En 1973 nous assistions impuissants au crépuscule d’une époque qui sonnait la fin des trente glorieuses, à cause du 1er choc pétrolier. 50 ans plus tard, allons-nous réagir de la même manière face à la flambée du prix de l’énergie et des matières premières ?
Et face à cette nouvelle crise, l’économie française, fortement tributaire des importations et non préparée à une augmentation brutale et significative des prix de la plupart des matières premières et de l’énergie, choisira-t-elle de s’en sortir par de forts prélèvements sur sa richesse nationale, ou par un surendettement extérieur, alors que le pays a déjà beaucoup utilisé ce dangereux outil face à la crise du Covid ?
Alors que ces chocs bouleversent fondamentalement les économies, avant-hier les Français avaient fait preuve d’ingratitude vis-à-vis de Giscard d’Estaing ce jeune grand réformateur qui avait presque tout réussi sauf… sa réélection. Est-ce que demain, ce président réélu saura être aussi réformateur que l’avait été Giscard ?
Un choc pétrolier oublié
C’est bien connu, les Français ont la mémoire courte et ils ont oublié que le septennat de ce jeune homme d’action débuta lors de la fin des trente glorieuses, une fin provoquée par le premier choc pétrolier. Un choc qui multiplia le prix du baril par quatre lors du dernier trimestre de 1973. Un Giscard d’Estaing rejeté alors qu’il laissa la France en 1981 avec une dette de seulement 18 % et un budget proche de l’équilibre.
Vassalisation de la France
VGE qui démarra donc son septennat juste après ce premier choc pétrolier, avec une inflation de près de 15 % et un nombre de chômeurs avoisinant le million. Soit en pratique le début du transfert brutal de notre richesse nationale vers l’étranger.
La prise de conscience de cette vassalisation l’amena, après une période de flottement, à nommer comme Premier ministre et ministre de l’Économie et des Finances Raymond Barre, certainement un des meilleurs économistes de France.
Sortie du serpent monétaire européen en 1976 et nomination de Raymond Barre
Oublié aussi ce plan Barre et les nombreuses réformes qui porteront leurs fruits assez rapidement dans une France officielle corsetée par ses législations sociales et législatives. Une France d’élus et de fonctionnaires dirigistes qui n’avaient pas encore assimilé qu’avec ce choc pétrolier et les évènements de 68, le monde avait basculé, et que la France n’allait plus pouvoir rester dans sa bulle.
Un président homme d’action qui nomma un autre homme d’action, qui mit immédiatement en place des mesures courageuses pour lutter contre l’inflation, et pour faire rentrer de l’argent dans les caisses en augmentant les impôts sur les sociétés, mais aussi les impôts des plus aisés. D’autre part, après ces mesures d’urgence, se mirent en place des réformes économiques et, en parallèle, une moralisation des finances publiques, cela grâce à la modernisation des outils du ministère des Finances, dont surtout l’informatique qui ne portait pas encore ce nom.
Moins de deux ans plus tard en 1978 la France se découvre libérale alors que le Parti communiste était toujours très puissant dans le pays
Les prix industriels furent libéralisés, ceux des services le seront un an plus tard. Ces deux secteurs feront face à un nouveau choc pétrolier, qu’on saura cette fois mieux gérer.
VGE le dernier grand réformateur
Beaucoup se sont montrés ingrats ou dissimulateurs insincères avec lui en affirmant que le grand changement eut lieu en 1981, alors que c’est VGE qui a vraiment changé le pays. Oubliés aussi que le droit à l’avortement, le divorce par consentement mutuel, la majorité et le droit de vote à 18 ans, le remboursement de la pilule, c’est VGE.
Oublié enfin que si le programme électronucléaire fut vraiment initié à la fin du mandat du président Pompidou, c’est Giscard d’Estaing qui activa le plan de mise en chantier de 50 centrales nucléaires.
