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L’Économie D’Une Partie De L’Afrique Sabotée Par Les Sécessionnistes

Depuis 2016, des sécessionnistes ont pris les armes dans deux régions anglophones du Cameroun. Si, comme dans chaque conflit, les civils et les enfants en particulier sont les premières victimes, voilà que l’économie locale s’effondre. En cause : les pillages et attaques contre les entrepreneurs. Cependant, il ne s’agit pas du seul pays soumis à de telles pressions sécuritaires et politiques. Du Nigeria au Gabon, en passant par la République démocratique du Congo, chacun de ses pays fait face à des violences et des instabilités dont les conséquences sont terribles sur l’économie avec un recul des investissements et une fuite des cerveaux.

La subsistance des habitants des régions nord-ouest et sud-ouest dépend ainsi dorénavant en grande partie des aides humanitaires et de la solidarité nationale. La responsabilité en incombe à la politique de terreur mise en place par les miliciens séparatistes anglophones. Le tissu économique se délite, les habitants fuient,  et le fossé se creuse avec le reste du pays.

Les entrepreneurs des zones touchées par le séparatisme sont parmi les objectifs principaux des assaillants. Ce sont souvent les propriétaires d’exploitations agricoles qui furent l’objet de menaces pressantes, de violences, d’enlèvements contre rançon et de racket, pudiquement appelé par les séparatistes, par l’euphémisme d’ « impôt ». Ces violences ont fini par pousser les familles entières de ces patrons à fuir leur région natale, et à se diriger vers des cieux plus cléments, souvent en direction de Douala, le coeur économique du pays. Et avec ces fuites, celles de tous les ouvriers agricoles et la fermeture des serres, pourtant si essentielle à l’économie nationale.

Car si la violence contre les patrons est motivée par l’appât du gain, celle contre les employés est en revanche bien plus pernicieuse : tuer l’économie locale pour essayer de gagner à l’unisson face au gouvernement. Puis, pourquoi pas, une vraie révolution. Et entre temps, des entrepreneurs séparatistes tentent de se faire des économies en lançant une crypto-monnaie. A la lecture du White Paper, équivalent de business plan de ces nouvelles monnaies numériques, on s’aperçoit que c’est une coquille vide. Mais « mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose » est un proverbe fort apprécié dans ces régions.

Le cacao, un indicateur du ralentissement économique en zone anglophone

Afin de prendre la mesure de l’impact de la crise des séparatistes, quelques données économiques permettent d’observer le ralentissement de l’activité lié aux activités terroristes des auto-proclamés « ambazoniens » (du nom d’un pays imaginaire qui s’appellerait Ambazonie).

Lors de la saison de récolte 2016-2017, les régions où les séparatistes sévissent parvenaient à produire 45% du cacao camerounais, alors que lors de la saison 2017-2018, ce pourcentage était passé à 32%.

A ce phénomène se combine celui des difficultés d’exportation en dehors de ces zones qui engendrent la constitution de stocks importants, faute de pouvoir organiser l’acheminement des matières hors de la zone de conflit. Entre les années 2017 et 2018, selon l’ONCC (Office national du cacao et du café), les stocks ont progressé de 7,212 tonnes à 21,159 tonnes.

 

La Chine conserve une grande confiance dans l’économie camerounaise

Un autre indicateur de la manière dont l’économie du pays reste solide est la confiance que les dirigeants chinois maintiennent. Ainsi la République populaire de Chine vient d’accepter de supprimer 65 millions d’euros de dette. Il s’agit sans nul doute d’une des conséquences du séjour de Paul Biya lors du 3ème sommet de coopération sino-africain au mois de septembre 2018. Pour la Chine, il s’agit avant tout de mieux s’implanter en Afrique centrale, et de faire le choix le plus sûr en la matière : le Cameroun.

 

Une économie qui poursuit sa marche

Si la situation dans le Cameroun anglophone reste préoccupante, le reste du pays maintient son rythme de croissance, alors même que le but des sécessionnistes était de pénaliser l’ensemble du Cameroun en faisant fuir les capitaux de tout le pays. Les infrastructures, qu’elles soient routières, électriques, aquifères, ou digitales sont en plein développement.

