« Peine. Immense. […] Pour la France, à l’annonce du score réalisé par le FN […]. En tête dans huit régions métropolitaines ! Peine non pour les électeurs du FN — tous ne sont pas des fascistes, loin s’en faut — mais peine de ne pas avoir pu contribuer, avec efficacité, à faire refluer cette vague. »
« Peine, toute aussi vive, pour beaucoup des leaders politiques — de la droite, de la gauche — qui refusent d’endosser leur part de responsabilité devant ce que je considère être une lourde défaite. »
- Élection présidentielle de 1974, Jean-Marie Le Pen obtient 0.74% des voix. Le président précédent était Georges Pompidou – Le président élu, Valéry Giscard d’Estaing.
- 1981, faute d’obtention des 500 parrainages nécessaires, J.M. Le Pen n’est pas en capacité de se présenter. François Mitterrand est élu président.
Avant 1981, aucun parti d’extrême-droite, sous la Ve République, n’a jamais réellement existé !
- 1988, tout a changé, le FN fait 14.39%. François Mitterrand est réélu.
- 1995, le FN fait 15%. Le président élu est Jacques Chirac.
- 2002, le FN fait 16.86%. Face-à-face au deuxième tour avec Chirac qui est réélu (le FN ne gagne « que » 0,13 point entre les deux tours).
- 2007, le FN fait 10.44%. Nicolas Sarkozy est élu président.
- 2012, c’est maintenant Marine Le Pen. Elle obtient un score de 17.90%. Le président élu est François Hollande.
- 2017, le FN fait 21.30%. Au deuxième tour, selon toute vraisemblance, le FN pourrait être très proche, voire pis, des 40% et ainsi gagner presque 20 points entre les deux tours. Le Président élu sera Emmanuel Macron.
Election Présidentielle | Président précédent | Score du FN au 1er tour | Différence avec le score du FN obtenu lors de l’élection précédente | Score du FN au 2e tour |
1988 | F. Mitterrand | 14.39 % | + 14,39 |
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1995 | F. Mitterrand | 15.00 % | + 0,61 |
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2002 | J. Chirac | 16.86 % | + 1,86 | 17.79 % |
2007 | J. Chirac | 10.44 % | – 6,42 |
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2012 | N. Sarkozy | 17.90 % | + 7,46 |
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2017 | F. Hollande | 21.30 % | + 3,40 | ?? % |
Bien sûr les chiffres ne disent pas tout. Et les hommes et les femmes qui se présentent en face du FN, par leurs qualités, leur positionnement, parfois aussi, comme on l’a vu, par les affaires qui les disqualifient, comptent aussi. Il n’empêche. Si nous en sommes arrivés là, c’est bien tout de même que les partis politiques, et beaucoup de leurs leaders, ont failli depuis 1981. Des partis et des politiques que l’on reconnaît lorsque ils crient au loup la veille ou l’avant-veille des élections, s’érigent en rempart contre une force qu’ils ont eux-mêmes participé à créer. N’ont-ils aucun bilan sérieux à présenter ?
C’est parce que les Français sont poussés aux extrémités qu’ils vont aux extrêmes !
Ces hommes et ces femmes, s’ils vont aux extrêmes, c’est parce qu’ils sont à bout. Comme il faut leur faire crédit de cela, il faut l’entendre. Pour la grande majorité d’entre eux, c’est parce qu’ils n’en peuvent plus.
L’histoire l’a montré. Elle le montre aujourd’hui encore. Les partis d’extrême-droite ne se sont jamais imposés par hasard. Pour exister, pour croître, le FN — à l’exclusion de quelques groupuscules fascistes — a grandi :
- sur le terreau d’apprentis sorciers de la politique qui ont joué avec le FN comme on peut jouer et se brûler avec le feu ; pompiers pyromanes en quelque sorte !
- sur le désespoir qu’entretiennent l’inégalité des chances, le chômage, le matraquage fiscal, les charges qui pèsent sur les entrepreneurs, les commerçants, les entreprises, le sentiment d’insécurité, le sentiment d’injustice… Antienne connue mais qu’on ne peut toujours balayer du revers facile de la « petite phrase » !
- sur les disparités du territoire. Ce qu’on appelle la France profonde, la France des ruralités, la France des délaissés — le FN est en tête dans plus de 19 000 communes, soit plus d’une commune sur deux !
Là où l’on attend des politiques qu’ils travaillent aux problèmes concrets des Français, qu’ils portent une vision pour le pays, qu’ils mettent en œuvre une vraie stratégie pour la compétitivité de la Nation, qu’ils inspirent chacun d’entre nous, qu’ils contribuent à améliorer le bien-être de la société… — qui seulement pourrait dire en France au sortir des derniers quinquennats ce qu’on veut que la France soit à dix ans, à vingt ans ! — parce qu’ils n’ont pas su assez dire, parce qu’ils n’ont surtout pas su assez faire, ils ont pointé du doigt le FN ; apportant sur un plateau une consistance et une caisse de résonance inespérées à ce que je pense être les idées dangereuses portées par l’extrême droite.
Pour trop de nos politiques, leurs coups de menton, leurs parements dans les toges d’une vertu hâtivement passée sur ce qui est trop souvent leur seule ambition : être réélus, n’ont jamais montré que ce qu’ils voulaient cacher, leur impuissance à faire de la grande Politique.
La nature a horreur du vide ! Dans la vacance d’une classe politique trop souvent politicienne, acculée devant l’évidence de ce qui devait arriver mais qui, plutôt que de regarder la vérité en face, a préféré avancer comme ces condamnés (dans le Mythe de Sisyphe de Camus) derrière de petits écrans peints que le prêtre tenait devant leur visage pour leur cacher l’échafaud… le FN a pris position. Au risque d’apparaître demain, pour beaucoup, et comme cela a été et est le cas dans d’autres pays, comme la force d’opposition.
François Mitterrand avant hier, Nicolas Sarkozy hier, François Hollande aujourd’hui, je vous le dis, vous avez un peu des voix du FN sur les mains.
Le trait sans doute est-il exagéré — comme il faudrait y associer l’ensemble des différents gouvernements, et sans doute bien d’autres acteurs — mais il pose les responsabilités.
Dire cela ne m’exonère pas de mes responsabilités. Je ne suis pas Ponce Pilate. Je ne m’en lave pas les mains pour autant. Moi aussi, à mon niveau, je porte aussi — comme sans doute, mais cela ne fait pas consolation, des millions de Français — une part de responsabilité. Pour avoir peut-être un jour manqué de vigilance, omis d’argumenter et argumenter encore, avoir oublié, ne serait-ce qu’un instant ce legs si précieux de Camus prononcé lors de son discours de réception du prix Nobel de littérature : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. Nous devons savoir pourtant que nous ne la referons pas. Mais notre tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »
Aussi, et plutôt que de s’interroger sur le bilan de tel ou tel président, et mettre une fois encore de l’énergie dans de stériles egos déjà bien dimensionnés, regardons simplement, hier au cours de leur(s) septennat(s), aujourd’hui au cours de leur quinquennat, la progression ou la régression du FN. Indicateur-clé de leur réussite ou de leur échec.
À quand le premier des engagements : l’inversion de la courbe du FN !
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