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L’Intérêt De La France Pour Les Prochaines Élections En Italie

Au mois de décembre, un peu avant la date prévue pour la fin de la XVIIème législature, le président de la République, Sergio Mattarella, a dissous le Parlement par un décret, en convoquant des élections anticipées pour le 4 mars 2018. Les Italiens sont appelés aux urnes pour renouveler les 630 membres de la Chambre des Députés en plus des 315 sénateurs éligibles. La septième élection depuis le début de la « Deuxième République » semble présenter un résultat incertain, dont les conséquences pourraient traverser les Alpes.

Les bonnes relations transalpines

La France est le troisième pays qui investit le plus en Italie avec un stock d’investissements directs à l’étranger représentant 18 % du total. De l’autre côté, l’Italie représente 5 % du total d’investissements directs à l’étranger français. Dans l’absolu, ce montant s’élève environ à 62 millions d’euros. Le secteur des services représente les trois quarts du stock, avec en tête de liste les banques et les assurances. En 2016, les échanges de biens entre les deux pays ont augmenté de 2 % par rapport à l’année précédente : 7 % des exportations françaises sont destinées à l’Italie. Malgré une augmentation des exportations françaises vers son partenaire transalpin, le déficit commercial avec l’Italie a été d’environ 12 milliards d’euros. Concernant les échanges commerciaux de services, la France est le premier fournisseur italien avec une part de marché de 9 %.

La France et l’Italie sont des partenaires prioritaires, tant sur le plan politique que sur le plan économique. Depuis 1982, de nombreux intérêts communs sont discutés chaque année lors d’un sommet bilatéral. La trente-quatrième rencontre franco-italienne a eu lieu en septembre. Le nouvel élan que l’Elysée veut donner au processus de construction européenne a été palpable.

Un nouveau signe de force de l’euroscepticisme

Depuis la crise de la zone euro, l’Italie a cessé d’être un des pays les plus europhiles pour devenir un pays qui a réduit de moitié son soutien au projet commun européen. Les sondages d’opinion démontrent que les Italiens tout comme les Grecs sont les plus hostiles envers les institutions communautaires ; en outre, ce sont ceux qui cultivent le moins le sentiment d’appartenance à l’UE. Une étude du Pew Research Centre publiée en juin a révélé que les Italiens sont les seuls à avoir durci leur position envers l’UE après le Brexit. Tandis que les Français déclarent avoir une confiance toute relative dans les institutions européennes, les Italiens éprouvent non seulement le même sentiment mais souhaitent de surcroît quitter l’UE. L’Italie est le pays dont l’euroscepticisme est le plus étroitement lié au rejet de l’euro et il est, avec la Lituanie, le plus opposé à la monnaie unique.

Les partis eurosceptiques qui ont peuplé le paysage politique italien menacent d’affaiblir ou de briser les ponts construits pendant des décennies avec le reste de la zone euro. À droite, les nationaux-conservateurs Fratelli d’Italia (FdI) de Giorgia Meloni partagent des méfiances avec les régionalistes Lega Nord (LN) de Matteo Salvini, d’autre part, le parti populiste Movimento 5 Stelle (M5S) de Luigi di Maio s’oppose fermement aux démocraties représentatives. Ces deux derniers partis ont accumulé un pouvoir considérable ces derniers temps en raison de l’incessant discrédit de la politique italienne en place, en particulier depuis la crise de la zone euro, une caractéristique commune à d’autres pays voisins.

Le M5S et la coalition des partis de centre-gauche sont à égalité dans les sondages. Le centre-gauche est dirigé par le Partito Democratico (PD) de Matteo Renzi, une formation qui représente la quasi-totalité des soutiens de la coalition. Les sondages donnent un avantage de près de dix points sur ces deux formations à la coalition de droite dirigée par Silvio Berlusconi, candidat du parti libéral conservateur Forza Italia (FI), dans laquelle sont également présents les deux partis eurosceptiques de droite.

