Les deux prétendants à l’Elysée ont ferraillé dans une atmosphère tendue – doux euphémisme – s’accusant mutuellement de tous les maux, multipliant les assertions et autres invectives, reléguant à l’arrière-ban leurs propositions respectives. (Tentative) de revue de détail de deux visions de la France aux antipodes.
« Emmanuel Macron est le candidat de la mondialisation sauvage, de l’ubérisation, de la précarité, de la brutalité sociale, de la guerre de tous contre tous, du saccage économique, notamment de nos grands groupes, du dépeçage de la France, des grands intérêts économiques, du communautarisme et tout cela piloté par M. Hollande qui est à la manœuvre ». Un propos liminaire symbolique de la teneur du débat dans son ensemble. D’entrée de jeu, le ton est donné par Marine Le Pen et la tension, perceptible sur le plateau, ne baissera pas d’un iota durant ces plus de 2h30 de débat. Joutes, algarades verbales, interruptions (multiples) réciproques… la confrontation « Macron – Le Pen », si elle a pu électriser les spectateurs, pléthore d’entre eux ont également déploré le « niveau » de ce débat au regard de la plus importante échéance électorale de la Ve République. Si Marine Le Pen, davantage rompue aux débats télévisés que son adversaire du soir, est coutumière d’un ton offensif, Emmanuel Macron, souvent critiqué pour son art de la synthèse et son sempiternel « mais en même temps » qu’il a remisé ce soir, s’est montré bien plus percutant qu’à l’accoutumée, entrecoupant toutefois trop souvent – malheureusement pour le débat – les interventions de sa rivale par des « vous dites des bêtises, c’est n’importe quoi ». Dans cette cacophonie, tour d’horizon des thématiques économiques abordées par les deux prétendants à la magistrature suprême.
« #Macron est le candidat de la mondialisation, du communautarisme, de la précarité, tout cela piloté par François Hollande. » #2017LeDébat
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 3 mai 2017
Alstom, General Electric, SFR… « l’impréparation » de Marine Le Pen
Attaquant bille en tête, Marine Le Pen a accusé Emmanuel Macron d’avoir laissé SFR – autrefois propriété de Vivendi – tomber dans l’escarcelle de Patrick Drahi, alors qu’Arnaud Montebourg, ministre de l’économie en 2014, était opposé à cette vente. Et de déclarer que le candidat d’En Marche!, en s’installant à Bercy pour prendre la suite d’Arnaud Montebourg, avait donné son imprimatur à l’opération. « Ce sont deux groupes avec des capitaux privés » a rétorqué Emmanuel Macron, réclamant des « preuves » de ses dires à sa rivale… qui va lui citer le cas d’Alstom et de General Electric et les propos tenus par l’ancien ministre de l’Economie devant l’Assemblée nationale en janvier 2015. Curieuse stratégie mettant en exergue le cruel manque de préparation de Marine Le Pen sur ce point précis. « SFR fait des téléphones et Alstom fabrique des turbines, vous êtes au courant ? », a raillé l’ancien secrétaire général adjoint à l’Elysée.
Je n’étais pas ministre quand SFR a été vendu. #2017LeDébat https://t.co/f1Y1hlW99o
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 3 mai 2017
« Je suis la candidate du pouvoir d’achat, vous êtes le candidat du pouvoir d’acheter »
Invité à exposer sa vision en matière de politique économique et d’emploi, Emmanuel Macron a enfoncé le coin de « l’impréparation » de sa concurrente. « Vous faites une liste à la Prévert que vous ne financez pas. Sur les 6 ou 9 milliards d’euros d’économies faites par la sortie de l’Union européenne, il faudra d’abord payer tout ce qu’on doit à l’UE. Il s’agit d’entre 60 et 80 milliards d’euros pour la Grande-Bretagne en ce moment. Vous faites des cadeaux de baisse d’impôts que vous ne financez pas ». Face à cette saillie, Marine Le Pen a fait glisser le débat sur le terrain de la « défense du peuple et des petites gens », affublant son rival du sobriquet de candidat « des grands groupes ». « Je suis la candidate du pouvoir d’achat, M. Macron, vous êtes le candidat du pouvoir d’acheter, la France ». Formule ciselée mais peut-être trop préparée, le candidat d’En Marche! déplorant, encore, « les bêtises » et le « n’importe quoi » de la présidente frontiste.
« Je suis la candidate du peuple, de la France telle que nous l’aimons, de sa culture. » #2017LeDébat pic.twitter.com/2zJd7v1EvQ
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 3 mai 2017
Retraites : deux lignes clairement marquées
Sans doute l’un des points les moins « confus » du débat. Du moins, les positions respectives des candidats ont pu être davantage développées. A ce sujet, Marine Le Pen a réitéré son intention de ramener l’âge légal de départ à 60 ans, « avec 40 annuités », en précisant qu’une telle réforme serait « mise en oeuvre d’ici la fin du quinquennat »… quand la candidate du Front national avait inscrit ce projet sur la liste des dix mesures prioritaires qu’elle compterait lancer « tout de suite », ce que n’a pas manqué de relever Emmanuel Macron. Avant de dérouler son argumentaire, plus posément que pour les thématiques précédentes. « Ça coûte 30 milliards (ndlr : le retour à la retraite à 60 ans) , c’est infinançable. C’est ce qui avait été fait au début des années 1980 par François Mitterrand, à une époque ou l’espérance de vie était de 10 ans inférieure à celle d’aujourd’hui », a-t-il justifié. « Il n’y a pas de finances magiques », a appuyé l’ancien conseiller de François Hollande, pour qui la réforme prônée par Marine Le Pen entraînerait « ou l’augmentation des cotisations ou la baisse des pensions ».
Whirlpool : « vous êtes parti vous planquer dans une salle »
Point d’orgue de la campagne de l’entre-deux tours, la « séquence Whirlpool » et la guerre des images tournant en boucle sur les chaînes d’information continue. Marine Le Pen dégaine la première rappelant les « images dévastatrices » d’Emmanuel Macron dans une salle avec les représentants syndicaux pendant que la « candidate du peuple » était au milieu des salariés. Surfant sur ces images, Marine Le Pen a invectivé Emmanuel Macron, l’accusant de « s’être planqué dans une salle ». Le candidat d’En Marche!, rétorquant qu’il avait ensuite discuté avec les salariés pendant une heure trente et qui, s’il avait été accueilli par les huées, était reparti en serrant des mains. « Je ne fais pas des selfies pendant quinze minutes », grince-t-il à destination de sa rivale. Un échange d’amabilités de « haute volée ». A la hauteur du débat de ce soir.
J’ai passé du temps avec les salariés de Whirlpool. Je ne me suis pas contenté de faire des selfies. #2017LeDébat https://t.co/mNLkJQxvR3
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 3 mai 2017
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