« Europe d’occasion, un peu servi mais récemment délaissée, cherche repreneur capable de ré-enchanter son avenir avant disparition par implosion ». Voilà la petite annonce que chacun, en entendant les refrains assassins poussés à l’unisson les populistes de tous poils concernant l’Europe, pourrait avoir envie de passer sur le Bon Coin, tant seul le digital semble pouvoir sauver le soldat Europe.
Pour donner une envie commune à des peuples que tout sépare, il faut une utopie commune. C’est ainsi que se sont construites, depuis la révolution industrielle, les nations, les relations internationales. L’appétit pour l’étranger n’est pas ce qui caractérise le plus l’être humain qui tend à se replier sur lui même et son cercle proche et avoir une réelle méfiance pour ce qui ne lui ressemble pas. La capacité de l’homme à accepter des règles communes à partager avec ces affreux étrangers était liée à son intérêt égoïste. Il fallait que ces règles puissent lui rapporter quelque chose. Au delà de 150 individus dans une communauté, l’homme perd le sens de l’urgence de la relation humaine, n’en comprends plus les règles car il n’en connaît plus les membres. Il faut donc une force supérieure pour qu’il accepte de se lier à des inconnus.
On inventa ainsi tout au long de l’histoire de l’humanité, avec une belle régularité et une incroyable créativité des outils aussi puissants que la religion, le capitalisme, une religion économique, la monnaie, les Etats, les droits de l’homme, bref tout ce que la nature n’avait pas mis dans la version de base du véhicule, mais dont l’homme a fait une option obligatoire. Une utopie, une règle supérieure qui permettait de se reconnaître des règles de fonctionnement communes avec les barbares (les autres, l’étranger dans son sens originel).
Pour que l’Europe retrouve cette capacité, si elle l’a jamais eue, elle va devoir recréer une utopie qui puisse donner envie aux citoyens de son espace, trop large, trop vite constitué, trop divers, de se soumettre à des règles communes. L’Europe a pu « vendre » cette utopie en promettant un espace qui échapperait enfin à la guerre. Cette promesse plutôt bien tenue, est désormais obsolète. Les gens n’y attribuent plus de valeur. Trop loin, dépassé, déjà vu.
La plupart en voient les défauts, les dérives, réelles ou fantasmées, mais plus nombreux encore sont ceux qui constatent que l’Europe n’aura pu combattre la fatalité que nos économies doivent confronter si elles ont l’ambition de se maintenir : Le déclassement. Le constat que les nouvelles générations n’élèvent plus la condition de leurs ascendants. Le constat que la situation des plus faibles devient intenable et que celles des autres est en grand péril. Le constat que la classe moyenne, colonne vertébrale de notre système, s’écroule, lentement mais surement. Le constat que l’Europe n’a pu malgré ses promesses d’un espace plus prospère, endiguer la montée du chômage et de la précarité des salariés. L’Europe pour nombre d’entre eux, c’est l’échec de la technocratie aveugle. Aveugle sauf à ses propres intérêts. A tel point que chaque nouvelle norme est vécue comme une atteinte à l’identité nationale, aux particularismes, au savoir-faire nationaux au profit d’une offre mondialisée qui garantit uniformité, gommage de la vertu de la diversité et renonciation à sa « famille ». Or l’homme ne peut accepter ces règles qu’à la seule condition que le bénéfice soit plus important que le coût. Ce n’est plus le cas. Il faut donc se poser les bonnes questions et n’en oublier aucune.
