Etes-vous surpris par l’ampleur du score de François Fillon au premier tour de la primaire de la droite et du centre ? Est-ce son expérience et ses propositions, qu’il défend depuis longtemps, qui ont fini par payer dans les urnes, selon vous ?
Je suis, en effet, surpris par l’ampleur de son score. Mais pour aller au-delà de ce simple constat, je pense que le niveau auquel il était crédité (entre 9 et 12%), durant la première partie de la campagne, était le niveau d’écoute et de réception de la population à son programme. Ce qui a fait que, petit à petit, l’électorat de la droite et du centre se soit rendu compte qu’il était le candidat « idéal » tient également au fait qu’il n’avait pas été « installé », d’entrée de jeu, à la différence d’un Alain Juppé ou d’un Nicolas Sarkozy, comme tel. François Fillon a fait fi de ces considérations et a maintenu le cap, fort d’une personnalité solide et très calme, mais également avec un programme bien travaillé. A force de constance, de rencontres, de discussions avec les gens mais également grâce à des performances intéressantes lors des débats télévisés, François Fillon a su « retourner » l’opinion qui s’est rendue compte de la cohérence de ses propositions et a donc massivement voté en sa faveur. Lorsque j’étais à la tête de CroissancePlus, j’ai rencontré tous les candidats à la primaire, discuté de leurs programmes respectifs et j’ai également vu les personnalités de chacun. Pour moi, cela ne souffrait d’aucune contestation : celui qui avait vraiment une vison de l’économie tel que je la concevais, que ce soit au niveau du diagnostic ou des solutions pour redresser la France, était François Fillon. C’est, à mes yeux, celui qui « va faire le job ».
Vous avez, à ce sujet, déclaré récemment que les deux personnalités capables de faire les réformes nécessaires pour sortir la France de l’ornière, étaient Emmanuel Macron et François Fillon. En quoi ce dernier se démarque-t-il de son potentiel rival dans la course à l’Elysée ?
A la différence d’Emmanuel Macron, s’il accède au plus hautes fonctions François Fillon disposera de la majorité cohérente au Parlement pour mener à bien son programme qui sera, évidemment, un programme de combat. Même si je pense qu’Emmanuel Macron a l’intelligence ainsi qu’une analyse très fine de la situation, il n’a pas l’infrastructure ni la majorité pour matérialiser ses idées et mener la politique nécessaire au redressement du pays.
Vous avez longtemps déploré des « politiques successives erronées » comme les 35 heures, le coût du travail ou encore la rigidité administrative. Pensez-vous que, tant que ces freins n’auront pas été levés, les entreprises françaises resteront à la remorque de leurs concurrentes européennes, et que François Fillon ait le courage politique de s’atteler à cette tâche ?
Prenons l’exemple de l’Allemagne. Avant l’Agenda 2010 (ensemble de réformes menées entre 2003 et 2005 par le gouvernement de Gerhard Schröder), les entreprises allemandes se sont retrouvées à la peine et il a fallu un changement de politique économique pour qu’elles soient au niveau où elles sont aujourd’hui. Elles ont ainsi pu se saisir de l’ouverture des marchés et de l’internationalisation du commerce. Il est donc évident que le pays ne sera prospère que si nos entreprises retrouvent également de leur superbe. Ce sont elles qui créent la richesse alors si elles vivent au ralenti, comme actuellement, elles ne risquent pas de créer de la richesse ni les emplois dont le pays a besoin. Il faut donc une politique aux antipodes de celle menée durant ces trente dernières années, période durant laquelle, il faut bien le dire, on a mis indéfiniment les problèmes du pays sur le dos de l’entreprise. Chaque fois qu’on a eu besoin d’un revenu supplémentaire, on accablait encore davantage l’entreprise via des taxes en tout genre. Résultat : nous avons aujourd’hui un coût du travail et une fiscalité sur le capital extrêmement élevés. Pour répondre à la deuxième partie de votre question, François Fillon a le mérite d’être celui qui a eu le courage d’aller au-devant des électeurs avec de mauvaises nouvelles, mais les réformes, aussi dures soit-elles sont nécessaires pour redonner un élan et un avenir au pays. Cela ne ressemble en rien à ce que nous avons connu jusqu’à présent où les gouvernements successifs promettaient de belles choses avant de se voir rattraper par la réalité. Je doute que François Fillon soit dans la posture du « je mens pendant la campagne » et après je me débrouille. Il a choisi un langage de vérité, même si cette expression a tendance à être un peu galvaudée aujourd’hui. Petite anecdote pour illustrer mon propos, lorsque j’étais jeune j’ai effectué un stage en milieu ouvrier en Angleterre, précisément au moment où Margareth Thatcher, une référence pour François Fillon, venait d’arriver aux affaires. Les ouvriers résumaient alors sa politique par la formule suivante « c’est dur pour les hommes, mais c’est bon pour le pays ».
Vous avez récemment déclaré que François Fillon était le seul qui avait réellement détaillé une vision économique qui « désétatise le pays et nous redonnera l’agilité ». Pensez-vous que nous soyons arrivés au bout du chemin keynésien ?
Le pire n’est jamais sûr. Regardez l’Argentine qui a été tout droit jusqu’à la faillite. Je pense, en effet, que nous sommes arrivés au bout de ce chemin car nous sommes tellement endettés que le système est littéralement explosif, pas seulement pour la France mais pour toute l’Europe du sud. A savoir tous les pays qui ont refusé de mener une politique économique sérieuse, comme la France, l’Espagne, le Portugal ou encore l’Italie. A force de plans de relance sans visibilité, pour soi-disant stimuler la consommation, le système économique est au bout du rouleau. La politique consistant à s’appuyer sur des entreprises, devenus de grands champions nationaux, comme ce fut le cas après-guerre, ne fonctionne plus du tout car ces entreprises sont désormais sous la coupe de fonds de pension internationaux qui ne sont pas spécialement excités par le marché français. Même les sièges sociaux commencent à partir au quatre coins de la planète. Pour remédier à cela, nous devons avoir un tissu de PME dense, solide et profitable. Il y a, dans le programme de François Fillon, tout pour faire cela. Il y va fort, certes, mais je pense que cela est nécessaire pour mettre un terme à cette politique keynésienne qui nous tire vers le bas.
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