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Royaume Uni – Refonder la société britannique

Le discours de Theresa May sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne laisse un goût d’inachevé. Pourtant elle n’a pas manqué de talent pour marquer la rupture irrévocable avec l’institution européenne, ni de capacité à défendre, dès à présent, les intérêts britanniques lors des futures négociations. Elle a même fait pression pour défendre le système financier britannique et son implantation stratégique au cœur de l’Europe. Elle a aussi appelé à la mobilisation des britanniques dans cette bataille du renouveau. La mise en place du « Global Britain » sera l’œuvre de tous et les britanniques pourront alors s’approprier la grandeur retrouvée.

Le discours a donc été très politique ; le sang et les larmes permettront au Royaume-Uni de lutter contre l’adversité pour triompher. Le recentrage sur les britanniques en limitant le rôle et le poids des étrangers est censé contribuer à ce renouvellement même s’il est curieux de vouloir être global tout en refusant l’accès au territoire pour le plus grand nombre, pour ceux dont le profil ne correspond pas aux attentes définies par le gouvernement. De ce point de vue c’est un peu bancal.

Pourtant si j’étais britannique, je m’interrogerais au-delà de ces mots.
En effet, la période qui s’ouvre va repositionner le Royaume-Uni dans l’économie mondiale. L’appartenance à l’Union Européenne lui donnait une position forte tant au sein de celle-ci  mais aussi un poids considérable dans le  monde comme composante de cette Union. Cette double dimension est désormais à repenser pour le Royaume-Uni. Il lui faudra trouver une nouvelle place dans ce monde complexe.

C’est pour cette raison que Theresa May a évoqué, à juste titre, la nécessité de traités commerciaux. Il est nécessaire de retisser des liens d’une nature nouvelle avec le monde entier. Elle veut un traité de libre-échange avec l’Union Européenne et des accords commerciaux avec les pays du reste du monde. Et même si le premier ministre évoque une période de transition, qui peut paraître réduite dans ces termes, le temps des négociations sera long. On ne peut pas imaginer qu’il puisse en être autrement en raison du détail et des mesures d’impact que peuvent et doivent avoir de tels arrangements.

Dès lors, les britanniques vont être longtemps dans une situation d’incertitude. Incertitude sur ces accords et en conséquence sur l’évolution à venir de l’économie britannique. Sur cette partie, le premier ministre a été peu loquace alors que les profils de l’activité et de l’emploi seront pénalisés. Il y aura un délai entre le début des négociations et l’émergence du « Global Britain ». Ce point n’a pas franchement été évoqué mais ce délai va provoquer de l’incertitude qui ne sera pas favorable à l’activité. Qui de l’extérieur voudra prendre le risque d’investir au Royaume-Uni ?

Ce délai et l’incertitude qui l’accompagne vont faire ressortir les dissensions qui s’observaient très directement au soir du référendum. La carte des votes montrait une opposition très forte entre Londres, soutien essentiel au maintien dans l’Union, et le reste de l’Angleterre (je n’inclus ici ni l’Ecosse, ni l’Irlande du nord et ni le Pays de galles) franchement positionné pour la sortie de l’Union. Cette différenciation géographique traduit aussi une allure de développement très différente. Londres est très riche et se développe de façon autonome par rapport au reste de l’Angleterre en raison de son imbrication plus profonde dans le monde. Comment cette différence va-t-elle se résorber ? Theresa May n’a donné aucune piste alors que c’est un vrai problème de développement et d’aménagement du territoire. L’hétérogénéité des territoires de l’Angleterre même hors de Londres pourrait aussi faire ressortir des tensions fortes si la période d’incertitude se prolonge.

Le deuxième point  résulte de l’opposition qui était apparue après le référendum entre les jeunes plutôt en faveur du maintien et les vieux plutôt pour la sortie de l’Union. La période de transition, si elle est moins favorable aux jeunes, risque d’engendrer des tensions entre les générations. Entre ceux qui veulent conserver les acquis et ceux qui ont le sentiment que la sortie de l’Union Européenne est un handicap pour eux. Cette situation ne sera pas simple à appréhender surtout si le délai est long ou si l’objectif joliment définie par Theresa May apparaît inatteignable.

Le premier ministre a défini un axe très politique et qu’elle a souhaité mobilisateur. Elle a indiqué son souhait de  repositionner le Royaume-Uni dans le monde et parler du rôle essentiel des britanniques dans ce projet. Il n’y a cependant pas de méthode définie pour toute cette période qui s’ouvre. Les britanniques deviennent très dépendant des accords qu’ils pourront signer mais en interne il n’y a rien eu de proposer pour réduire les déséquilibres et limiter les tensions qui pourraient poindre dans la période de transition. Il faut trouver un projet dans lequel les britanniques puissent s’investir car le temps sera long avant d’aboutir au « Global Britain ».

Le plus facile a probablement été fait, il va falloir désormais refonder la société britannique après sa riche histoire au sein de l’Union Européenne. C’est la prochaine étape pour le gouvernement de Theresa May et, pour la cohérence du Royaume-Uni dans la durée, elle est plus importante que la sortie de l’Union Européenne.

 

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