L’ancien ministre de l’Education a remporté haut la main la primaire citoyenne face à Manuel Valls. Le plus dur commence pour l’aspirant socialiste à l’Elysée, quand pléthore de cadres et de militants du parti, déboussolés, se disent tentés par le vote Macron, plus proche de leurs convictions.
Fillon, Mélenchon, Macron et désormais Hamon. Le « plateau » de l’élection présidentielle commence à se garnir avec la victoire, sans coup férir, de l’ancien frondeur face à Manuel Valls, le premier dominant le second tour de la tête et des épaules avec un score de plus de 58% quand l’ancien Premier ministre n’est parvenu à récolter que 41% des suffrages. C’est donc officiel : Benoît Hamon portera l’étendard socialiste dans la course à l’Elysée, tournant du même coup la page Hollande-Valls.
Au QG de ce dernier, c’est résolument « la soupe à la grimace » malgré les éléments de langage en vigueur mettant en exergue le collectif afin de « mener à bien les conditions du rassemblement », dixit Manuel Valls lui-même. Malgré les incantations de ce dernier et de ses proches, beaucoup de militants socialistes et cadres, ne se reconnaissant pas dans la gauche incarnée par Benoît Hamon, ne cachent plus leur désir de se mettre « en marche », et franchir le Rubicon les séparant d’Emmanuel Macron.
.@thomclay « Les électeurs ont voté : pour @benoithamon 58,65% des suffrages, pour @manuelvalls 41,35% des suffrages » #PrimairesCitoyennes pic.twitter.com/RYySThdhbE
— Primaires citoyennes (@lesprimaires) 29 janvier 2017
« Je ne défendrai jamais son programme »
Benoît Hamon, partisan d’un dialogue avec l’ancien ministre de l’Economie, va donc devoir colmater les brèches et serrer les rangs pour éviter une fuite trop importante des forces vives du parti davantage attentives aux propositions d’Emmanuel Macron. Elu sur un programme aux antipodes de celui de Manuel Valls, le rassemblement des « deux gauches irréconciliables » s’avère résolument compliqué – doux euphémisme -, tant l’écart idéologique entre deux finalistes issus d’une même formation politique n’a jamais semblé aussi grand. Un fossé qui s’est, sans doute, encore davantage creusé ce lundi matin, l’ancien Premier ministre faisant savoir qu’il ne serait pas présent à la convention d’investiture de Benoît Hamon, le 5 février prochain. Raison invoquée ? un « départ en vacances »
Dès vendredi dernier, Manuel Valls avait déclaré qu’il ne pouvait pas, en cas de défaite, « défendre le programme » de Benoît Hamon, trop éloigné du sien. Première – et non des moindres – pomme de discorde : le revenu universel. Vouée aux gémonies par l’ex-locataire de Matignon – « Je suis pour une société du travail, je ne suis pas pour une société de l’assistanat ou du farniente » – il semble peu crédible que cette mesure trouve grâce aux yeux de l’ancien édile d’Evry du jour au lendemain. Comme son nom l’indique, le revenu universel serait une allocation versée à tous les citoyens sans condition de ressources ou d’âge. Selon les différentes moutures, elle peut osciller de plusieurs centaines à 1 000 euros par mois. Coût estimé de ladite mesure : entre 300 et 450 milliards d’euros.
#RevenuUniversel est la protection sociale de demain, je veux penser la société telle qu’elle est et non telle qu’elle fut #PrimaireLeDebat pic.twitter.com/ZJ8Zqpeviw
— Benoît Hamon (@benoithamon) 12 janvier 2017
Une dizaine d’économistes favorable à un revenu universel… correctement « conçu et précisé »
Si Benoît Hamon va devoir faire étalage de ses talents de contorsionniste pour œuvrer au rassemblement, il peut d’ores et déjà compter sur le soutien d’une dizaine d’économistes, parmi lesquels Thomas Piketty, Emmanuel Saez (université de Californie à Berkeley), Antoine Bozio (École d’Économie de Paris), qui estiment, dans une tribune publiée dans Le Monde, que le revenu universel peut être « économiquement crédible et socialement audacieux ».
Soulignant que le prétendant socialiste, avec cette proposition, fait face « à un procès en incompétence gouvernementale », les auteurs de la tribune soulignent que le revenu universel d’existence, « correctement conçu et précisé », peut « constituer un élément structurant de la refondation de notre modèle social ». Une « précision » qui avait pourtant fait défaut au nouveau candidat à l’Elysée en début d’année, celui-ci souhaitant que le revenu universel puisse se faire « à l’échelle du quinquennat », sans pour autant s’engager formellement à l’horizon 2022.
Pour un revenu universel crédible et ambitieux.Appel de Antoine Bozio, Julia Cagé, Camille Landais, Dominique Meda.. https://t.co/xsZlMf3zL4
— Thomas Piketty (@PikettyLeMonde) 25 janvier 2017
Annulation de la dette des pays de l’Union européenne
Outre cette mesure emblématique, les autres points du programme économique de Benoît Hamon semblent difficilement compatibles avec la « ligne Valls ». En tête, l’abrogation de la Loi Travail souhaitée de longue date par l’ancien patron du MJS. Difficile d’imaginer Manuel Valls y souscrire quand l’ancien Premier ministre s’est battu corps et âme pour l’imposer aux forceps. Les députés socialistes s’en souviennent…
Autre mesure à des années-lumière du corpus idéologique de Manuel Valls, la volonté fermement affichée de Benoît Hamon d’annuler purement et simplement la dette contractée par les pays de l’UE depuis 2008 et détenue par d’autres Etats européens. Et tendre ainsi vers une mutualisation de la dette européenne couplée à une évolution des statuts de la BCE. Une proposition dans laquelle pourrait aisément se reconnaitre Jean-Luc Mélenchon dont Benoît Hamon a estimé qu’il était le candidat le plus proche de ses idées, quand Manuel Valls, à la même question, répondait Emmanuel Macron. Le rassemblement, c’est (pas) maintenant.
Nos candidats seront choisis en fonction de 5 critères. #LaMajoritéEnMarche pic.twitter.com/0ah8b7vo5Z
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 19 janvier 2017
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