La reconnaissance faciale a fait une incursion progressive auprès du grand public : d’abord utilisée dans les aéroports ou grâce aux passeports biométriques, c’est désormais sur les téléphones les plus performants du marché que les traits du visage sont reconnus. Cette technique répond à un double objectif: l’authentification et l’identification d’un individu. Une personne est bien celle qu’elle prétend être, ou retrouver quelqu’un au milieu d’un groupe, sur la base de ses données. Une technologie qui semble se développe par sa promesse affichée : assurer votre sécurité. Par Ludovic Broyer, fondateur d’iProtego
Vers le tout sécuritaire
Il est aisé de comprendre l’intérêt des Etats pour cette technologie : dans un contexte d’insécurité croissante, marqué par le terrorisme et l’épidémie de covid19 qui sévit depuis plusieurs mois, la reconnaissance faciale pourrait rassurer et tiendrait sa promesse.
Retrouver les malfaiteurs, les contaminés, les violeurs. Généraliser la surveillance au nom d’un risque plus grand. Vendre des outils techniques aux Etats et gouvernements soucieux d’asseoir leur contrôle sur les sociétés, à l’instar de l’exemple chinois. Car la reconnaissance faciale apparaît comme l’étape suivante inévitable à la vidéosurveillance.
Pour exploiter les images des caméras disposées dans les magasins ou le métro, rien de tel que l’utilisation de reconnaissance faciale pour authentifier des individus. Si les finalités sont un peu différentes en Chine et en France, l’exploitation des données permet de rapprocher un tas d’informations sur l’identité d’une personne. Mais une dérive pointe le bout de son nez : l’intrusion de la reconnaissance faciale comme un élément acceptable de la vie normale.
En d’autres termes, l’utilisation élargie de la reconnaissance faciale ouvre la voie à des formes de dérives, qu’il convient de contrôler. La Russie a utilisé cette technologie pendant l’épidémie de covid, au nom de l’impératif sanitaire. Et s’il est vrai qu’une société hyper-contrôlée a un taux de criminalité très faible, se pose la question suivante : dans quel monde souhaite-t-on vivre ? La société dystopique dépeinte par George Orwell dans son roman 1984 n’est jamais loin.
Mesures d’exception, reconnaissance faciale : un cadre à définir en France
En France, si l’absence de cadre juridique clair autorise les expérimentations, celles-ci ne sont pas toujours acceptées. Les villes de Nice et Marseille ont notamment voulu tester la reconnaissance faciale sur des lycéens l’an dernier. Dans plusieurs établissements sélectionnés, des caméras ont été placées à l’entrée afin de scanner et de repérer parmi les élèves, pour la plupart mineurs, d’éventuels intrus. La Commission nationale de l’Informatique et des Libertés a jugé le dispositif illégal.
Autre essai, autre déconvenue : à Saint-Etienne, la mairie envisageait de déployer un dispositif de captation et d’analyse de sons, sur la voie publique. Il s’agissait ainsi d’installer une cinquantaine de micros sur un cadre donné, qui enregistraient tous les bruits suspects avant qu’ils ne soient analysés par un algorithme et assimilés à des modèles préenregistrés.
La CNIL a envoyé un avertissement à la ville, et le rappelle sur son site : « Les enjeux de protection des données et les risques d’atteintes aux libertés individuelles que de tels dispositifs sont susceptibles d’induire sont considérables, notamment la liberté d’aller et venir anonymement ».
Une juridiction solide doit être définie. Certes, le « tout-sécurité » peut s’avérer séduisant pour les hommes politiques. L’état d’urgence sanitaire a été déclaré le 23 mars 2020 et prolongé jusqu’au 10 juillet inclus. Mais, la Loi du 9 juillet revient sur les conditions de sortie de ce régime, et met en place un « régime ad hoc transitoire » à partir du 11 juillet. Jusqu’au 30 octobre, certaines mesures peuvent être prises par le gouvernement sur les rassemblements et déplacements, par exemple.
Dans son documentaire diffusé sur Arte, Tous surveillés : sept milliards de suspects, Sylvain Louvet analyse l’impact de motifs transcendantaux tels que la lutte contre le terrorisme, la criminalité ou l’urgence sanitaire dans la course étatique au développement des technologies de surveillance.
Il montre que cette obsession sécuritaire pourrait se transformer et donner lieu au totalitarisme numérique, finalement proche de la société d’Orwell. Mettant en péril la liberté des citoyens, car la notion de consentement est rarement évoquée.
En période de crise sanitaire, le masque et le visage relèvent-ils du règlement général de la protection des données (RGPD) ? Aux débuts de la pandémie, le RGPD a compliqué la distribution des masques au personnel de santé. Autant de questions auxquelles il faudra répondre dans les prochains mois, afin de garantir la liberté et le consentement des citoyens.
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