VGE un architecte déterminant de la construction européenne
Oublié encore que le premier G5 se tint sous l’initiative de VGE et du chancelier allemand Helmut Schmidt, devenu son ami. Un Helmut Schmidt qui avait alors pris conscience que ce VGE s’éloignait d’un relatif isolationnisme gaulliste pour se rapprocher de la philosophie de l’ordo libéralisme allemand. Une Allemagne où l’État est au service de l’économie, donc des entreprises, alors que c’est l’inverse en France. Une Allemagne où on ne parie pas sur une hausse potentielle des recettes sans s’attaquer en parallèle à une baisse des dépenses.
VGE qui a tout réussi sauf l’élection de 1981
Le fait de se retrouver face à deux adversaires, un de droite et un de gauche, va sceller le destin inachevé de cet homme du centre que fut VGE. Cela changera aussi bien sur la destinée de la France qui va alors basculer à gauche avec des communistes au gouvernement, cela huit ans avant l’écroulement de l’URSS. Une défaite, car ce jeune président fut alors incapable de se comporter comme un scorpion.
Tout réussi sauf surtout l’abandon du Plan Calcul
Une mauvaise décision oubliée alors qu’on passe aujourd’hui tout notre temps les yeux fixés sur nos smartphones et PC, c’est d’avoir mis fin au « Plan Calcul ». Un plan Calcul qui se traduisit à l’origine par la création de la Compagnie Internationale pour l’Informatique (CII) dont le capital était alors partagé entre Thompson et la Compagnie générale d’Électricité. En parallèle fut créé l’IRIA, Institut de Recherche en Informatique et Automatique, afin de dynamiser la recherche universitaire sur l’informatique.
En 1973, un ingénieur, Louis Pouzin, avait déterminé les éléments de ce qui allait devenir l’Internet. Il imagina alors le concept de « datagramme », et le développa au sein de l’IRIA un réseau de transmission de données baptisé Cyclades qui aurait pu devenir l’Internet. Le réseau Cyclades qui n’a pas été retenu pour tisser la toile digitale du monde.
Et c’est Valery Giscard d’Estaing, peut-être sous influence, qui, peu après son élection, allait dissoudre la Délégation générale de l’Informatique et le plan calcul pour favoriser le CNET qui allait nous donner le Minitel.
Près de cinquante ans, plus tard on commet à nouveau la même erreur
Aujourd’hui avec la Covid comme il y a 40 ans, on a trop souvent tendance à laisser les Américains profiter de notre créativité dans les projets expérimentaux. Hier c’était l’Arpa américain (Advanced Research Projects Agency) qui investissait des sommes énormes dans l’Arpanet qui allait devenir l’Internet. Et l’année dernière, le Barda (Biomedical Advanced Research and Development Authority) au travers de son opération Warpspeed investissait des sommes énormes dans l’ARN messenger découvert par l’institut Pasteur en 1961 qui allait permettre de fabriquer le vaccin contre la Covid.
Valery Giscard d’Estaing le Kennedy français, restera pour nombre d’analystes un personnage comme on n’en voit plus. Certainement le seul président incapable de caresser les élus dans le sens du poil afin de se constituer une garde prétorienne lui permettant de conserver le pouvoir. Un politique qui n’avait peut-être pas les codes des politiques, car trop courtoisement embarrassé par ses sentiments.
Un Giscard qui avait dû et su faire face au piège énergétique.
Et, aujourd’hui, Emmanuel Macron réélu va se retrouver face au piège de l’inflation globale qui, si mal gérée, pourrait évoluer vers une stagflation.
Et il est vraisemblable qu’il va devoir faire face au « Perfect Storm » que nous allons subir dans les prochaines années avec des factures qui vont inexorablement augmenter. Le président saura-t-il gérer ces chocs brutaux et pas anticipés alors que la France est beaucoup plus fragile aujourd’hui qu’il y a cinquante ans ? Cela à cause de notre désindustrialisation, du manque d’entretien de nos centrales nucléaires et enfin à cause de la baisse de la productivité qualitative, ou perfection du banal.
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