En dehors des trois principaux pôles dans autour desquels s’articule le paysage politique italien, se présente Pietro Grasso, le président par intérim du Sénat, candidat du parti Liberi e Uguali, né de la scission de gauche du PD contraire à Matteo Renzi, auquel s’est joint le parti Sinistra Ecologia Libertà.

Les résultats que l’on peut espérer des élections

Les élections testeront la nouvelle loi électorale, surnommée Rosatellum bis, qui semble dans l’incapacité de faciliter suffisamment la formation de majorités favorisant la naissance d’un gouvernement stable dans le contexte actuel. Pour les deux chambres du Parlement italien, la nouvelle loi impose que 37 % des sièges soient élus par des collèges uninominaux (ce qui implique implicitement une prime à la liste arrivée en tête), 61 % des députés seront élus proportionnellement (par la méthode d’Hondt), tandis que le 2 % des sièges restants représenteront les Italiens résidant à l’étranger (également élus proportionnellement). Finalement, les élections se déroulent sur un seul tour et un seuil minimal de 3 % est nécessaire pour être représenté au Parlement.

Depuis l’élection de Luigi di Maio, le PD a progressivement perdu du terrain. Les luttes fratricides tout au long de la législature lui ont fait perdre progressivement l’avantage considérable que le PD avait par rapport au M5S. Un scénario à considérer après lecture des sondages serait celui d’un accord entre le PD et FI, dont les dirigeants entretiennent une relation cordiale et pragmatique. De plus, les divergences entre les partis de droite ne font que démontrer la fragilité de la coalition. D’autre part, la probabilité d’un accord entre le M5S, LN et FdI reste très faible.

Mais, qui serait le candidat au poste de Premier ministre ? Le référendum de l’année 2016 a été considéré comme un plébiscite pour Matteo Renzi, ce qui rend son retour au Palais Chigi peu probable. Paolo Gentiloni, aussi membre du PD, est un homme de consensus entre les partis traditionnels qui a également une popularité plus élevée par rapport au reste des dirigeants politiques du pays. Un nouveau mandat ne peut pas être écarté. Le rôle que pourrait jouer à l’avenir Pier Carlo Padoan, ministre de l’Economie et des Finances avec Paolo Gentiloni, ancien chef économiste de l’OCDE, devrait également être pris en considération. Ce qui semble moins probable, c’est qu’un membre de FI opte pour le poste. L’inéligibilité de Silvio Berlusconi jusqu’à l’année 2019 l’obligerait à trouver un remplaçant au sein de son parti, une option qui semble improbable.

La victoire de la coalition de droite ne résoudra pas le problème qui détériore le pilier principal de ce spectre politique, FI. Silvio Berlusconi a été à la tête de la droite italienne pendant plus de vingt ans grâce à son parti créé autour de sa personne. Une fois le projet épuisé, il Cavaliere laisse derrière lui un désert politique, sans idée ni dirigeant pouvant représenter une véritable alternative politique.

La France et l’Italie se trouvent à nouveau dans une période où l’économie est en mesure d’améliorer leurs perspectives, si les conditions favorables se maintiennent tant au niveau national qu’européen. Un changement de direction dans la politique italienne pourrait facilement nuire aux fondamentaux qui sous-tendent l’amélioration économique de la zone euro. Si les mesures visant à accroître la compétitivité de l’économie ou l’assainissement des bilans bancaires ont donné des résultats satisfaisants, les réformes qui influencent directement la vie des Italiens n’ont pas eu le résultat attendu, comme dans le cas de la réforme du marché du travail. Cependant, les sondages d’opinion montrent que les Italiens sont conscients de la nécessité de mener des réformes structurelles mais qu’ils s’opposent fermement à ceux qui se présentent. Les investisseurs et partenaires économiques de l’Italie scruteront avec intérêt les résultats des élections et les négociations qui suivront pour former une coalition.

Article rédigé par Alberto González de Aledo Pérez, BSI Economics

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