Le 30 octobre dernier, la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique regrettait la faible part des acteurs inscrits au registre des représentants d’intérêts géré par la HATVP, allongeant la période de rodage qui permet l’inscription au 31 décembre prochain. Cette inscription, obligatoire depuis Juillet, est un pas important mais est-il suffisant pour faire en sorte que l’influence des politiques publiques par des défenseurs d’intérêts devienne une activité acceptable et acceptée dans la Démocratie française ? En la matière, si la Loi est nécessaire, ce sont les mœurs et la pratique qui seront un vrai levier de changement.
La récente campagne pour l’élection présidentielle a mis en lumière un certain nombre de pratiques politiques qui, sans être nécessairement illégales, posaient un problème évident de moralité. Cela a certainement contribué au renouvellement sans précédent de nos élus nationaux, symbolisé par l’élection d’un jeune Président de la République. L’un des premiers textes de lois du nouveau quinquennat a même porté sur la moralisation de la vie politique alors que les priorités exprimées par les Français semblent toutes autres (la lutte contre le chômage et le terrorisme, le logement…).
Déjà sous la mandature précédente, la Loi dite Sapin II avait commencé à poser les jalons d’une démocratie représentative renouvelée. Dans ce contexte, le lobbying – ou affaires publiques – ce mot, que beaucoup utilisent sans en connaître la définition, pâtit toujours d’une mauvaise réputation. Alors l’heure de la transformation a sonné.
Au moment où l’on annonce que la Société Civile prend le pouvoir avec l’entrée de « novices » en politique venus d’horizons nouveaux apportant l’expertise et l’expérience de « profanes » en politique, jamais les liens entre sphères publique et privée n’ont été aussi ténus pour refonder notre pratique de la Démocratie.
Rappelons en effet que le rôle du lobbying et des affaires publiques est précisément d’apporter expertises et expériences dans une Démocratie représentative contrairement à ce qui est souvent présenté comme de la collusion ou pis encore de la corruption. Le décideur public a besoin de connaître et de comprendre pour décider. Qui n’a pas entendu dire que nos gouvernants sont « coupés du terrain » et de la réalité ?
Une formidable opportunité
La vraie question qui se pose est celle de l’acceptabilité par l’opinion d’une démarche d’influence des représentants de la Nation plus que son principe même. Pour la rendre acceptable, il faut donner à voir le processus d’influence, en rappeler le sens et les objectifs. La solution passe par une démarche ouverte et assumée pour tous les professionnels du lobbying ou tout citoyen qui souhaite partager sa vision, son expertise, son point de vue sur un enjeu politique ou législatif. Ceci est particulièrement vrai pour les entreprises.
« L’ère Macron » qui s’est ouverte en Mai dernier représente une formidable opportunité. L’entreprise fait face aux enjeux de la démocratie. Elle est exposée aux critiques et à l’émotion. Elle est et sous surveillance, exposée au contrôle citoyen permanent tout comme l’est désormais l’élu. Elle opère dans un environnement incertain et souffre bien souvent d’une présomption de culpabilité (à juste titre parfois). Et pourtant, la Société projette des attentes de plus en plus fortes sur l’entreprise comme le montre les études d’opinion dans sa prise en charge d’enjeux de société qui dépassent sa seule activité commerciale ou industrielle et que bien souvent l’Etat n’est plus en mesure ou ne souhaite plus assumer.
Changer de logiciel
A cela s’ajoute un sentiment d’accélération du temps dû aux nouvelles technologies qui transforme la démocratie représentative en une “démocratie continue” pour reprendre les mots de Dominique Rousseau. La Société attend de l’entreprise qu’elle ait un impact positif et rapide sur le cours des choses.
Ce nouveau modèle est en train de créer des nouvelles valeurs. Les réunions de couloirs et l’entre soi ont non seulement perdu de leur efficacité mais deviennent un risque. Désormais tout sujet est une “affaire publique” potentielle via un tweet, une vidéo postée sur Facebook ou Youtube. Ce phénomène constitue une révolution copernicienne dans la façon d’appréhender le travail démocratique.
Alors plaidons pour insérer l’entreprise dans le processus décisionnel et l’influencer de façon légitime, assumée et ouverte. Plaidons pour renforcer la légitimité de l’entreprise à faire valoir ses points de vue et défendre ses intérêts ou faire évoluer la Société en pleine lumière. Plaidons pour qu’elle ait la liberté de partager la vision de ses dirigeants et ses solutions de manière assumée, plutôt que de se cacher de peur d’être prise « la main dans le sac ».
Il est urgent que les lobbyistes changent de logiciel et s’adaptent à ce nouveau paradigme. Il est urgent qu’ils mettent en scène l’influence de la décision publique pour la rendre légitime et donc acceptable par tous. Ceci passera inévitablement par une logique collaborative dans l’élaboration des politiques publiques plutôt qu’une logique de rapports de forces ou pire, de connivence. Plaidons pour les nouvelles affaires publiques.
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