Pour éliminer les dépenses publiques inefficaces, Valérie Pécresse, candidate LR, veut commencer un audit des dépenses de l’Etat engagées sous la présidence d’Emmanuel Macron. Nécessaire ou suffisant ?
Il est toujours plus populaire de proposer de nouvelles mesures qui s’additionnent aux précédentes que d’avoir le courage de faire une évaluation de l’efficacité des politiques publiques et donc, en l’espèce, du quoi qu’il en coûte. Eliminer les dépenses les plus inefficaces est un enjeu crucial pour l’économiste pour une raison simple : cela permettrait d’économiser plus et de dépenser mieux. Une évaluation de l’efficacité des dépenses publiques serait une bonne chose car, étonnamment, la France la pratique assez peu en regard des pays anglo-saxons.
Le problème est qu’aucune méthode sérieuse n’est proposée. Le risque avec ce genre de proposition, c’est de se contenter d’un débat idéologique où l’on va pêle-mêle expliquer des phénomènes économiques sans établir de véritables causalités (par exemple avec l’utilisation démesurée de corrélations).
Alors oui, il faut évaluer l’efficacité de la dépense publique, mais derrière cette thématique, il y a nécessairement un sujet sur la méthode, exactement comme les liens que l’on souhaite établir entre l’efficacité des vaccins et les courbes d’infection souvent sans aucune méthode sérieuse. Ici, un enjeu méthodologique central et absolument essentiel pour la qualité du débat public est celui de bien distinguer entre corrélation et causalité. En effet, trop de corrélations créent des inférences et détériorent la qualité de l’information. On a trop fait de corrélations pendant cette pandémie, et dans les corrélations, tout et son contraire peut être vrai. Espérons que pour l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques que souhaite Valérie Pécresse, on adopte des méthodes sérieuses du domaine médical. Pour l’instant on en doute.
Une proposition pour y voir plus clair
Nous pouvons proposer une réponse à la question de l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques par la pédagogie et par l’exemple. Imaginons une politique d’aide à l’acquisition d’une première résidence principale à destination des ménages modestes. Ici, les bénéficiaires pendant la durée du programme paient moins d’intérêts car l’Etat subventionne les banques pour les couvrir. Peut-on déduire que le nombre de ménages ayant souscrit cette formule ainsi que les dépenses de l’Etat attestent de l’efficacité de la politique publique ? Non.
Ces deux indicateurs, nombre de bénéficiaires et dépenses publiques engagées, ne garantissent pas l’efficacité de la mesure. L’enjeu est colossal dans le contexte actuel : il s’agit de l’efficacité de la mesure et de la maîtrise des déficits publics. Pour revenir à notre exemple, rien ne nous dit que la subvention ait causé l’accès à la propriété de ces ménages. Pourquoi ?
- Certains ménages auraient quand même acheté ! Il aurait fallu, pour être rigoureux, connaître le choix de ces ménages sans la mesure ! Techniquement, on dit qu’il faut maîtriser le contrefactuel.
- La banque peut tout à fait augmenter le taux d’intérêt négocié en connaissance de la mesure, ce qui constituerait une sorte d’absorption de la subvention par les banques, un effet d’aubaine quoi.
- Le volume de crédit à la hausse ferait augmenter les prix de l’immobilier. Ceci est d’autant plus juste que l’on ne peut pas démultiplier indéfiniment l’offre de logements.
- Si cette mesure est dirigée vers les primo-accédants à l’intérieur de la catégorie des ménages pauvres, cela signifie aussi que les ménages non primo-accédants et qui souhaiteraient aussi acquérir un bien, subissent une hausse des prix de l’immobilier. Comme une sorte de dégât collatéral, effet pervers de la subvention, à vrai dire plutôt contraire même à l’objectif initial de la politique publique qui consistait, pour rappel, à faciliter l’accessibilité financière de l’immobilier des ménages pauvres…
Des méthodes robustes, simples et efficaces permettent pourtant de déterminer la causalité selon une démarche scientifique lavée de tout soupçon lobbyiste et produite par un organisme indépendant (Wasmer et Ferracci 2011). Inspirée des techniques médicales, qu’on a à notre plus grand étonnement occultées pendant la pandémie (nous en voulons aux médecins n’ayant pas clarifié ce point), la plus simple s’appelle la « différence des différences »: on soustrait à l’effet produit par la mesure sur un groupe de traitement bénéficiant du programme l’effet produit par la mesure sur un groupe de contrôle proche en tout genre mais ne bénéficiant pas du programme. Le résultat est l’impact causal.
La conclusion de cette histoire est qu’il est plus populaire de proposer de nouvelles mesures qui s’additionnent aux précédentes que d’avoir le courage de faire une évaluation de l’efficacité d’une politique publique et le courage de faire de la vraie pédagogie à fondement scientifique tel un médecin (normalement). Celle-ci en effet éliminerait les plus inefficaces. Cela permettrait pourtant d’économiser plus et de dépenser mieux… « Économiser plus pour dépenser mieux » devrait être le slogan des candidats à la présidentielle. Mais à une condition : il faut être clair sur la méthode adoptée. Ici, ce n’est pas le cas.
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