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Les Souverainistes A L’Abordage

© Commons. Wikimedia
Le président de "Debout la France", véritable pourfendeur de l'Union européenne.

Galvanisés par les résultats du scrutin britannique, qu’ils espèrent imposer à la France – le néologisme « Frexit » commençant déjà à faire florès dans les éléments de langage – les souverainistes de tous horizons fourbissent leurs armes et espèrent désormais faire davantage résonner leurs voix dans la perspective des prochaines échéances électorales.

Longtemps mis au ban, raillés, voire carrément inaudibles, les souverainistes savourent leur revanche, le scrutin référendaire au Royaume-Uni ayant permis de mettre en exergue leur(s) combat(s) et leurs thèses qu’ils espèrent désormais imposer dans le débat public en France. Marine Le Pen, en pourfendeuse en chef de l’Union européenne, dégainera la première en appelant de ses vœux, une consultation similaire sur le territoire français, allant même jusqu’à qualifier la victoire des eurosceptiques outre-Manche, de « victoire de la liberté ».

Depuis Maastricht, en effet,  le FN accuse Bruxelles de la plupart des maux qui accablent la France, que ce soit en matière d’immigration ou de mise en place de politiques ultralibérales. Toutes ces « tares » sont imputables, aux yeux du parti frontiste, à l’Union européenne. Pourtant, la sortie de l’Europe, désormais cheval de bataille du Front national, n’a pas toujours eu droit de cité dans le parti. En 1978, la formation alors dirigée par Jean-Marie Le Pen, dans son programme économique baptisé « Droite et démocratie économique »,  plaidait pour une monnaie européenne, vœux exaucé en 1992 dans le fameux traité, mais également pour une européisation des forces armées.

Mais « la décomposition de l’Union européenne » et la souveraineté retrouvée de la nation désormais si chère à Marine Le Pen, fait également office de sacerdoce, pour Nicolas Dupont-Aignan. Si la question européenne a longtemps désintéressé les Français, le président de « Debout la France » a eu le mérite de la prendre à bras le corps, quitte à susciter les moqueries de ses adversaires et des observateurs, le jugeant trop « obsédé » par cette question jusqu’à se noyer, aux yeux de certains, dans un magma informe de souverainisme teinté de populisme.

Pourtant, le maire de Yerres a continué de jouer sa propre partition, en dépit des critiques, se réjouissant « de la mort clinique » de « cette » Union européenne, souhaitant que cette dernière se transforme en « organisation européenne confédérale, souple et volontariste », similaire à « l’Europe des Nations chère au général de Gaulle ». La route est encore longue.


L’ombre du Général de Gaulle 

Revendiquant à l’envie cette posture « gaullienne », l’ancienne plume de Nicolas Sarkozy et député Les Républicains, Henri Guaino appartient à ce courant des souverainistes et revendique également la « liquidation de l’Europe » pour reconstruire sur des bases « plus saines ». « Pour sauver l’Europe, il faut liquider ce monstre bureaucratique et juridique et construire autre chose. En commençant par cesser de confondre l’Europe, réalité historique, géographique, culturelle, avec l’UE, construction institutionnelle, artificielle, et transitoire », évoque le candidat à la primaire, dans les colonnes du Figaro.

Dès lors, ces « bonnes volontés », chantre du « sauvetage de l’Europe » n’auraient-elles pas intérêt à unir leurs forces pour peser plus lourdement et ainsi donner encore davantage de résonance à leur message, alors que les passerelles et les mains tendues se multiplient, notamment de la part de Marine Le Pen, à l’égard de Nicolas Dupont-Aignan.

L’union fait la force ?

Une « fausse-bonne idée » pour Emmanuelle Reungoat, chercheuse au Centre d’études politiques de l’Europe latine et maître de conférences en science politique à l’Université de Montpellier, qui estime dans les colonnes de l’Opinion, qu’il sera difficile de pérenniser une véritable force souverainiste en France en raison des divergences existantes entre tous ces courants évoqués précédemment. « Ce ne sont pas les mêmes valeurs économiques, sociales, identitaires, culturelles. Sur un plan stratégique, cela brouillerait leur message idéologique. Et en termes d’organisation, ça n’est pas crédible. »

Et de remiser « ad vitam eternam » la possibilité d’un véritable parti souverainiste en France ? Les précédents n’incitent guère à l’optimisme, à l’instar d’un Jean-Pierre Chevènement, qui a tenté de déplacer le clivage gauche-droite, vers un pôle « pro-européen / eurosceptiques », ou encore les échecs de Philippe de Villiers associé à Charles Pasqua à la fin des années 90. Si les souverainistes ont actuellement le vent en poupe, ils devront également faire attention à ne pas basculer par-dessus bord, et ainsi sombrer dans les abysses de la division et de l’oubli. Comme leurs « glorieux » aînés.

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