Les candidats séditieux se présentent-ils à la présidentielle ?
Que faut-il faire pour augmenter l’implication éthique des représentants politiques ? Comment stimuler les citoyens en France pour enrayer le lent et constant déclin des vertus qui doivent présider dans la vie publique plus que partout ailleurs ?
Dans la bourrasque politique qui traverse les camps de la campagne électorale, nous pouvons assister à un bien étonnant spectacle. La France est dans un contexte comme si elle recevait une onde de choc venue des Etats-Unis. Notre société marche-t-elle de travers ? On se pince. Si l’actualité n’est pas aux heurts, l’atmosphère est à l’étrille. Politiciens de salon, militants de bureau, séditieux de couloir, ils revendiquent l’heure révolutionnaire et l’ambiance de guerre civile.
En attendant, le modèle français consterne. Les observateurs européens ont du mal à comprendre. Les Droits de l’Homme et du Citoyens résonnent comme une proclamation sarcastique et la Marseillaise est entendue comme un requiem d’une république confisquée. La démocratie baisse les yeux.
Acceptation des mensonges
Comment se fait-il que les citoyens ne soient pas plus nombreux à s’élever contre les promesses absurdes et les mensonges évidents des candidats ? Comment se fait-il qu’il y ait autant de demandes d’arrêter les révélations des méfaits des élus ? Où donc se loge cette propension à admirer tous les revirements et irrespects des engagements ayant un même objectif, parfois déclarés sans autre formalité, d’obtenir une victoire par les urnes ? Comment les politiciens peuvent-ils se comporter avec cette arrogance de passagers tous frais payés du véhicule démocratique ? Comment les électeurs peuvent-ils détourner leur regard du rétroviseur placé sous le spot médiatique ? L’éblouissement peut-être, trop de lumière ?
Acceptation de la gestion cavalière de l’argent public
La justice au nom du peuple est défiée par les prétendants à la magistrature suprême. Jamais elle n’a été à ce point moquée, discréditée, jamais autant défiée, bravée, conspuée par ceux qui lui ont édicté ses règles. Les professionnels de la politique sont nombreux à parvenir à en rabaisser les exigences, fouler les vertus, narguer les principes communs.
Comment se fait-il que des électeurs conservateurs puissent protester contre l’institution qui se met en travers du chemin de ceux qui :
- détournent leur argent,
- volent dans les caisses publiques,
- foulent l’éthique
- et offensent jusqu’à leur propre morale ?
Comment se fait-il que les candidats puissent se présenter tout en étant mis en cause par le système de régulation de l’honnêteté de chacun ?
Un engagement entre servitude et docilité
Faut-il croire que les uns se considèrent comme méritant ce qu’ils ont en retour des autres ? Les émotions pilotent, manipulent la raison. Le désir se joue de l’admiration qui donne de l’élan à l’ambition, laquelle entraîne la joie qui, en retour, stimule le désir… La recette n’est pas exclusive. L’habitude d’obéir, le fatalisme de la confiance et les mécanismes de la servitude se retrouvent aux commandes sans le moindre effort. Et c’est certainement là une raison : «sans le moindre effort». Dans l’enchaînement des habitudes, il est plus confortable d’être docile que de contester.
Soutiens systématiquement montants et illusoirement descendants
Quelle est donc cette faculté partisane qui conduit à la cécité mentale ? C’est devenu un lieu commun de constater que d’immenses richesses sont amassées par un tout petit nombre et que la pauvreté se répand comme les sept plaies de l’Egypte. Où donc se niche la logique de ce sentiment fataliste ? Qu’est-ce qui autorise la crédibilité des discours changeant ? Comment se fait-il que parmi les plus pauvres de la population, un grand nombre apporte son soutien à ceux qui les paient d’un profond mépris ?
L’enseignement du sens critique serait-il si risqué à dispenser à tout le monde, comme le craignait son fondateur, René Descartes ? De fait, on en prive soigneusement la quasi totalité de la population. L’éducation ne sert que du prêt à penser.
Un «complexe de légitimité»…
Habitués à être accusés de créer leurs propres maux, les citoyens sont foule à ne pas se sentir en droit de protester contre ceux qui s’affirment comme chefs de file. Ils sont les otages d’un conflit de loyauté. Ils ont accordé leur soutien, et, quitte à se perdre eux-mêmes, les voilà unis dans un même dessein : faire réussir leurs leaders. De leur côté ceux-là se plaignent de ne pas avoir suffisamment de moyens pour réaliser leurs promesses. Quand ils sont mis en cause, ils dénoncent les tentatives de déstabilisation à leur encontre. Ils légitiment leurs malversations comme s’ils étaient convaincus d’être des Robin des bois modernes. Ils ne cessent de proclamer sous toutes les formes et dans tous les sens la litote de Tartuffe, de Molière. Ils dénoncent l’immoralité de la tentation et, grandis par un « complexe de légitimité », ils accusent les autres de leurs faiblesses. « Couvrez ce sein que je ne saurais voir. » Pour finir, tandis que leurs turpitudes sont endossées par leurs supporters, ils exigent la protection de la société toute entière.
Ainsi, contre toute éthique, l’imposteur fait l’admiration de ceux qui rêvent des moyens que procure le mépris des lois qu’il a participer à faire adopter. N’est-ce pas trop fort ? Pour combien de mandats de cinq ans encore ?
Une leçon venue d’un autre temps
Une vieille leçon d’il y a 2500 ans circule. Certes, ça ne date pas d’hier. A propos de ceux qui se sentent appelés en politique, l’une des plus anciennes écoles de formation à la gouvernance de la cité nous a transmis des observations peut-être, à son époque, déjà centenaire :
Ceux qui peuvent diriger sont ceux qui sont réellement riches, non d’or, mais de ce dont il faut être riche pour être heureux, de vie bonne et sage. Mais si des mendiants, des gens avides de biens privés viennent aux affaires publiques avec l’idée que c’est là qu’ils vont ravir du bien, il n’y a pas de cité bien gouvernée : le pouvoir est l’enjeu de rivalités et c’est une guerre fratricide et intestine qui les perd et, avec eux, le reste de la Cité. – Platon, La République, Livre VII
Parmi tous les candidats, en trouvez-vous qui correspondent à cette quête millénaire ?
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