuis de très longues années par l’Etat en faveur des communes, et on l’a juste oublié », s’est évertué à rappeler le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement. Et d’ajouter. « Nous compenserons à l’euro près en prenant en compte l’élargissement des bases », fustigeant au passage un impôt « injuste et archaïque » qu’il convenait de réformer. Suffisant pour déminer la crise qui couve entre élus locaux et l’exécutif ? Si lors de son discours de politique générale, le premier ministre Edouard Philippe, s’était donné la fin du quinquennat comme horizon, soit 2022, la suppression de la taxe d’habitation devrait bel et bien entrer en vigueur ou du moins « s’enclencher » dès 2018. Ainsi, elle devrait baisser à cet échéance de 30% pour 4 ménages sur 5 ; diminuer d’un tiers supplémentaire en 2019 avant de disparaître totalement en 2020.
Qui seront les premiers bénéficiaires de la réforme chère à Emmanuel Macron ? Les premiers concernés seront les propriétaires avec de faibles revenus, l’objectif étant de faire baisser la taxe d’habitation des retraités qui dépassent légèrement les 1 200 euros de pension par mois et subiront l’an prochain l’augmentation de la CSG. « La suppression sera articulée avec les collectivités territoriales et financée par les économies que nous engageons », soulignait le président de la République, dans les colonnes de Ouest-France. Le premier ministre a d’ailleurs confirmé la tenue d’un dialogue avec les collectivités sur ce sujet ô combien explosif. « Nous engagerons avec les collectivités territoriales des discussions indispensables, car si chacun doit bien sûr contribuer à l’effort de redressement de nos comptes publics, cela doit se faire dans le dialogue et le respect, et avec la prévisibilité nécessaire à toute bonne gestion ».
« Aller vite »
Outre cette réforme emblématique, le gouvernement ne veut surtout pas perdre de temps et a pour ambition de mener toutes les réformes fiscales sur les deux premières années du quinquennat… tout en réduisant le déficit public. Un exercice d’équilibriste résolument périlleux mais pas impossible comme le rappelait récemment Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, avant d’être recadré par Emmanuel Macron, accusant son ministre de se mettre « trop en avant » sur cette question. « Je suis convaincu qu’on peut à la fois (…) baisser les dépenses publiques et baisser les impôts pour les Français et pour les entreprises françaises (…) Je plaide auprès du Premier ministre, auprès du président de la République pour qu’on suive cette ligne-là ». Un dernier point qui a donc déclenché le courroux du chef de l’Etat qui n’a pas hésité, selon BFMTV, à remettre à sa place le locataire de Bercy. Toujours est-il qu’Emmanuel Macron va devoir se montrer particulièrement pédagogue et déployer des trésors de diplomatie – aux antipodes de sa dernière sortie devant les Armées- pour apaiser les craintes des élus ce lundi après-midi.
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