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« Les français ne demandent pas de la jeunesse mais du renouvellement »

politiqueFRANCE – JANUARY 01: Flags fly on flagpoles outside Assemble Nationale, Palais Bourbon, Central Paris, France

Les élections européennes qui se dérouleront le 9 juin prochain sont marquées par un phénomène inédit : les principales têtes de liste sont presque toutes des trentenaires ! Pourquoi un rajeunissement aussi soudain ? De quoi ou de qui est-il le nom ? Nous avons posé ces questions au politologue. 

Cet article est issu du numéro 26 – printemps 2024, de Forbes France, en kiosque

 

Frédéric Dabi, directeur du pôle Opinions de l’Ifop

D’où vient ce vent de jeunesse qui souffle sur la vie politique française, notamment à l’occasion de la campagne pour les élections européennes ?

FRÉDÉRIC DABI : Il vient de loin. Le phénomène remonte aux municipales de 2014. La gauche perd, cette année-là, 170 villes assez importantes, et arrivent des personnalités jeunes de la droite et du centre. L’élection présidentielle de 2017 qui a vu la victoire du plus jeune président de la Ve République a amplifié le phénomène.

Ce sont les Français qui veulent plus de jeunes aux responsabilités ?

F.D. : Pas vraiment, en fait. Dans nos études qualitatives, ce critère de jeunesse n’apparaît que de façon marginale. En revanche, les personnes interrogées disent « ce sont toujours les mêmes » et « ce sont ceux qui échouent » à résoudre les crises et à améliorer la vie quotidienne des gens. Elles dénoncent aussi la déconnexion des élites politiques. De facto, elles en appellent à un renouvellement.

Peut-ondireque,d’unecertainemanière,tous ces trentenaires représentent la « génération Macron » ?

F.D. : Après la victoire d’Emmanuel Macron en 2017, arrivent les législatives de juin qui amènent un véritable saut générationnel avec une moyenne d’âge des députés qui baisse de six ans. C’est la conséquence du « en même temps macronien » qui fait qu’on sort du clivage droite-gauche pour aller vers des personnalités pragmatiques en recherche d’efficacité. Une nouvelle génération, en effet.

Cela a-t-il changé les mœurs politiques ?

F.D. : Oui, je pense. Il existe des signaux faibles : par exemple, à la buvette de l’Assemblée, on sert moins de cognac et de whisky et plus de spritz ! Cela peut paraître anecdotique mais c’est très signifiant. Ces « nouveaux » députés ont grandi avec les réseaux sociaux, ils ont une pratique moins partisane de la politique.

On a constaté, cependant, lors de la loi sur l’immigration, par exemple, que les clivages traditionnels ne sont pas morts…

F.D. : C’est vrai. Le « en même temps » a vécu, il est désormais tourné en dérision, assimilé à du flou artistique, une valse-hésitation. Mais on remarque aussi dans nos études un décalage entre lesélusrevenuspourunegrandepartàl’opposition traditionnelle gauche/droite et une opinion publique qui veut majoritairement des solutions. De gauche ou de droite, peu importe…

Les réseaux sociaux ont transformé la pratique politique ?

F.D. : Pour partie mais pas totalement. Même les jeunes élus qui sont sur Tik-Tok se rendent compte assez vite que le terrain reste important. C’est là qu’on répond aux demandes des électeurs. Mais il est vrai que tous les politiciens sont pris dans cette instantanéité 2.0 à laquelle il est devenu impossible d’échapper. La fin du cumul des mandats a aussi rendu un peu caduque la nécessité de labourer son fief comme le faisaient dans le passé un Chirac ou même un François Hollande.

A contrario, aux États-Unis, on a deux vieillards qui vont s’affronter lors de la prochaine présidentielle. Étonnant, non ?

F.D. : En surface, oui. Mais quand on connait la situation politique américaine, il y a des facteurs endogènes qui expliquent cela. Jo Biden est le président sortant et quand un sortant se présente à un deuxième mandat, il n’est pas contesté. Quant à Trump, il n’a plus de rival au Parti républicain. Il a « plié le game », comme ont dit. Il s’agit, en réalité, d’un accident conjoncturel.

Comment voyez-vous la présidentielle de 2027, alors ? Une confirmation du « jeunisme » français ou un retour en arrière ?

F.D. : En France, il arrive fréquemment que d’une présidentielle à l’autre, on assiste à un retour de balanciers. Après deux mandats d’un président jeune, on peut très bien avoir une envie d’expérience. Les candidats qui apparaissent dans nos enquêtes sont plutôt des quinquas : Marine Le Pen, Édouard Philippe, Xavier Bertrand, Bruno Le Maire, etc. Mais à ce stade, rien n’est sûr. Gabriel Attal, par exemple, a réalisé une vraie percée dans l’opinion. Nos études montrent qu’il possède des traits de caractère qu’il est le seul à avoir, bien au-delà de sa jeunesse : homme d’action qui tient ses promesses. Un peu comme Nicolas Sarkozy en 2007. Trois années nous séparent encore de la présidentielle, il me semble urgent d’attendre avant de se prononcer…

 


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