Décret de rénovation tertiaire adopté, puis abandonné, rénovation des logements, évoquée, puis éludée, ouverture des réseaux fermés d’utilisateurs, bloquée puis votée… Les exemples sont nombreux pour illustrer la difficulté des politiques à donner un cap précis et surtout stable au secteur du bâtiment. Mais il y a un monde au-delà des réglementations qui appartient à ceux qui anticipent les enjeux et récompense ceux qui savent prendre des risques.
Depuis quelques années, la France tente de prendre à bras-le-corps les sujets liés au développement durable et à l’énergie et de mettre en place pour cela des politiques ambitieuses. Cette ambition, née au plus haut niveau lors de la précédente mandature, venait mettre en avant la capacité de la France, pays organisateur de la désormais célèbre COP 21 (Conférence de Paris sur les changements climatiques) à légiférer sur ces sujets. Un objectif affiché : montrer l’exemple ! C’était l’affaire de la précédente ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Ségolène Royal, qui a, à de nombreuses reprises, montré son implication et sa volonté profonde de faire avancer au plus vite ces sujets. Pour preuve, la loi de transition énergétique pour la croissance verte (loi no 2015-992 du 17 août 2015), en est le parfait exemple.
À cette époque, la France, frappée par la crise de 2008, relevait la tête. Il était donc temps de l’engager sur le chemin de la croissance et pas n’importe laquelle. Brandie comme un étendard, la croissance verte signait le grand retour de la France en tant que leader des questions climatiques.
Une opportunité pour le bâtiment
Dans le secteur du bâtiment et de l’énergie, des lois s’annoncent, de toute part, demandant des efforts aux acteurs, souvent trop importants. Cela pouvait donc représenter un levier de création de valeur, permettant de vendre des prestations à plus haute valeur ajoutée et donc plus chère. Dans un premier temps, le secteur du bâtiment suit, mais très vite des questions se posent. Pour faire évoluer les prestations, il fallait faire monter en compétence les équipes par le biais de formations.
La question la plus épineuse est alors celle de la rénovation énergétique. Certains syndicats ont donc ralenti le mouvement, car, pour eux, cette nouvelle activité, au lieu de s’additionner aux prestations déjà existantes, venait s’y substituer. Un décalage commence donc à se créer entre les ambitions politiques et la réalité du terrain ressentie par les acteurs du bâtiment.
La volonté politique se heurte au terrain
Les prévisions et les modèles mis au point par le ministère, trop ambitieux, faisaient craindre le pire aux fédérations professionnelles. L’exemple le plus singulier est le décret sur la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires, ou « décret tertiaire ». Ce décret précise les modalités d’application de l’article 17 de la loi de Transition Energétique et vise à faire baisser de 60 % la consommation énergétique du parc tertiaire à horizon 2050, en prenant pour référence l’année 2010. Un premier décret pour la période 2012-2020 devait être suivi d’une révision des objectifs tous les 10 ans. Mais ce texte n’a pas franchi le premier palier, ni même la première marche. Il fut annulé deux mois après sa parution, suite à un recours.
Cet exemple, des plus parlants, n’est pas un cas isolé. Les effets d’annonces, les lois trop ambitieuses qui n’ont jamais vu le jour ou les retournements de situations ont été monnaie courante : autoconsommation pour les particuliers, rénovation énergétique des logements encore à l’étude après trois années de discussions. Fixer un cap ambitieux et le tenir se révèle être plus complexe que prévu.
Une nécessaire stabilité
Seulement, les acteurs de la construction ont besoin de stabilité. Le cap doit être clair et tenu par les politiques, car le secteur est très lié aux législations. Le bâtiment, comme c’est le cas de la plupart des filières, devra tendre vers plus de développement durable et d’efficacité énergétique, mais il y a pour cela des étapes à franchir.
Trop souvent, la législation est vécue comme une contrainte lourde par le secteur du bâtiment, qui représente plus de 40 % de l’énergie consommée et 20 % des émissions de CO2 en France. L’enjeu est donc de taille et la Transition énergétique ne pourra en aucun cas se faire sans le bâtiment. Malgré la difficulté à légiférer, le secteur saisit tout de même l’enjeu, mais aussi le business potentiel qu’il peut apporter.
Anticiper, la clé du succès ?
Certains acteurs se lancent donc dans des actions volontaires, dépassant le cadre des réglementations. Cette initiative, portée notamment par le Plan Bâtiment durable, par le biais de sa « Charte d’engagement sur la rénovation du parc tertiaire public et privé », vise à mobiliser les acteurs du bâtiment pour les engager sur le chemin de la rénovation. Depuis plus de quatre ans maintenant, ce dispositif compte désormais plus de 130 signataires. L’objectif de cette charte est de diffuser les bonnes pratiques et de favoriser les retours d’expériences.
En parallèle, d’autres acteurs de la construction, mais surtout de l’immobilier, voient dans l’enjeu de la rénovation un bon levier de business. En effet, une fois rénové, le bâtiment consomme moins d’énergie, crée du service et optimise son usage. Ces améliorations créent de la valeur et permettent d’augmenter les prix des prestations pour les maîtres d’ouvrage et pour les maîtres d’œuvre de louer ou vendre les bâtiments plus chers.
Il existe donc un modèle économique pour les acteurs désireux d’aller plus loin que les réglementations, et cet effort sera payant par la suite. Répondant déjà aux normes à venir, l’adaptation aux nouvelles réglementations sera d’autant plus aisée et n’occasionnera que peu de surcoûts.
La réglementation permet donc de clarifier les grands axes et oblige les acteurs à être plus vertueux, mais il serait faux de dire qu’elle définit le marché dans son ensemble. L’intérêt d’aller plus loin est clair, bénéficie à tous, mais nécessite une réelle volonté. Dans les années à venir, les entreprises qui auront déjà pris le virage sortiront très certainement leur épingle du jeu. Les décisions politiques suivent les tendances de fond, peuvent accélérer la transition, mais les réelles avancées sont portées par des acteurs ambitieux, capables de parier sur l’avenir et de faire de leur vertu un argument choc.
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