En réponse à la crise sanitaire, Philippe Poutou, le candidat du Nouveau Parti Anti-capitaliste (NPA), souhaite instaurer s’il est élu, plusieurs mesures d’urgence. Parmi elles, figure l’interdiction des licenciements, seule façon selon lui de « mettre fin à la loi du profit ». Quels seraient les impacts de cette mesure pour les entreprises ? Les réponses de Henri Sterdyniak, animateur des Économistes Atterrés.
Philippe Poutou promet l’interdiction des licenciements, en priorité dans les entreprises qui font du profit. En quoi cette proposition peut-elle être une réponse aux déséquilibres de la relation employeur-employé ?
Henri Sterdyniak : Dans l’économie capitaliste dans laquelle nous vivons, les salariés sont considérés comme une ressource de leur entreprise. Ils n’ont aucun droit pérenne sur celle-ci, qui peut les licencier pour des raisons économiques même si elle réalise des profits, qu’elle souhaite changer d’organisation de production ou délocaliser son activité pour des raisons de coût de main d’œuvre. En toute logique, l’entreprise n’est guère incitée à investir dans ses salariés (formation continue, maintien de l’employabilité) comme le salarié dans son entreprise (loyauté, ardeur au travail).
Quel autre modèle sous-tend cette promesse électorale ?
Henri Sterdyniak : Un autre modèle est possible, et est d’ailleurs mis en œuvre dans beaucoup de grandes entreprises (EDF, AXA, les grandes banques). L’entreprise et le salarié sont liés par un contrat de long terme. Celle-ci assure au salarié une carrière jusqu’à sa retraite. Elle a donc le souci de maintenir son employabilité. En cas de changement technologique, elle doit assurer la formation des salariés aux nouvelles techniques. Le maintien de l’emploi fait partie des contraintes qu’elle doit prendre en compte lors de la mise en place de sa stratégie. Certes, l’économie peut être moins flexible ; les changements doivent se faire à l’intérieur des entreprises. En sens inverse, l’emploi est plus stable ; les entreprises incorporent les contraintes sociales de maintien de l’emploi et de l’employabilité des salariés. Dans cette optique, il est légitime que les salariés puissent avoir un droit de regard sur les décisions de l’entreprise, comme le reste des parties constituantes (actionnaires, dirigeants).
Peut-on dire que cette mesure, par le renversement de la chaîne de valeur qu’elle implique, pourrait s’avérer profitable tant aux entreprises qu’aux salariés ?
Henri Sterdyniak : Cela serait une réponse aux enjeux de la transition auxquelles toutes les entreprises vont devoir faire face. Les changements technologiques (en particulier, la transition écologique) vont contraindre l’activité de certaines branches économiques. Les salariés ne veulent pas être les victimes de cette transition, et demandent à ce qu’elle soit socialement prise en charge, c’est-à-dire que la continuité de leur salaire et du contrat de travail soit assurée pendant leur période de formation et d’adaptation à un nouveau métier. Certes, cette prise en charge a un coût financier à court terme, mais elle procure un gain social. Elle évite que certains travailleurs deviennent à jamais inemployables, que leurs familles soient plongées dans la pauvreté et l’angoisse du lendemain. C’est le rôle d’un candidat d’un parti qui veut exprimer les aspirations des classes populaires que de mettre en débat ce genre de propositions.
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