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Silicon Valley : l’administration Trump pourrait-elle redéfinir le paysage de la défense ?

Donald Trump
Le président élu des États-Unis, Donald Trump, assiste au gala de l'America First Policy Institute qui se tient à Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride, le 14 novembre 2024. (Photo par Saul Martinez pour le Washington Post via Getty Images)

Avec la perspective de voir Elon Musk jouer un rôle dans une future administration Trump, les acteurs de la défense technologique de la Silicon Valley espèrent que le budget colossal de 800 milliards de dollars du département de la Défense des États-Unis sera davantage orienté vers les start-ups innovantes.

 

L’arrivée imminente d’une seconde administration Trump suscite un regain d’intérêt pour les ambitions de la Silicon Valley en matière de production d’armement et de sécurisation de contrats majeurs pour soutenir ces projets. « Trump est un candidat du changement. Il cherche vraiment à rééquilibrer le budget, à réduire les dépenses et à obtenir plus avec moins », a déclaré Palmer Luckey, cofondateur d’Anduril, lors d’une interview sur CNBC mercredi. Luckey, qui a organisé une levée de fonds en faveur de Trump et soutenu financièrement des candidats républicains, a ajouté : « Trump ne cherchera pas à politiser le système d’acquisition de la défense. »

Le secteur technologique de la défense est devenu un domaine d’investissement clé ces dernières années, porté par les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, les tensions grandissantes avec la Chine et les inquiétudes concernant un éventuel retard des États-Unis face à la Chine et à la Russie dans le développement de technologies militaires avancées. Des entreprises comme SpaceX, Palantir et Anduril dominent ce marché, tandis que les fonds créés par des géants du capital-risque tels qu’Andreessen Horowitz, General Catalyst et 8VC ont favorisé l’émergence d’un nombre croissant de licornes produisant drones, navires autonomes et armements de pointe.

Les actions de Palantir, une entreprise technologique majeure dans le secteur de la défense, ont progressé de 8,61 % mercredi, portant la hausse à 29 % sur les cinq derniers jours. La société a félicité M. Trump sur X, déclarant être « prête à travailler avec lui pour apporter la révolution logicielle à nos institutions les plus importantes ».

 

Elon Musk et Donald Trump : un duo prêt à transformer le secteur de la défense aux États-Unis ?

L’enthousiasme grandit autour de l’influence croissante d’Elon Musk sur les politiques de Donald Trump, avec des spéculations sur un éventuel rôle pour Musk dans une future administration. Mercredi, sur X (anciennement Twitter), Musk a exprimé son soutien à Palmer Luckey, fondateur d’Anduril, en soulignant l’importance pour le département de la Défense des États-Unis et les agences de renseignement de collaborer avec des entreprises innovantes comme Anduril. « Payez pour les résultats, pas pour les documents d’exigences ! » a-t-il déclaré, appelant à une approche axée sur l’efficacité plutôt que sur la bureaucratie. « Les liens étroits entre le vice-président américain élu Vance, Elon Musk et l’écosystème des sociétés de capital-risque et des start-ups dans le domaine de la défense pourraient ouvrir la voie à une réforme significative du processus d’acquisition de matériel de défense et à une diversification des acteurs impliqués », a déclaré Nathan Mintz, PDG de CX2, une entreprise spécialisée dans la guerre électronique, et ancien cofondateur de la licorne Epirus, active dans le secteur de la défense. De son côté, JC Btaiche, fondateur de la société de fusion nucléaire Fuse, a ajouté : « Voir Elon Musk s’engager et soutenir l’administration Trump me donne l’espoir de progrès concrets et d’impacts positifs pour l’écosystème des technologies de défense. »

Outre Elon Musk, d’autres figures de la Silicon Valley ayant des intérêts majeurs dans le secteur de la défense se sont rapprochées de Donald Trump et ont réussi à capter son attention. Marc Andreessen, fondateur de la société de capital-risque Andreessen Horowitz, qui investit dans des start-ups de défense via son fonds American Dynamism, s’est révélé un ardent défenseur de Trump, mettant en avant sa politique favorable à l’innovation. Il a rencontré le président élu et était attendu à une soirée organisée à Mar-a-Lago pour célébrer l’élection.

D’autres personnalités influentes étaient également présentes, comme Jacob Helberg, conseiller chez Palantir, qui a passé une grande partie de l’année à conseiller la campagne de Trump sur les politiques liées à l’intelligence artificielle, ainsi que les investisseurs Joe Lonsdale, cofondateur de 8VC, et Shaun Maguire, associé chez Sequoia.