Le FMI a ainsi accordé en novembre dernier au Cameroun un accès à une tranche supplémentaire de fonds d’un montant de 70 millions d’euros. Et les perspectives de l’organisation de la CAN 2021, la Coupe d’Afrique des nations de football, laisse les économistes rêveurs. Enfin, entre la mise en place du nouveau port maritime en eau profonde de Kribi et la réhabilitation du port de Douala, le Cameroun est, plus que jamais, la porte d’entrée et de sortie de toute l’économie d’Afrique centrale, du Congo au Tchad, de Brazzaville à Lagos.

Pourtant, il ne faut pas oublier les conséquences dramatiques du terrorisme ambazonien sur les deux régions anglophones. Un fossé économique et social se creuse auquel s’ajoutent les risques d’un exode encore plus massif, alors même que les dernières données de l’ONU indiquent que déjà plus de 200 000 Camerounais avaient fui les régions nord-ouest et sud-ouest du pays.

 

Une situation plus contrastée dans le reste de l’Afrique centrale et occidentale

Si le Cameroun poursuit son développement et maintient sa cohésion malgré les violences, de nombreux autres pays sont aussi confrontés aux terrorismes auquel s’ajoute une forte instabilité politique.

Le Nigeria est pour sa part confronté, d’une ampleur plus forte encore, à la secte islamiste Boko Haram, d’autant que le mouvement a prêté allégeance à l’État islamique en 2015. Depuis 2009 le nord du Nigeria, subit les assauts des milices terroristes, dont les musulmans de la région sont les principales victimes. Massacres, viols et enlèvements sont devenus le lot des populations, et chacun se souvient du kidnapping des lycéennes de Chibok en 2014.

Il s’agit surtout d’un des principaux pays producteurs de pétrole dans le monde, et les soubresauts politiques ont des conséquences importantes. Ainsi le Nigeria a un besoin impératif d’investissements et de présence de sociétés étrangères spécialisées dans les hydrocarbures. En effet, l’extraction de pétrole nécessite des compétences spécifiques dont les entreprises nigérianes ne sont pas dotées pour le moment. La simple présence du pétrole ne suffit pas pour rendre un pays riche, la stabilité politique est indispensable pour justifier les énormes investissements nécessaires.

En République démocratique du Congo, la récente élection du de Félix Tchikedesi, opposant historique à l’ancien président Kabila, risque de créer de nouvelles tensions, dans un pays ravagé à l’est par des conflits et des exactions de la part de milices, cherchant le contrôle des ressources. Si Joseph Kabila ne s’est pas représenté, la cause s’en trouve dans la constitution du pays qui le lui interdisait. Depuis 2016, il avait repoussé cette échéance. Lors du vote de 2018, il avait soutenu Emmanuel Ramzani Shadari, que chacun estimait être la simple marionnette de Kabila.

Tchikedesi a prêté serment le 25 janvier dernier, et reste à savoir quelle sera la réaction du clan Kabila lors de son mandat.

Pour autant, si sur le papier l’économie de la RDC semble prometteuse, du fait de ses ressources naturelles, le pays reste ravagé par une violence endémique, et les viols. Cela entraîne une fuite des cerveaux du pays. Cette élite intellectuelle, souvent bien formée dans les universités européennes et américaines, est animée d’un ardent désir d’aider leur pays. Cependant, les dangers liés à la situation sécuritaire poussent de nombreux Congolais diplômés sur le chemin de l’exil.

Le Gabon est pour sa part une véritable poudrière. Malgré l’échec du coup d’état effectué le 7 janvier dernier par quelques militaires, le pays reste sous pression. Le Gabon reste marqué par les élections de 2016 à la suite desquelles Ali Bongo ne l’avait remporté que de 5000 voix sur son adversaire principale, Jean Ping. L’absence de publication des résultats par bureaux de vote avait entraîné des soupçons de fraudes.

Cette instabilité est renforcée par les doutes autour de l’état de santé du président Bongo, aperçu en fauteuil roulant le 15 janvier dernier. Il aurait en effet été victime d’un AVC, ayant entraîné une hospitalisation au Maroc et donc une vacance du pouvoir.

Ce pays producteur de pétrole se trouve ainsi dans une situation similaire, d’un point de vue économique, à celle du Nigeria,. Les besoins en investissement sont colossaux afin d’entretenir la production pétrolière, et les liens entre le régime des Bongo et le géant pétrolier français Total ne sont un secret pour personne. La moindre fragilité dans le pouvoir gabonais a donc des répercussions, et la crainte d’une instabilité va avoir des conséquences directes pour l’économie gabonaise.

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