L’acte 2 du confinement a ouvert une guerre surréaliste entre les activités dites essentielles ou autorisées et celles frappées par la fermeture administrative. Une opposition entre ceux qui peuvent travailler et les autres où le Gouvernement et les représentants professionnels se perdent dans de dangereuses conjectures. Analyse par Grégoire Leclercq, président de la Fédération Nationale des Auto-Entrepreneurs (FNAE).
Le confinement automnal a ouvert un débat exacerbé sur la notion de concurrence. Libraires ou fleuristes contre grandes surfaces, commerce de proximité non essentiels contre hypermarchés, coiffeurs de salon contre coiffeurs à domicile, salon de beauté contre esthéticiennes free-lance…Soutenus par de nombreux maires et élus locaux, ces commerçants et artisans indépendants s’appuient sur le concept de “distorsion de concurrence” et comptent bien lutter contre. Le fléchissement du Gouvernement renforce la controverse où l’équité et la responsabilité se confondent dangereusement. Sacrifiant aux lobbys ce qu’il reste d’activités au nom d’un égalitarisme forcené, la valeur travail est définitivement déchue de son sens premier.
Dans une économie intégrée, où la concurrence doit être libre et non faussée, la voici désormais en France, déloyale, à géométrie variable et avec une appréciation contestable, évoluant au gré des intérêts particuliers. Lorsqu’un salon dit qu’il est victime d’un coiffeur à domicile qui continue à travailler, c’est faux ! Il est victime de la crise sanitaire et économique, pas de son concurrent (et confrère), qui coupait déjà des cheveux à domicile avant la crise, et qui selon toute vraisemblance, en coupera encore après la crise. Et comme souvent en pareil cas, les études démontrent assez vite qu’il ne s’agit pas de la même clientèle, et que le déport des uns vers les autres est assez théorique en matière de service au particulier. Sans parler du e-commerce qui sortira grand gagnant de cette lutte fratricide…
Une équité rocambolesque
Ensuite, cette polémique nationale passe sous silence les aides colossales mises en place par le gouvernement. Un salon fermé administrativement touche par exemple jusqu’à 10.000 euros par mois d’aide du fonds de solidarité, 100% d’exonération de charges, un chômage partiel à 84% du net pour tous ses salariés et un coup de pouce sur le loyer via un crédit d’impôts bailleur. Mais ce n’est pas assez ! Il faut aussi que son concurrent à domicile arrête de travailler pour satisfaire l’équité devrait-on dire ? Il est urgent de revenir à la raison. Mais qui pour le faire ? Les syndicats des commerces fermés devraient en premier lieu changer de logiciel. Le combat à mener est d’avoir le droit d’ouvrir, pas de souhaiter aux autres de fermer ! Trouver des solutions concrètes, renforcer les protocoles sanitaires, migrer vers du travail à domicile, innover…Voilà les arguments responsables à tenir pour peu qu’ils incitent aussi leurs populations à se digitaliser, à s’équiper en matériel numérique, à proposer le “click and collect”, la livraison à domicile, etc.
Gouverner, c’est tenir !
Le gouvernement ensuite, doit cesser tout aménagement des règles, et tenir la barre, calme et droit. Mais maintenant que la brèche est ouverte avec la fermeture des rayons livres et l’interdiction des coiffeurs à domicile, il va falloir éviter l’élargissement. Car enfin, si on interdit les coiffeurs, quid du soutien scolaire à domicile ? Et de l’assistance administrative à domicile ? Des masseurs et masseuses à domicile ? Et qu’en sera-t-il des activités esthétiques ou paramédicales au domicile du professionnel ? Ce d’autant qu’une autre question majeure se pose, d’équité là aussi : sans local considéré comme “établissement recevant du public” (E.R.P), l’indépendant est-il en fermeture administrative ou juste en interdiction d’exercer ? Car pour le coup, les aides de l’Etat sont beaucoup plus faibles dans le second cas ! C’est d’ailleurs le scandale final de cette bataille : au prétexte d’une distorsion de concurrence, les salons de coiffure et de beauté font interdire l’activité aux indépendants à domicile, mais en les privant des aides qu’eux-mêmes touchent !
Pour finir, faut-il désormais s’attendre à la lutte des coiffeurs à domicile contre les masseurs ? Ou contre les personnes soignants au domicile, ce qui serait un comble ? Comment l’économie pourrait-elle repartir dans un confinement aux dérogations confuses, où les règles sont floues et les lobbies internes plus forts que le bon sens, où les Préfets peuvent région par région fermer ou permettre certaines activités, où la protection sanitaire est évincée par des intérêts claniques ? Tout ceci n’a donc aucun sens et finira mal.
En prenant ces décisions aussi inexplicables que protéiformes, le gouvernement prend le risque de devoir prolonger le confinement, car les luttes partisanes et corporatistes l’auront emporté sur la lutte sanitaire.
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