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Où En Est La « Start-Up Nation » De Macron ?

© Getty Images

Promesse de campagne du candidat Macron, la volonté de faire de la France une « start-up nation » est-elle sur la bonne voie ? S’il est encore trop tôt pour se prononcer pleinement sur la question, quels ont été les premiers signaux envoyés en ce sens depuis l’accession d’Emmanuel Macron à l’Elysée il y a un peu plus de huit mois ? Nicolas Hazard, fondateur de INCO, décrypte pour Forbes France, les efforts à venir pour parvenir à cet ambitieux objectif.

 «Une start-up nation est une nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une start-up. Je veux que la France en soit une», expliquait Emmanuel Macron le 13 avril 2017.  Percevez-vous quelques efforts en ce sens huit mois plus tard ?  

La bonne nouvelle, pour les start-up, avec l’accession à l’Elysée d’Emmanuel Macron, est qu’il inscrit son action en la matière dans la continuité du gouvernement précédent, auteur notamment d’initiatives remarquées comme le label « French Tech » et la mise sur orbite de bpifrance. François Hollande avait à cœur de développer cet écosystème en France et dans le monde et je me réjouis qu’Emmanuel Macron poursuive sur cette lancée. L’économie de demain jaillira de cette formidable énergie d’entreprendre qui engendrera également de nombreux emplois, c’est une évidence.  Pour en revenir à cette « promesse de campagne » de faire de la France une « start-up nation », le président de la République a rapidement pris la mesure de l’enjeu mais nous n’en sommes qu’au début. Comme vous le signalez, il n’est en place que depuis huit mois et nous attendons maintenant des actes concrets. Et je suis persuadé qu’il y en aura, au regard de la motivation et de l’enthousiasme du chef de l’Etat à ce sujet.

Sur quels axes vous semble-t-il intéressant de travailler pour justement aboutir à la « doléance présidentielle » ?

Aujourd’hui, les hommes blancs issus de grandes écoles constituent la très grande majorité des créateurs d’entreprises.  Nous passons ainsi à côté d’énormément de profils qui auraient également vocation à entreprendre.  Cela me semble être une réflexion intéressante à mener, tout comme l’implication de davantage de femmes dans l’entrepreneuriat.  Nous avons également besoin de start-up qui créent de l’emploi local et qui répondent aux grandes problématiques sociales et environnementales. Il faut que ces jeunes entreprises soient le reflet de la société dans laquelle nous avons envie de vivre.  Et c’est précisément sur ce point que le gouvernement a un véritable travail de fond à mener au cours des cinq prochaines années et j’espère qu’il s’attellera pleinement à cette tâche avec beaucoup d’ambitions et d’entrain.

Si l’élan entrepreneurial est indéniable dans l’Hexagone, encore davantage avec les initiatives évoquées en préambule, comment expliquez-vous que la France ne compte que deux « licornes » (entreprises valorisées à plus d’un milliard d’euros, CB Insights en a ainsi recensé 215 dans le monde) ? Diriez-vous que la France n’est pas encore une terre suffisamment fertile pour faire grandir ces jeunes pousses ?

Pour moi ce n’est pas le problème principal même si moult observateurs déplorent, en effet, le manque de licornes dans l’Hexagone. Il convient d’abord de réfléchir au « modèle » d’entreprise que nous souhaitons. Si une licorne, certes valorisée à un milliard, ne crée pas d’emploi et n’apporte rien à l’économie française, si ce n’est le prestige d’en posséder une en France, où sont l’intérêt et la plus-value ? Si c’est cela la manière d’œuvrer à l’émergence d’une « start-up nation », nous faisons fausse route.  Ce qui m’intéresse davantage c’est que nous investissions dans des entreprises, en l’occurrence des start-up, qui ont un fort potentiel de croissance et de création de richesses sur le territoire.  Plutôt que maximiser le nombre de licornes, je préfère largement que nous mettions en exergue les entreprises, notamment les TPE et les ETI, qui peuvent, à terme, avoir l’impact économique le plus important sur la société française.

La « start-up nation » de Macron a connu un premier accroc cet automne avec le départ de SeaBubbles pour la Suisse, l’entreprise du navigateur Alain Thébault étant lassée de l’inertie administrative française. Comment remédier à cette situation ? La réglementation demeure-t-elle encore aujourd’hui un frein à la création ?

Effectivement, il existe encore des freins en termes de simplification et c’était d’ailleurs l’une des ambitions du gouvernement Hollande, à savoir créer ce fameux « choc de simplification » pour essayer de faciliter les démarches pour les créateurs d’entreprises. Les pouvoirs publics doivent rendre l’entrepreneuriat encore plus accessible, et pas seulement pour une poignée de personnes disposant de tous les réseaux et de tous les contacts. Au-delà des freins et des lourdeurs administratives, je pense qu’il y une culture de l’entrepreneuriat à développer. Il y a encore trop de jeunes en France qui ne savent pas que l’entrepreneuriat est une option et qui n’ont pas la possibilité d’être davantage mis en contact et en relation avec les entreprises et les entrepreneurs.  En finir enfin également avec cette antienne française qui veut que l’entrepreneur ne soit qu’un salaud de patron.

Au-delà de ces considérations, n’existe-il pas un problème au niveau de la prise de risques en France, notamment en matière d’investissement ?

Tout à fait. Aujourd’hui, les grandes banques françaises n’ont pas pris la mesure de cette culture du risque, là où d’autres nations sont bien plus performantes que nous. Aux Etats-Unis, par exemple, il y a énormément de fonds de capital-risque qui, à l’inverse, savent que sur 20 entreprises au sein desquelles elles vont investir, 19 d’entre elles vont se ‘planter’.  En France, la peur de l’échec est encore prédominante. Il convient donc, ici aussi, de développer la culture de la prise de risques avec des outils financiers adaptés par exemple. Le processus entrepreneurial n’est pas gage de succès à 100%. L’échec fait partie intégrante de l’entrepreneur. C’est peut-être encore ce qui fait défaut à la France pour devenir une véritable « start-up nation »

Justement, à vos yeux, quels pays peuvent revendiquer légitimement cette appellation ?

La start-up nation par excellence n’est autre qu’Israël.  Ce pays abrite en son sein tous les éléments que j’ai développés précédemment : une culture du risque, de l’investissement, de l’entrepreneuriat. Tout ce qui, en l’état, manque encore à la France pour franchir une étape supplémentaire dans son processus.  Bien entendu, les Etats-Unis appartiennent également à cette catégorie, le plus bel exemple étant la Silicon Valley qui rassemble autour d’une même table  les financiers, les entrepreneurs, les multinationales voire même les pouvoirs publics dans une moindre mesure. Toutes les conditions sont réunies pour faire confiance à la jeune génération qui doit prendre les rênes de l’économie de demain. Je me répète mais cette notion de risque est particulièrement prégnante dans ces pays et nous fais grandement défaut en Europe. Tant que nous serons aussi frileux sur cette question,  la « start-up nation » ne restera qu’un lointain mirage.

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