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Le Revenu Universel Ne Transcendera Pas Les Débats

Crédit Photo : François Pauletto/Corbis via Getty Images

Défendu par la gauche qui prédit un futur sans travail, par la droite pour une simplification de la redistribution, le revenu universel est une notion à n’y plus rien comprendre…

« Le revenu universel sera la grande réforme du prochain quinquennat », disent les uns… « La seule solution pour s’en sortir est de revenir dans la compétition internationale », disent les autres. Le primaire à gauche a encore creusé le fossé entre ceux qui réclament des protections sans pouvoir les financer et ceux qui croient au redressement par l’innovation et le travail.

 

La pédagogie qui ressort des premiers débats à gauche est catastrophique parce qu’une partie des candidats n’est pas loin de promettre une société du 21e siècle dans laquelle il n‘y aura plus de travail. D’où les projets de protections, d’assistance, de repliements sur soi, de protectionnisme qui partent dans tous les sens de la gauche de la gauche, de la maison Mélenchon à celle de Benoît Hamon en passant par beaucoup d’écologistes et même d’Arnaud Montebourg . La caricature de cette pédagogie se retrouve dans la promesse très fumeuse de pouvoir distribuer à chacun un revenu universel pour tous, des emplois publics d’assistance, etc. Le tout sans aucun financement cohérent.

Mais pourquoi s’embarrasser de financer ses promesses ? « Nous irons à Bruxelles annoncer qu’on se moque de la régulation budgétaire, que l’on peut accroître le déficit à 5 ou 6% et nous décréteront la fin de l’austérité en Europe », dit Arnaud Montebourg.

Benoit Hamon, dopé par une dynamique des sondages, pense, lui, que le travail va disparaître sous l’invasion des robots et qu’il faudra donc permettre aux jeunes, aux chômeurs, aux plus vieux, et finalement à toute la population, de survivre grâce à un revenu universel de 500 ou 800 euros (ça varie selon les discours), indépendamment de toutes autres sources de revenus. Alors, l’outsider de la primaire de gauche a un peu nuancé son projet en admettant qu’il faudrait étaler sa mise en place sur une longue période et veiller à ne pas accroître les inégalités. Bref, en promettant une « vie de rêve », la gauche traditionnelle propose surtout une usine à gaz dont personne ne sait comment elle pourrait fonctionner puisque personne à gauche n’explique comment on financera ce revenu universel. D’autant plus difficilement que plus personne ne travaillera.

L’idée première du revenu universel est née dans les milieux libéraux, mais les libéraux ont toujours conçu le revenu universel en remplacement de toutes les autres prestations sociales et familiales qui sont versées actuellement pour mille et une raisons. Dans ce scénario, le revenu universel était financé, il était surtout confronté à la responsabilité individuelle puisque le bénéficiaire en faisait ce qu’il voulait, enfin il était techniquement très simple à faire fonctionner. La gauche n’a jamais pensé à supprimer les autres allocations parce qu’elle n’a jamais pu abandonner sa vocation historique d’organiser la lutte contre les inégalités, de travailler au progrès social plus que de se préoccuper du progrès économique.

Les programmes et réformes de la gauche historique s’inscrivent dans l’idée que le travail, qui a été pendant deux siècles le fondement de la création de richesse et du progrès, va disparaître.

Ces programmes et ces projets s’appuient sur le fait que la révolution digitale devrait créer moins d’emplois qu’elle n’en détruit, ce qui n’est pas prouvé. Ces programmes d’assistance généralisée se réfèrent aussi au ralentissement de la croissance dans le monde entier sans préciser que ça ne peut être que conjoncturelle.

Plus grave, ces programmes diffusés aussi par les mouvements écologistes radicaux présupposent que la planète est en danger pour cause de surconsommation d’énergie fossile et de matières premières, pour cause également de pollution. Au bout du compte la seule solution est la non-croissance. Les militants de la non-croissance sont légions. Le côté paradoxal est que pour se manifester, ils utilisent Facebook, l’outil le plus emblématique de la croissance moderne.

Enfin, les nouveaux adeptes à gauche du non-travail ont aussi forgé leur conviction sur l’échec des politiques de gauche, au début du quinquennat, à redresser le pays. La relance n’a rien relancé. La surtaxation des riches a fait fuir les riches, conduisant le gouvernement à imposer les moins riches.

Puisque les politiques de gauche ont échoué à redresser l’activité économique, c’est peut-être, disent-ils, que le système est structurellement en train de muter.

D’où la multiplication des projets qui visent à offrir des modèles et des revenus de substitution.

Le problème de tous ces modèles, c’est qu’ils génèrent la stagnation et appellent un mode de vie complètement différent de celui qui nous occupe depuis deux siècles.

 

A coté de cette gauche classique, et archaïque qui nous ramène au 16e siècle, il existe évidemment une gauche plus moderne emmenée par Manuel Valls, Vincent Peillon et par Emmanuel Macron qui court en dehors du système. Le projet de cette gauche est le prolongement de celui voulu jadis par Pierre Mendes-France ou par Michel Rocard. Le credo de base des socio-libéraux était de tenir compte de la réalité et de s’adapter aux mutations mondiales.

La réalité est que la valeur travail est le facteur principal de création de richesses, les mutations modifient la forme, et l’organisation du travail, mais ne suppriment en aucun cas l’obligation de travailler.

Pour cette gauche-là, l’une des meilleures protections contre les aléas du marché n’est pas de multiplier les revenus d’assistance, ou les aides de toutes sortes, mais est d’augmenter la créativité, la compétitivité et la puissance économique.

Ajoutons à cela que le travail est, non seulement le moyen de créer de la richesse, mais aussi le moyen d’épanouissement des hommes et des femmes. Et pas seulement chez les chrétiens.

Alors ce type d’affirmation un peu théorique n’exonère pas l’écosystème (le gouvernement, les chefs d’entreprise, les syndicats) de prévoir, d’anticiper les mutations de façon à organiser les transitions qui sont parfois douloureuses ; il n’exonère pas davantage de veiller aux conditions de travail, à l’équité, à la redistribution des revenus et à corriger les excès du marché… Mais la protection de la valeur travail ne passe pas par la suppression du devoir de travailler.

Alors cette conception très sociale libérale de l’organisation est bien sûre défendue par Manuel Valls, quand il ne glisse par sur des arguments populistes en croyant récupérer des électeurs de la gauche ; elle est aussi défendue clairement par Emmanuel Macron, et encore plus nettement par François Fillon.

Le succès de la gauche libérale (Macron) et de la droite libérale (Fillon) prouve à l’évidence que la gauche archaïque a sans doute perdu la bataille de l’opinion. L’opinion a compris que les mesures de gauche, ou bien prônées par la gauche au début du quinquennat, ont échoué et mènent à la faillite, c’est-à-dire à dépendre de ceux qui possèdent l’argent, l’Allemagne, les fonds américains ou chinois.

L’opinion a compris que la meilleure des protections passait par la compétitivité, l’innovation, la concurrence. L’opinion a compris que le modèle social et identitaire serait protégé si l’économie était prospère et puissante. Moralité, tout faire pour restaurer la prospérité.

 

La droite et la gauche libérales ont gagné cette bataille sur le terrain, mais disons que les leaders qui conduisent cette révolution sont encore bien seuls. Les partis politiques, les médias, les intellectuels sont restés en dehors de ce mouvement. Emmanuel Macron est parti très seul contre sa famille. François Fillon a gagné, mais il doit batailler tous les jours avec les cadres de sa famille. Quant à Manuel Valls, il aura du mal à être soutenu par le Parti socialiste.

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