La Chine de Xi Jinping opère un saut dans le temps politique pour sauver son économie en revoyant son point de vue sur l’égalité hommes-femmes.
En 1968, Mao Zedong faisait remarquer que « les femmes soutiennent la moitié du ciel ». Cependant, sous l’ère Xi Jinping, qui a débuté en 2012, les allées du pouvoir sont dépourvues de femmes. Pourtant, elles représentent la moitié de la population chinoise qui s’élève à 1,4 milliard d’habitants. Aucune femme ne siège au Politburo, l’organe décisionnel du Parti communiste, qui compte 24 personnes.
Même la composition actuelle du cabinet japonais compte cinq femmes sur 19 membres. Or, le Japon est derrière les Maldives, la Côte d’Ivoire et le Koweït en termes d’égalité des sexes. Le Japon est même derrière l’Arabie saoudite pour ce qui est de la représentation des femmes au parlement.
Pourtant, l’appel de Xi Jinping aux femmes pour qu’elles prennent la responsabilité d’établir une « nouvelle tendance de la famille » afin de placer la Chine sur une meilleure trajectoire démographique et, par extension, sur une trajectoire économique plus dynamique, passe à côté de l’essentiel.
Comme l’a déclaré le dirigeant chinois le 30 octobre : « Il est nécessaire de guider les femmes pour qu’elles jouent le rôle unique qui est le leur en perpétuant les vertus traditionnelles de la nation chinoise et en établissant de bonnes coutumes familiales. » Il a ajouté que « nous devons cultiver activement une nouvelle culture du mariage et de la procréation ».
Malheureusement, Xi Jinping n’a pas mentionné la création d’une nouvelle culture de la parité hommes-femmes. En revanche, il a donné l’impression de jouer dans un épisode de la célèbre série américaine Mad Men avec sa vision sépia de la dynamique patriarcale.
Le dirigeant chinois ne parle pas de politiques visant à renforcer l’égalité hommes-femmes, dont les économistes s’accordent à dire qu’elle est un ingrédient nécessaire à la mise en place d’une économie plus innovante et plus productive. Ding Xuexiang, l’un des principaux adjoints de Xi Jinping, n’a pas non plus repris la formulation standard selon laquelle une plus grande égalité est un pilier du modèle de croissance chinois lors de son discours du 30 octobre devant le Parlement.
Au cours des deux semaines qui ont suivi, le parti de Xi Jinping a eu de nombreuses occasions de dissiper les inquiétudes des groupes favorables aux femmes, qui estiment que la plus grande économie d’Asie connaît une régression préoccupante. À cet égard, il est difficile de ne pas craindre que la Chine ne s’oriente davantage vers le Japon en minimisant le potentiel de la moitié de sa population.
L’idée de Xi Jinping est, en substance, que les femmes restent à la maison pour tomber enceintes ou s’occuper des personnes âgées pour le bien de la patrie. Cela rappelle étrangement la « gaffe de Kinsley » de Hakuo Yanagisawa en 2007. L’ancien ministre de la Santé du Japon a mis les pieds dans le plat en décrivant les femmes comme des « machines à faire des bébés » lors d’un discours sur la baisse de la natalité dans le pays. La gaffe de Hakuo Yanagisawa a nui à la popularité du gouvernement de l’époque, dirigé par le Premier ministre Shinzo Abe. C’est ce qui se produit lorsque l’un de vos ministres insulte la moitié des 126 millions d’habitants de votre pays et que vous refusez de le renvoyer.
Lorsque Shinzo Abe est revenu pour un second mandat en tant que Premier ministre en 2012, il l’a fait en mode féministe intégral. Au moins sur le plan rhétorique, en déclarant que la nouvelle mission du Parti libéral-démocrate (PLD) au pouvoir était de faire « briller » les femmes. Pourtant, le plan « womenomics » du Premier ministre japonais s’est avéré être plus de la poudre aux yeux que de la politique. Lorsqu’il a démissionné fin 2020, le classement du Japon dans l’indice d’égalité des genres du Forum économique mondial s’était dégradé de 19 places, passant de la 101e à la 120e place. Aujourd’hui, le Japon est à la 125e place, ce qui porte atteinte à la réputation de réformateur du Premier ministre Fumio Kishida.
Depuis 2020, le PLD ne semble pas avoir appris grand-chose. En 2021, Yoshiro Mori a été contraint de démissionner de son poste de chef du comité d’organisation des Jeux olympiques de Tokyo pour avoir tenu des propos sexistes. Yoshiro Mori, lui-même ancien Premier ministre, s’est plaint que le fait de laisser parler les femmes membres du conseil d’administration faisait que les réunions « prenaient beaucoup de temps ». Il est devenu un mème populaire et une blague récurrente sur les réseaux sociaux.
Pourtant, l’homme politique japonais dont Xi Jinping semble se moquer le plus est Taro Aso, qui a été Premier ministre en 2008 et 2009 et vice-premier ministre de 2012 à 2021.
Lors d’une audition sur les défis démographiques en février 2019, Taro Aso a déclaré : « Beaucoup de personnes prétendent étrangement que les personnes âgées sont fautives, mais c’est faux. C’est plutôt celles qui ne donnent pas naissance à des enfants qui posent problème. »
Xi Jinping est un peu plus prudent dans ses propos lorsqu’il reproche aux femmes de ne pas faire plus d’enfants. Cependant, il ressemble toujours à un protagoniste masculin de La Servante écarlate de Margaret Atwood. Si le dirigeant chinois consacrait davantage son énergie à déterminer les réelles raisons de la diminution de la population, la Chine se trouverait sur une meilleure trajectoire démographique.
Tout d’abord, Xi Jinping doit se rappeler que la politique de l’enfant unique a placé la Chine face à son dilemme actuel en matière de natalité. Depuis 2016, date à laquelle la politique a pris fin, le gouvernement de Xi Jinping a-t-il mis en place de nouveaux filets de sécurité sociale pour donner aux familles la confiance nécessaire pour se développer ? Pas vraiment. A-t-il fait preuve d’audace et de créativité pour faire face à l’augmentation des coûts de l’éducation et de la garde des enfants ? Non. Des subventions publiques importantes pour encourager la procréation ? Toujours non.
Qu’en est-il de la création d’une culture d’entreprise axée sur la possibilité pour les mères qui travaillent d’avoir également une carrière gratifiante ? Et pourquoi ne pas élever davantage de femmes à des postes de direction au niveau national ? Lorsque l’on demande à des experts en économie de la femme comme Kathy Matsui, cofondatrice de MPower Partners, ce qui manque au Japon, ils répondent l’insuffisance de modèles féminins pour inspirer une véritable rupture.
Pour la Chine, des mesures politiques claires sont nécessaires pour catalyser le baby-boom recherché. Cela signifie moins de discours et de culpabilisation et plus d’action.
Article traduit de Forbes US – Auteur : William Pesek
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