Depuis la mort de George Floyd, un Afro-américain de 46 ans victime de violences policières à Minneapolis, l’indignation citoyenne ne faiblit pas. Depuis une semaine, les Etats-Unis s’embrasent chaque jour davantage dans la violence. Anonymes, personnalités, édiles, laissent éclater leur colère tout en appelant à une prise de conscience collective pour « libérer l’Amérique de ses démons racistes ». L’onde de choc a largement dépassé les frontières du pays. Retour sur une semaine aux accents insurrectionnels.
Lundi 25 mai : George Floyd est arrêté par la police de Minneapolis (Etat du Minnesota, nord des Etats-Unis) devant plusieurs témoins, dont une passante qui décide de filmer la scène sur Facebook Live. Soupçonné d’avoir voulu écouler un faux billet de 20 dollars, cet Afro-américain de 46 ans est violemment appréhendé par un équipage de police. Alors que le quadragénaire n’oppose aucune résistance à son arrestation, l’un des agents, Derek Chauvin, le plaque au sol sur le ventre en pratiquant une clef d’étranglement. Pendant de longues minutes, l’homme est immobilisé par le policier qui maintient son genou sur son cou. George Floyd gémit de douleur et répète à plusieurs reprises : « I can’t breathe » (« Je ne peux pas respirer ») mais l’officier continue à maintenir la pression, durant neuf minutes. La victime finit pas perdre connaissance. Plusieurs passants laissent éclater leur colère et interpellent les policiers : « Il ne respire plus, il ne bouge plus, prenez son pouls ». La séquence est insoutenable. Evacué à l’hôpital, Georges Floyd décédera peu après.
Dans la soirée, un porte-parole de la police décrit un homme – incontrôlable – qui aurait résisté à son interpellation. La thèse est rapidement fragilisée par des images captées par un magasin à proximité et par les déclarations à charge des témoins. La vidéo d’un George Floyd menotté et à l’écoute des directives de police devient rapidement virale. Choqués, de nombreux Américains parlent de meurtre de sang-froid commis par l’agent Derek Chauvin. Anonymes et célèbres laissent éclater leur colère sur les réseaux sociaux à travers les mots-dièse #Georgefloydmurder #Blacklivesmatter : un mouvement militant qui se mobilise contre les violences policières systémiques outre-Atlantique envers les personnes de couleur. Des habitants de Minneapolis décident spontanément de manifester devant le commissariat de la ville.
Mardi 26 mai : La colère ne retombe pas. Le maire de la ville, Jacob Frey, convoque une conférence de presse dans laquelle il dénonce : « Etre Noir aux Etats-Unis ne devrait pas être une condamnation à mort ! ». La famille de George Floyd accuse la police de « racisme » et « d’usage excessif et inhumain » de la force. L’affaire prend une ampleur nationale, les déclarations politiques de tous bords se succèdent. L’ancien vice-président Joe Biden et candidat démocrate à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain, pointe « La plaie béante du racisme institutionnel » ; le sénateur démocrate de Californie Kamala Harris évoque : « La triste réalité. Ce qui est arrivé à George Floyd, Ahmaud Arbery et Christian Cooper s’est perpétué pendant des générations aux Noirs américains de tout âge. Les téléphones portables l’ont rendu plus visible. » ; le président Donald Trump affirme pour sa part : « Comprendre la douleur de la famille de la victime » dénonçant par ailleurs « son intolérance vis-à-vis d’actes de violence recensés dans la ville et dans d’autres Etats. ».
Sous pression populaire et médiatique, les quatre agents de la police impliqués dans la mort de George Floyd sont limogés en attendant les conclusions de l’enquête interne. La mesure est immédiatement dénoncée par la famille de George Floyd et ses nombreux soutiens qui rappellent le caractère meurtrier de l’intervention. Car parmi les chefs d’accusation retenus contre Derek Chauvin, l’acte « involontaire » le dédouane d’ores et déjà à demi-mot. La presse US s’empare du fait divers et enquête sur le passé de ce policier blanc de 44 ans. Les journalistes mettent à jour le profil d’un homme notoirement connu pour sa violence envers les minorités : 17 plaintes ont été formulées contre lui auprès de la police locale. Une seule a donné lieu à des sanctions disciplinaires, sous la forme de deux lettres de réprimande.
Le torrent de révélations enflamme les esprits.
Mercredi 27 mai : Les manifestations se transforment en émeute. Les Etats voisins et les grandes métropoles comme New York, Los Angeles, Chicago, Denver ou Austin sont en proie à de virulentes manifestations. Pendant que des personnalités à l’image de Beyoncé ou Rihanna énumèrent « 23 façons dont vous pourriez être tué si vous êtes noir aux Etats-Unis » à coups de posts sur les réseaux sociaux, les Afro-américains sont rejoints dans les rangs par de nombreux concitoyens blancs. Ces-derniers affichent leur volonté de « former un cordon de sécurité » entre policiers et manifestants noirs. Il est aussi question pour eux de ne pas laisser les suprémacistes blancs « occuper l’espace et attiser la haine interraciale ». La situation est également de plus en plus commentée à l’internationale, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, écrit : « De nombreux Canadiens de toutes origines regardent les informations en provenance des Etats-Unis avec stupéfaction et horreur. Le racisme est réel : il est présent aux Etats-Unis mais aussi au Canada ».