L’un des principaux obstacles pour les start-ups spécialisées dans les technologies de la défense réside dans la difficulté à vendre leurs produits au Pentagone. Bien que beaucoup parviennent à décrocher de petits contrats de recherche et développement (R&D), elles peinent souvent à franchir la « vallée de la mort » – cette phase critique où elles doivent obtenir des programmes de grande envergure sur plusieurs années avant que leurs fonds ne soient épuisés. En effet, moins de 1 % des contrats du Pentagone auraient été attribués à des entreprises soutenues par des fonds de capital-risque au cours de l’exercice fiscal se terminant en 2023.

Avec la contribution de Musk, les leaders de la défense de la Silicon Valley anticipent que Trump pourrait redistribuer le budget colossal de 800 milliards de dollars du département de la Défense, dont une grande partie est actuellement captée par des géants comme Lockheed Martin, Northrop Grumman et RTX. « Un consensus bipartisan s’est dégagé sur la nécessité de passer des gros équipements sophistiqués et coûteux produits par les grands maîtres d’œuvre à des armes autonomes, moins chères, développées par des start-ups », a expliqué un investisseur en capital-risque actif dans le domaine de la défense. « L’administration Trump poussera le Pentagone à accélérer cette transition. »

 

Entre innovation et bureaucratie : les défis des start-ups face au Pentagone

Les contrats dits « cost-plus », qui permettent aux entrepreneurs de recevoir des primes financières en fonction de leur performance, sont une source de frustration majeure pour les start-ups technologiques de défense. Bien que ces contrats puissent générer des revenus considérables, ils entraînent souvent des dépassements de coûts significatifs. Un rapport de l’inspecteur général de la défense publié en 2024 a recommandé au Pentagone « d’améliorer ses pratiques contractuelles» après avoir constaté que les fonctionnaires ne justifiaient pas toujours correctement les frais liés à l’attribution des contrats. « Les contrats à prix coûtant majoré se sont révélés être une véritable catastrophe pour le contribuable américain », a déclaré Bryon Hargis, PDG de la start-up de missiles Castelion, qui a levé 14 millions de dollars auprès d’Andreessen Horowitz et d’autres investisseurs, dans une interview accordée à Forbes. Il a ajouté : « C’est un sujet sur lequel Trump a affirmé vouloir se pencher, et nous espérons qu’il tiendra parole. »

Cependant, une future administration Trump pourrait également présenter des inconvénients. L’ancien président a, à plusieurs reprises, évoqué l’idée de mettre fin au soutien militaire à l’Ukraine, ce qui pourrait réduire les opportunités de contrats pour certaines start-ups ayant obtenu des marchés dans ce pays, notamment les entreprises américaines de drones Shield AI et Skydio, selon un investisseur en capital-risque. En revanche, le soutien continu des États-Unis à la guerre d’Israël contre le Hamas pourrait compenser cet effet, en créant de nouvelles opportunités de contrats pour les entreprises technologiques de défense.

À l’étranger, la victoire de Trump engendre une incertitude majeure pour le secteur émergent des technologies de défense en Europe. Certains anticipent les conséquences potentielles d’un retrait des États-Unis de l’OTAN, une menace régulièrement brandie par Trump, ou d’un éventuel accord avec le président russe Vladimir Poutine pour mettre fin à la guerre en Ukraine. « Avec Trump, la seule chose prévisible, c’est son imprévisibilité », a déclaré Karl Rosander, PDG de Nordic Air Defense, une entreprise suédoise spécialisée dans la fabrication de drones miniatures destinés à intercepter les missiles. « Cela doit servir de réveil tardif pour l’Europe : nous ne pouvons plus nous bercer d’illusions en espérant que la nouvelle Amérique viendra sauver l’ancien monde des menaces croissantes à ses frontières. »

Au-delà de ces considérations, une question cruciale demeure : qui Donald Trump choisira-t-il comme secrétaire à la Défense ? Selon des sources proches du secteur, les noms de l’ancien directeur de la CIA Mike Pompeo et du sénateur Tom Cotton sont cités, tous deux connus pour leur position fermement hostile envers la Chine. Bien que Trump ait promis d’imposer des droits de douane sur les produits chinois, y compris les technologies avancées, il n’a pas encore abordé de stratégie claire pour protéger Taïwan, constamment menacé par la Chine.

« Tant Trump que Biden ont adopté une posture ferme vis-à-vis de la Chine », a déclaré un ancien responsable du renseignement, en précisant que cette approche devrait se poursuivre sous une nouvelle administration Trump.

Un article de David Jeans pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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