L’épisode Whirlpool a marqué le désarroi des candidats et de l’ensemble de la classe politique face au pouvoir des multinationales et à leurs décisions. Faute d’assurer la pérennité des emplois, les syndicats n’ont pu que signer un accord négociant de meilleures indemnités. Alors, quel avenir pour les travailleurs peu qualifiés victimes de telles restructurations ?
Vers une bipolarisation de l’emploi
Les années 90 craignaient la fin des emplois non qualifiés, pour causes de robotisation et d’exposition à la concurrence internationale. La réalité est toute autre, puisque les emplois des catégories les moins qualifiées continuent de peser dans la structure de l’emploi française (35% des emplois encore aujourd’hui – cabinet Markets & Markets), dopés par le secteur des services peu sophistiqués : l’hôtellerie-restauration, le BTP, la distribution, l’aide à la personne…
Pour autant, ces catégories demeurent touchées par la précarité des contrats courts, par un taux de chômage plus élevé, 20% pour les non-qualifiés contre 4% pour les cadres. Alors que faire ? Plusieurs réponses sont avancées, avec des mises en place plus ou moins longues.
Miser sur la compétitivité par le coût du travail
La solution la plus fréquemment mise en œuvre est celle de baisser le coût du travail, c’est la plus court-termiste aussi en termes de résultats. Le CICE, crédit d’impôt en faveur des entreprises mis en place par François Hollande, comme d’autres allègements de charges dans le passé (allègement Balladur, puis Juppé…) , en sont des prémices, mais Emmanuel Macron a annoncé, dans son programme, vouloir pérenniser ce dispositif par un système direct de baisse de charges, de dix points pour les emplois rémunérés à hauteur du SMIC.
Bonne solution selon les économistes, puisqu’elle permet de contrecarrer un SMIC considéré comme élevé. « Plus on baisse le coût du travail, moins il y a de crainte à l’embauche » selon Pierre Cahuc, professeur d’économie à l’ENSAE, particulièrement adaptée à l’emploi non qualifié, puisque « le meilleur moyen de qualifier les jeunes, c’est de les faire travailler ». Nécessité néanmoins de cibler ses allégements de charges sur les bas salaires, voire même sur les catégories professionnelles les plus touchées, David Thesmar, professeur de finance au MIT, explique que « avec 10.000 euros de charges sociales en moins, on peut embaucher plus de livreurs que d’ingénieurs ».
Améliorer l’attractivité par un coût du travail moindre pour l’entreprise, c’est la compétitivité par le coût. Mais l’enjeu se trouve aussi désormais du côté de la compétitivité hors coût, celle qui se traduit par une meilleure qualité de l’offre de travail, adaptable aux évolutions de la société.
La mobilité, l’objectif ultime d’une politique de l’emploi
Première forme de mobilité : celle des travailleurs entre les différents secteurs de l’économie. L’inadéquation de l’offre de travail au marché de l’emploi met en exergue la nécessité de former les populations, tout au long de leur vie, aux évolutions de l’économie. Cette nécessité de formation est même devenue un droit social au niveau européen, quand la Commission européen, via le Socle européen de droits sociaux, a rédigé une recommandation stipulant que « les jeunes et les adultes en âge de travailler qui ont un faible niveau de qualification doivent être encouragés à améliorer leurs compétences. », que les Etats membres doivent retranscrire dans leur système social.
La formation était bel et bien présente dans les programmes des candidats à la présidentielle, notamment dans celui du vainqueur, qui promet 15 milliards d’investissements dévolus à la formation des non qualifiés, ainsi qu’une individualisation progressive de la formation.
En réalité, les dispositifs existent déjà ou sont en cours d’application, mais restent méconnus. Anciennement Droit Individuel à la Formation, le Compte Personnel de Formation a été mis en place par la Loi El Khomri. Aujourd’hui, seuls 3,3 millions de salariés, sur 16 millions concernés, l’ont activé. Si un effort est porté sur les populations moins qualifiées, qui voient doubler le nombre d’heures dont leur compte est crédité, Didier Cuzin, ingénieur de formation professionnelle, rapporte que « les formations pour les salariés non qualifiés sont peu nombreuses, proposées souvent par des opérateurs publics incapables de se dégager des modèles scolaires, et très mal financés », regrettant également un aménagement du temps de travail encore trop inflexible aux périodes de formation.
Mobilité professionnelle, mais aussi géographique. Et cela part d’un constat simple, le territoire est inégalement réparti en termes de chômage: l’emploi ne se crée pas forcément dans les territoires où il se perd et certaines zones, anciennement bassins d’emplois, sont ravagées aujourd’hui. France Stratégie, organisme rattaché au gouvernement, souligne les écarts entre grandes villes et petites communes, les dernières concentrant 12% de la population active pour simplement 6% des salaires. Envisager une mobilité n’est pas systématique chez les moins qualifiés, leur taux de mobilité est bien moins élevé chez que chez les cadres. Le Conseil d’Orientation à l’Emploi conclut, dans le rapport Greff, que « plusieurs études ont montré qu’en Europe, suite à une crise régionale, l’ajustement se fait essentiellement par une hausse du chômage et très peu par une migration. ».
Favoriser la mobilité est la solution la plus longue à mettre en place, mais comblerait le besoin de flexibilité de notre société aujourd’hui.
Ce qu’il ne faut pas négliger également, c’est une meilleure pédagogie : expliquer davantage que les carrières de demain seront moins longilignes que par le passé et connaitront des changements de parcours, la nécessité de changer de régions, de secteurs ; la formation professionnelle devant être vue comme une chance et non plus comme un échec
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