Contrairement à l’Iran et la Corée du Nord, plusieurs options s’offraient à la Chine. Alors, pourquoi Pékin a-t-il choisi de soutenir Vladimir Poutine et l’invasion russe en Ukraine ? Officiellement, la Chine ne soutient pas cette invasion, mais dans la pratique, elle est devenue le principal partenaire commercial de la Russie et son principal fournisseur de matériel militaire.
Un article de Frank Lavin pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
À la différence de l’Iran et de la Corée du Nord, qui n’avaient ni relations économiques particulières avec l’Europe ni perspectives d’en développer, la Chine bénéficie d’une économie florissante et de vastes relations commerciales et d’investissement avec l’Europe. En 2023, les échanges commerciaux entre l’UE et la Chine ont été estimés à près de 740 milliards d’euros, soit plus de quatre fois le volume des échanges entre la Russie et la Chine. L’Europe, ayant perdu sa connectivité géopolitique avec l’Asie, est moins perturbée par l’affirmation de la Chine dans la région, contrairement aux États-Unis.
Ces relations entre l’Europe et la Chine étaient mutuellement bénéfiques et méritaient d’être entretenues, surtout dans un contexte de détérioration des relations entre Pékin et Washington. Pourquoi, alors, la Chine a-t-elle choisi de soutenir Poutine ?
Une théorie suggère que ce soutien est le fruit d’une série d’erreurs de calcul. La Chine a initialement soutenu Poutine sans anticiper une invasion à grande échelle ni sa durée ou ses dégâts. Une fois la guerre commencée, il était difficile de revenir en arrière. À ce jour, la perspective d’une victoire de Poutine, ou du moins d’éviter une défaite totale, demeure envisageable.
Une autre théorie avance que l’Europe a rendu cette opération sans conséquence financière. Pékin a été en mesure de maintenir, voire renforcer, ses relations économiques avec l’Europe malgré son soutien à l’invasion russe. L’UE pourrait cependant commencer à imposer un coût économique à la Chine en rejoignant l’Accord de partenariat transpacifique (comme l’a déjà fait le Royaume-Uni) ou en concluant un accord de libre-échange avec Taïwan. Un accord de libre-échange entre l’UE et les États-Unis pourrait également améliorer la compétitivité européenne. Par exemple, tous les produits dont les droits de douane sont inférieurs à 2 % seraient immédiatement exemptés de droits de douane. Même l’adoption d’un simple accord entre les États-Unis et l’UE sur les automobiles ou les véhicules électriques améliorerait la compétitivité de l’Europe. Mais l’Europe semble dans l’impasse et ne voit pas la nécessité d’attribuer un coût au comportement de la Chine.
Sur la plan de la Realpolitik, la Chine voit dans cette situation une opportunité de réduire la crédibilité des États-Unis et de leurs alliés. Une victoire de Poutine, ou même un « match nul », enverrait le message que les engagements de sécurité des États-Unis ne valent pas grand-chose et qu’il pourrait être temps d’envisager un arrangement avec la Chine.
Lors d’une rencontre avec une délégation européenne de haut niveau à San Francisco, il a été vigoureusement contesté que la Chine s’en tire à bon compte. « Nous nous plaignons de leurs actions à chaque fois que nous les rencontrons », a déclaré un fonctionnaire. Cependant, si la réponse de l’UE se limite à des plaintes, alors les actions de la Chine sont effectivement sans conséquence. Plus rassurant, deux membres du Bundestag (l’assemblée parlementaire de la République fédérale d’Allemagne) en visite ont souligné que l’invasion russe constitue une source de grave préoccupation pour l’Allemagne et qu’une réponse politique est nécessaire.
Par conséquent, même si Bruxelles n’a pas d’idées ou d’outils pour réagir, Berlin semble en avoir. Si l’UE se contente de plaintes formelles, elle donne en réalité le feu vert à la Chine. Une réponse plus ferme est indispensable pour montrer que le pari de la Chine contre l’Europe n’était pas le bon choix.
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