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Si j’étais candidat, je proposerais… | Patrick Lévy-Waitz : « Nous avons besoin d’un Fonds national de 100 milliards pour une réindustrialisation décarbonée »

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Un faisceau de défis séculaires emboîtés converge vers une révolution sans précédent de la production, de la consommation et des sociétés : défi mondial, avec la décarbonation des économies; européen, avec la reconquête d’une souveraineté économique et technologique; français, avec la réindustrialisation pour réparer la déchirure territoriale et sociale.

 

Je m’intéresserai ici à la réindustrialisation nationale, parce qu’elle est la condition de la réussite d’une stratégie « net zéro » viable pour 2050. L’économie française est une forêt abattue en voie de désertification. Nos usines ont été arrachés une à une de leur territoire, laissant un vide béant, privant de la protection de leur couvert face aux vents de la mondialisation. Replanter des usines, c’est revitaliser des territoires et recréer des marges de manœuvre.

La désindustrialisation, plus qu’un chiffre – 12 points de PIB de valeur ajoutée perdue par l’industrie depuis 1975- est un cancer rongeant les territoires, la société et l’Etat : elle aggrave le chômage, dégrade les salaires et la qualité de l’emploi, appauvrit les savoir-faire, humilie les institutions, creuse la balance commerciale et réduit l’influence de la France.

A l’épuisement de la première révolution industrielle, la IIIe République a mis en œuvre le Plan Freycinet en 1879 ; à l’heure de reconstruire et réconcilier la France en 1945, le général de Gaulle a créé le Commissariat au Plan ; lors de la crise sanitaire, le sursaut européen a pris la forme du Next Generation Fund. A chaque défi, son outil propre.

Pour piloter cette transformation nationale, il faut un « Fonds national pour la réindustrialisation décarbonée », massif, populaire, ciblé et pérenne, car le Plan « France 2030 » avec ses trente milliards sur cinq ans, s’il est une prise de conscience fondamentale, exige d’être musclé, démultiplié et déployé.

Massif, ce fonds de cent milliards d’euros doit être à la mesure de la révolution industrielle 4.0 : une industrialisation disséminée avec les imprimantes 3D et les fablabs ; une industrialisation connectée avec l’Internet des objets (IoT) ; une industrialisation hyperspécialisée dans le choix des territoires et des qualifications.

Populaire, ce fonds doit permettre à chaque Français d’être un investisseur d’avenir, grâce à une large souscription nationale pour un grand emprunt de la réindustrialisation.

Piloté, ce fonds doit se donner des moyens de gouvernance :  de l’innovation, parce que nous avons besoin de progrès à partager et du réveil et de l’appui de notre recherche publique et privée, en prise directe avec le système scolaire, universitaire et de formation professionnelle et d’apprentissage. Le pilotage des territoires parce que ce sont les villes de moins de 20 000 habitants qui accueillent 71% des projets industriels, rappelle le Haut-Commissariat au Plan. Le succès de la greffe tient à la connaissance fine des échelons locaux, au diagnostic des besoins et à l’amélioration des infrastructures-clé, en réarticulant et dynamisant la collaboration des parties prenantes et collectivités.

Le pilotage de la transition, enfin, exigeant un management du temps long, appuyé sur une vision industrielle, un sens de la concertation et la mobilisation de tous, incarné par une personnalité forte, expérimentée dans l’industrie et capable de réunir ETI, banques, administrations dans un projet commun.

Un fonds de plus dira-t-on ? Non, une boîte à outils pour réinventer l’action publique : un levier pour mobiliser ensemble capitaux privés et publics ; un adaptateur articulant divers échelons et mécanismes, tel le Green Deal de l’UE ;  une longue-vue pour aider une vie démocratique impatiente à se projeter à long-terme ; un filet pour retenir en France les jeunes pousses prometteuses ; un entonnoir pour guider la décision à travers les instances et niveaux territoriaux ; un tableau de bord, pour mesurer les progrès réalisés ;  un ouvre-boîte pour décloisonner à l’occasion les administrations ; un chausse-pied – même- facilitant la transformation des institutions et des habitudes.

De la dette, toujours de la dette ! dira-t-on alors ? Non, de l’avenir, plus d’avenir ! Ce souci d’économie n’a aucun sens économique. Il faut, certes, être plus que jamais rigoureux sur les dépenses de fonctionnement, mais d’autant plus audacieux sur les dépenses d’investissement. Lors de la conquête spatiale, chaque dollar investi produisit dix dollars de retombées. Aujourd’hui, chaque euro mégoté, serait une perte irréparable de richesse, de sécurité et de liberté.

Il s’agissait alors de conquérir la Lune, il s’agit aujourd’hui de conserver la Terre.

 

Par Patrick Lévy-Waitz, chef d’entreprise, Président de la Fondation Travailler autrement

 

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