Si la richesse ne fait pas le bonheur, elle fait rarement le malheur. Cette phrase inventée par les riches ne fait aucun sens pour celui qui est à découvert dès le 2 du mois. Et ils sont de plus en plus nombreux. Il faut donc démontrer la capacité de l’Europe à créer une nouvelle économie de croissance, une élévation des peuples par le porte monnaie et l’emploi, une suprématie qui ne soit pas que le simple résultat de courbes statistiques et d’empilement de chiffres sur un tableur excel. Ces calculs ne parlent pas au plus grand nombre. Car ils n’en vivent pas les avantages, les bénéfices. Le cœur du réacteur de l’Europe, ce qui assurera une fusion des atomes citoyens, c’est la croissance économique. Cette notion qui fit décoller l’Europe au 18ème siècle quand elle partit à la conquête du monde par bateau, et permit, avec l’invention du capitalisme par Adam Smith en 1728, de bâtir une société qui attribuait à l’avenir la certitude d’un monde meilleur. Rêve totalement disparu depuis. Le Royaume « Uni » en a donné un exemple « éblouissant » et retentissant. Les économistes leur disaient « tout va bien, 4,5% de chômage, et leur porte monnaie l’exact contraire !!
L’Europe doit monter un plan de rebond mondial par la conquête économique. Seule condition pour qu’elle puisse revendiquer une union plus forte, et pourtant indispensable. L’Europe devra devenir fédérale ou cesser d’exister. Les véritables pouvoirs du monde sont ceux qui conjuguent pouvoir économique, militaire et de politique étrangère. Les autres ne sont que des mimes. L’Europe est pour le moment un mime. Aucun pouvoir d’aucune sorte et un glissement économique certain. C’est ce que ressentent les citoyens, et leur perception, réelle ou non, sera toujours plus forte que la réalité. Tant que le droit de vote existera. Pour le devenir, elle devra prouver sa capacité à enrichir ses citoyens. Il faut donc lancer un plan géant de croissance économique. Pas facile dans un espace dans lequel tous les sprinters ne partent pas avec le même handicap, ni le même niveau.
Néanmoins il existe une certitude assez simple : le digital, le numérique, les données, l’intelligence artificielle, la robotisation, vont donner à quelques uns la clé de la domination du monde. A terme prévisible en tous cas. L’Europe doit donc mettre tous ses jetons sur ces numéros pairs sans commettre d’impair !
Il en existe une seconde : Les PME sont la clé de l’emploi, mais leur taille n’est pas suffisante pour jouer un rôle mondial. Il faut donc les muscler pour qu’elle soulève le monde et non une partie de celui –ci. Il faudra passer au sur-vitaminé et sur-protéiné, car la graisse n’est pas de mise dans ce monde fluide du digital.
La priorité consiste donc à faire des PME le fer de lance d’une conquête mondiale sans états d’âme, débarrassée de notre naïveté sur la protection et les lois de la concurrence, y investir plus de 100 milliards en 3 ans, et leur donner un environnement favorable afin qu’elles atteignent la taille critique et que l’Europe soit leur berceau, la mère qui les allaite avant de les laisser se frotter violemment dans la cour des grands. Nous devons élever des géants à vitesse accélérée, à coup d’hormones de croissance dans un milieu protégé, afin qu’elles partent ensuite à la conquête du monde, forte d’un marché Européen. Tout l’enjeu de la survie de l’Europe et de nos économies tient dans cette décision. Il n’y a pas de places pour les petits, en tous cas, pour prétendre jouer avec les leaders. Les USA, les Chinois, protègent, de façon différente, mais protègent leurs bébés, et aussi leurs ados. Nous devons en faire autant.
Si les citoyens reprennent confiance en l’Europe, par l’élévation sociale et économique, par la mise en avant de modèles différents plus respectueux de l’homme, alors l’Europe pourra à nouveau demander de se faire voter la confiance et aller au delà du stade auquel elle plafonne. Elle doit rendre le citoyen fier et devenir aussi l’un des gendarmes du monde. Aux côtés des Américains, des Chinois et des Russes. C’est la seconde utopie, celle du super héros, qui peut faire vibrer les foules, si le super héros gagne à la fin. Sans champion, pas d’Europe. Sans bras, pas de chocolat. Cash and run. Fast and furious. Et vite !
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