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Présidentielle américaine | Deux programmes, deux ambiances

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BEIJING, CHINA - SEPTEMBER 11: A smartphone screen shows the live broadcast of presidential debate between Vice President Kamala Harris and former President Donald Trump on September 11, 2024 in Beijing, China. (Photo by VCG/VCG via Getty Images)

Kamala Harris et Donald Trump ont dévoilé les grandes lignes de leur programme économique malgré un manque de précisions flagrant. Si certains objectifs s’avèrent relativement proches, le pouvoir d’achat et le logement notamment, deux modèles aux antipodes s’affrontent lors de cette élection. Forbes fait le point sur les propositions présentées par les deux candidats.

Un article issu du numéro 28 – automne 2024, de Forbes France

 

Les propositions des deux candidats

Inflation : 

Kamala Harris compte faire passer une loi fédérale pour lutter contre les prix considérés comme abusifs au regard du coût de production. « C’est une bonne chose de lutter contre ce phénomène lorsqu’il existe. Cette proposition est néanmoins populiste car cela suggère que les politiques d’entreprises étaient les principales responsables de l’inflation alors qu’elles n’ ont eu qu’un rôle minime dans la mécanique, observe Vincent Pons, professeur d’économie à la Harvard Business School et prix du meilleur jeune économiste 2023. À l’inverse, le camp Trump a essayé de présenter cette mesure comme une forme de dirigisme, inspirée du communisme. Or, il n’est pas question que l’administration plafonne ou décide des prix mais qu’elle lutte contre certaines pratiques spécifiques dans un contexte inflationniste. Ce type de mesures est déjà en place dans certains États. Mais cette proposition n’aurait des effets agrégés qu’assez modestes. »

Donald Trump promet, quant à lui, de « faire tomber l’inflation ». Le candidat compte diviser par deux le prix de l’énergie en encourageant l’industrie pétro-gazière à forer plus. Le républicain fait ainsi miroiter une baisse du gallon de carburant – symbolique pour les Américains – en dessous de 2 dollars, omettant que son prix dépend également du prix du marché mondial, des décisions de l’Opep ainsi que du contexte géopolitique. Autre pilier de son plan, l’homme d’affaires souhaite libérer l’économie de toute « réglementation handicapante », jugée trop coûteuse. Si la promesse a été fraîchement accueillie dans son camp, les contours en sont encore très flous. Reste que pour les experts interrogés par Forbes, le programme du candidat républicain n’est pas de nature à faire baisser l’inflation, au contraire. « La hausse des droits de douane voulue par Trump ne va pas être absorbée intégralement par les producteurs, donc cela va se répercuter sur les prix affichés en rayon, explique Florence Pisani, directrice de la recherche économique de Candriam. Et ce sont les ménages les plus modestes qui vont être les plus touchés car le poids des biens importés est plus élevé dans leur dépense. » Selon l’institut Peterson, la mise en place de ces mesures entraîneraient un surcoût moyen de 2 600 dollars par foyer.

 

Logement : 

Kamala Harris souhaite mettre en place une subvention de 25 000 dollars à destination des primo-accédants pour l’achat d’une résidence principale. Cette aide pourrait concerner 1 million de ménages par an. La vice-présidente propose également un plan de construction de 3 millions de logements destinés à être loués à des tarifs abordables. Enfin, elle souhaite réguler le prix des locations en limitant le recours aux algorithmes de fixation des loyers, ces logiciels utilisés par les grands acteurs du secteur pour tirer les tarifs vers le haut, et en supprimant les avantages fiscaux faits aux acquéreurs de 50 maisons individuelles ou plus mises à la location. Deux mesures déjà introduites au Congrès par l’administration Biden.

Afin de s’attaquer au problème d’offre, Donald Trump prévoit de permettre la construction de nouveaux logements sur des parcelles de terres fédérales. Il a également annoncé vouloir abandonner toute réglementation propre à faire augmenter les coûts. Un soutien aux primo- accédants a été avancé mais sans plus de précision.

 

Fiscalité : 

Hormis la défiscalisation des pourboires, qui est défendue par les deux candidats, deux mondes s’opposent en ce qui concerne les impôts. Le programme de Donald Trump s’appuie sur la reconduction des baisses de prélèvements introduites durant son premier mandat, et qui expirent en 2025. Il compte même les approfondir en supprimant les impôts sur les allocations versées par la Sécurité sociale notamment. Pour le taux d’imposition fédérale sur les sociétés, le candidat républicain compte l’abaisser de 21 % à 15 % pour les entreprises fabriquant leurs produits aux États-Unis.

À l’inverse, Kamala Harris entend remonter ce taux à 28 %. Afin de ne pas trop brusquer le monde entrepreneurial, elle prévoit de décupler, à 50 000 dollars, l’aide fiscale dont peuvent bénéficier les sociétés à leur création et de réduire les lourdeurs administratives pour les dirigeants. « Contrairement à Joe Biden, elle cherche à avoir une image pro-business, souligne Florence Pisani. De la même façon, elle a adouci son projet fiscal. » Alors que l’ex-candidat démocrate était prêt à imposer le capital des hauts revenus (plus d’un million d’euros par an) à 44,6 %, le taux maximum d’imposition voulu par Kamala Harris est de 33 % contre 23,8 % actuellement. Elle compte réintroduire un crédit d’impôt de 3 600 dollars pour les familles, montant porté à 6 000 dollars durant la première année après la naissance de l’enfant. La vice-présidente a également promis qu’elle n’augmenterait pas les prélèvements des Américains gagnant moins de 400 000 euros par an.