Jeudi 28 mai : Dans la nuit du 27 au 28 mai, des manifestants ont incendiés le commissariat de police de Minneapolis où travaillaient les officiers incriminés. La tension monte d’un cran. « Nous savons qu’il y a beaucoup de colère. Nous savons qu’il y a beaucoup de blessures. Mais nous ne pouvons tolérer que certains s’en servent comme occasion pour perpétrer des délits », déplore Todd Axtel, le directeur de la police de la ville. De son côté, le gouverneur de l’État du Minnesota Tim Walz, a signé un décret pour autoriser l’intervention de la garde nationale. « La mort de George Floyd doit apporter de la justice et des réformes de fond, pas plus de morts et de destruction », énonce-t-il dans un communiqué. Dans un tweet, le président Donald Trump a affiché son plein soutien aux officiels : « Je viens de parler au gouverneur Tim Walz et je lui ai dit que l’armée était avec lui tout le temps. À la moindre difficulté, nous prendrons le contrôle mais, quand le pillage commence, les tirs commencent. ». Interprété comme une incitation « à tirer sur les manifestants », la déclaration présidentielle est loin d’apaiser les esprits. Si bien que le réseau social Twitter, a déclenché sa procédure de signalement à l’encontre de ce tweet tombant sous le coup de « l’incitation à la haine». Le post est désormais masqué dans les fils d’actualité et assorti d’un message de modération « Ce contenu a enfreint les règles de Twitter relatives à la glorification de la violence ».
Vendredi 29 mai : Cette-fois, l’Amérique se réveille en découvrant qu’une équipe de la chaîne américaine d’information en continu CNN a été arrêtée par la police alors qu’elle couvrait les émeutes à Minneapolis. Les journalistes ont été libérés quelques heures après. Cette grave entorse à la liberté d’informer s’ajoute à la guerre des images et à la surenchère des mots. Ainsi, plusieurs villes ont mobilisé les forces de la garde nationale pour faire face à la violence insurrectionnelle. Des couvre-feux ont aussi été décrétés à Minneapolis, Chicago, Seattle, Portland, Atlanta, Los Angeles, Cleveland, Pittsburgh, Philadelphie…Néanmoins, les événements du week-end ont démontré que ces mesures n’avaient pas dissuadé les manifestants. En effet, les protestataires s’expriment dans un contexte particulier qui est celui de la pandémie de Covid-19, d’une envolée du chômage à un taux record et d’une année d’échéance électorale. Des cortèges citoyens ont afflué à Washington devant la Maison-Blanche mettant sous pression le Secret Service en charge de la sécurité présidentielle. Dans d’autres villes, les images de policiers US en larmes, déposant symboliquement un genou au sol, ont fait le tour du monde.
En ce week-end de la Pentecôte, la grogne ne faiblit pas. Des éléments radicaux ont par ailleurs infiltré les manifestations donnant lieu à de nombreuses scènes de pillages. Le candidat démocrate en lice pour le bureau ovale, Joe Biden, a condamné le déchaînement de violences en ces termes : « Manifester contre une telle brutalité policière est un droit et une nécessité (…) Mettre le feu à des villes et la destruction gratuite ne l’est pas. ». A la lumière des événements de cette semaine, l’historien spécialiste des Etats-Unis et professeur à Sciences Po Paris, Pap Ndiaye, a livré son analyse sur Franceinfo : « Donald Trump excite et joue aussi, semble-t-il, la campagne électorale, en voulant mobiliser une partie de ses supporters au nom de l’ordre ». D’ailleurs, le Républicain a lancé un appel à la mobilisation auprès de ses partisans en les invitant à « organiser une manifestation de soutien » à son nom devant la Maison Blanche.
Autres faits marquants du week-end, les rassemblements de soutien enregistrés à Toronto, Berlin, Rome ou Londres sous le cri de ralliement : « No justice, no peace » (pas de justice, pas de paix). En France, l’indignation s’exprime principalement sur les réseaux sociaux. Dans une récente Tribune parue dans les colonnes de Libération, de nombreuses personnalités françaises, ainsi que la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), ont partagé leurs inquiétudes vis-à-vis de la proposition de Loi du député LR, Eric Ciotti, visant à interdire la diffusion des images de policiers dans l’exercice de leurs fonctions. Ce moyen permettant de protéger autant les policiers que les citoyens d’éventuelles contestations et divergences. Parmi les signataires, on dénombre les actrices Adèle Haenel et Marina Fois, les chanteuses Angèle et Camélia Jordana, les acteurs Omar Sy et Vincent Cassel, le champion du monde Lilian Thuram, la romancière Faïza Guène, l’animatrice Enora Malagré ou l’universitaire Pascal Boniface.
Enfin, le puissant collectif ‘Anonymous’ a mené une cyber-attaque ciblant le département de police de Minneapolis. Les hackers ont annoncé l’imminence de prochaines actions.
George Floyd est devenu le symbole d’une Amérique qui ne veut plus se fracturer sur les questions de racisme.
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