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Planification économique : la Chine s’est encore une fois trompée

Chine
Usine de fabrication de panneaux solaires à Lianyungang, en Chine. | Source : Getty Images

CHINE | Peu d’hommes politiques méritent d’être félicités pour leur clairvoyance et les dirigeants chinois n’échappent pas à ce constat accablant. Face au poids économique de la crise immobilière en cours en Chine, au découragement des consommateurs et des propriétaires d’entreprises privées, Pékin a fait peser le poids de la planification chinoise sur l’industrie manufacturière, en particulier dans les domaines dits de « nouvelles forces productives » (les semi-conducteurs, par exemple, les batteries des véhicules électriques, l’énergie solaire et éolienne).

Article de Milton Ezrati pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

La Chine étant toujours une économie planifiée, l’argent a circulé selon les directives de Pékin. Personne, semble-t-il, ne s’est soucié de savoir où irait la production issue de cette accumulation. L’économie nationale atone n’a aucun moyen de l’absorber, et l’Occident développé était et reste, pour toute une série de raisons, réticent au commerce avec la Chine. Aujourd’hui, le pays dispose dans ces domaines d’une capacité supérieure à celle qu’il (ou quiconque) peut utiliser. Cela n’est pas d’un grand secours pour une économie qui connaît déjà de nombreux problèmes.

 

Une surcapacité gênante

Les États-Unis, l’Europe et le Japon ont tous attiré l’attention sur cette surcapacité gênante. L’Union européenne (UE) a déclaré que c’était la raison pour laquelle la Chine déversait des véhicules électriques (VE) bon marché sur les marchés européens, à tel point que l’UE s’apprête à imposer des droits de douane élevés sur ces produits. Sans surprise, les dirigeants chinois ont nié l’existence d’une quelconque surcapacité. Selon les récentes déclarations du président Xi Jinping, « il n’y a pas de soi-disant problème de surcapacité chinoise ». Selon lui, si les VE chinois affluent en Europe, c’est tout simplement parce qu’ils présentent le meilleur rapport qualité-prix et qu’ils sont donc plus compétitifs que les produits occidentaux. Il a peut-être raison en ce qui concerne la compétitivité des VE chinois, mais cela n’a pas grand-chose à voir avec la surcapacité. Et sur ce point, le flux d’informations en provenance de Chine montre que son démenti est erroné.

Même l’acier, qui ne fait pas partie des « nouvelles forces productives », montre des signes d’excès. La production d’acier a augmenté bien au-delà des besoins nationaux. En 2001, la production d’acier en Chine était à peu près égale à la consommation intérieure. En 2023, la production d’acier dépassait de 5 % la consommation intérieure et, cette année, elle semble devoir la dépasser de 8 %. Bien sûr, cette différence reflète en grande partie l’impact de la crise immobilière et l’effondrement du secteur de la construction. Il s’agit néanmoins d’un excédent. En ce qui concerne les panneaux solaires, qui sont l’un des domaines sélectionnés pour bénéficier d’un soutien particulier, l’excédent est beaucoup plus important. Les installations domestiques sont en effet passées d’un taux de 50 gigawatts l’année dernière à un taux probable de 90 gigawatts cette année. Cependant, la production a largement dépassé ces taux et montre des signes d’augmentation pour atteindre plus de 150 gigawatts cette année. Il est légitime de se demander où la Chine va vendre tous ces panneaux et pourquoi Pékin n’a pas tenu compte de cet aspect au moment d’autoriser l’expansion.

 

Une surcapacité qui exacerbe les problèmes économiques du pays

D’autres mesures, bien que moins directes, révèlent la même chose. L’année dernière, au début de la poussée des « nouvelles forces productives », les dépenses d’investissement dans les équipements électriques et les VE ont fait un bond en avant, augmentant de 40 % pour les premiers et de 25 % pour les seconds, soit bien plus que l’augmentation de 5 % de la capacité de production en général. Cette année, comme pour annoncer que cette augmentation n’était pas justifiée, les dépenses d’investissement dans les équipements électriques et les VE sont retombées et sont désormais un peu plus lentes que l’ensemble des dépenses d’investissement dans l’industrie manufacturière. Cependant, les hausses de dépenses précédentes ont clairement entraîné un excès de capacité. S’il est difficile d’obtenir des mesures directes, la baisse des marges brutes de l’industrie manufacturière en témoigne. À l’heure actuelle, elle est inférieure de près de deux points de pourcentage à sa moyenne à long terme.

Lorsque la Chine était une économie à croissance rapide, les problèmes de surcapacité trouvaient des solutions en seulement une ou deux années de croissance de la demande, souvent moins. À l’inverse, lorsque la Chine était l’atelier du monde, les surcapacités disparaissaient rapidement. Cependant, l’économie chinoise ne connaît pas de croissance rapide et la Chine n’est pas non plus l’atelier du monde. L’erreur que constitue cette accumulation de capacités persistera donc pendant un certain temps encore et aggravera les autres problèmes de l’économie. Il faudra d’autant plus de temps pour débarrasser l’économie chinoise de ce déséquilibre que les pays occidentaux développés et le Japon se sont détournés du commerce avec la Chine, du moins dans la mesure où ils s’y étaient engagés par le passé. Ce n’est pas la première fois que les dirigeants chinois exacerbent les problèmes économiques du pays.

 


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