 

Mesures uniquement portées par Donald Trump

 

 

Hausse des droits de douane : 

Afin de combler le déficit commercial, et dans une optique de rivalité accrue avec la Chine, Donald Trump a fait de la hausse des droits de douane une de ses priorités en cas de victoire cet automne. Il propose de taxer l’ensemble des importations américaines à hauteur de 10 % et de monter ce taux à 60 % pour les produits en provenance de l’Empire du milieu. « Donald Trump a fait des scores très élevés dans les États qui ont subi la désindustrialisation induite par la mondialisation », rapporte Vincent Pons. Si on comprend bien la stratégie politique d’une pareille mesure, le résultat final pourrait être contre- productif. Outre une remontée de l’inflation, « cela entraînerait une appréciation du dollar annulant l’effet positif du dispositif », rappelle Sylvain Bersinger, chef économiste chez Asterès.

 

Réduire l’immigration :

Sur l’immigration, Donald Trump ne cache pas son objectif : mener une opération d’expulsion de plus de 11 millions de personnes sans papier. Outre le caractère inhumain de cette politique, cela aurait des conséquences néfastes sur l’économie. « L’afflux de migrants a permis d’augmenter la population active, indique Florence Pisani. En privant le marché du travail de cette main-d’œuvre, on va tendre ce marché et faire monter à nouveau les pressions sur les salaires et finalement sur les prix, forçant la Réserve fédérale à être moins accommodante. »

 

Faire des États-Unis la capitale de la crypto : 

Autrefois détracteur du bitcoin, Donald Trump se pose désormais en soutien inconditionnel des cryptomonnaies. « Il y a une part d’opportunisme dans ce revirement, observe Vincent Pons. Dans un contexte où les démocrates veulent réguler le secteur, l’industrie crypto s’est mise à financer massivement certains candidats républicains. Il y a cet enjeu de très court terme qui est de capter des financements. » Pour Sylvain Bersinger, on retrouve aussi chez Donald Trump une idée en vogue dans le camp conservateur, qui est « de court-circuiter la puissance publique, de s’affranchir de toute autorité politique ».

Afin d’ériger les États-Unis en Eldorado des cryptomonnaies, Donald Trump devra passer par la case de l’allègement de la régulation. « Cela comporte un risque accru de crise bancaire ou financière. Sans oublier les fraudes auprès des particuliers, observe l’économiste d’Asterès. S’il y a des autorités de régulation, ce n’est pas pour rien. Quand certaines banques ont voulu s’affranchir d’une partie de la législation, on a vu le résultat. »

 

Indépendance de la FED : 

Si cela n’est pas explicitement mentionné dans son programme, Donald Trump voudrait réduire l’indépendance de la Banque centrale en cas d’élection. « C’est une remise en cause de la politique monétaire des États-Unis depuis la fin des années 1970, décrypte Gilles Moëc, chef économiste du groupe AXA. Ainsi, un dirigeant politique pourrait utiliser la politique monétaire pour servir ses propres intérêts politiques. »

 

Mesures uniquement portées par Kamala Harris : 

 

 

La vice-présidente compte s’attaquer à un autre poste de dépense important chez les Américains : les soins de santé. Elle prévoit d’ouvrir à l’ensemble de la population l’aide qui plafonne les dépenses personnelles à 35 euros par mois dans le cadre d’un traitement à l’insuline et à 2 000 dollars par an les traitements sans ordonnance. Kamala Harris souhaite accélérer le rythme des négociations entre l’industrie pharmaceutique et Medicare (la sécurité sociale des retraités aux États-Unis) pour faire baisser le prix des médicaments les plus utilisés. Elle a annoncé également vouloir amnistier partiellement la dette médicale de « millions d’Américains », à l’instar de ce qui a été fait avec les dettes étudiantes.

 

La réduction du déficit public, grande oubliée de la campagne : 

Point commun des programmes des deux candidats : le volet dépense appa- raît supérieur à celui des recettes. Le Banque d’investissement Piper Sandler estime que le programme de Harris ajouterait 1 400 milliards de dollars et celui de Trump 4 800 milliards de dollars à la dette américaine d’ici 2034.

Si la santé des finances publiques n’apparaît pas particulièrement préoccu- pante malgré un déficit public à 6,8 % du PIB en 2023 et une dette fédérale à près de 100 % du PIB, certains spécialistes estiment que la forme actuelle de l’économie aurait pu permettre d’engager une réduction du déficit dès 2025. « Cela permet de se préserver une marge de manœuvre en cas d’éventuelle récession, de crise de santé comme une nouvelle pandémie ou encore pour financer la transition écologique », soulève Vincent Pons.

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